Co-président du Dialogue politique représentant l’opposition, le président du Parti social démocrate (PSD), Pierre-Claver Maganga Moussavou, s’est prononcé dans une interview accordée à Gabonreview sur de nombreux points de ces assises estimant qu’on ne pourra juger les participants qu’aux résultats obtenus.
Gabonreview: Monsieur Maganga Moussavou, vous êtes l’un des Co-présidents du Dialogue politique représentant l’opposition. Parlez-nous de l’organisation, des échanges. Comment se passent les débats dans les commissions actuellement?
Maganga Moussavou: Vous savez comment les travaux sont organisés. Ils le sont en fonction des commissions : sur les institutions, les élections, l’assainissement de la vie publique, l’économie et la paix. Toutes ces commissions travaillent d’arrache-pied et ont des thèmes précis tel que prévu par le Comité ad hoc provisoire qui a préparé ce dialogue. Le mode d’accord est le consensus. Pour pouvoir aborder les thèmes et se mettre d’accord, il faut que cela soit consensuel. Si par extraordinaire il y a quelques problèmes qui venaient à se poser, les questions seront amenees au Bureau qui, lui, jugera de l’opportunité de convoquer une plénière spéciale pour débattre de ce problème spécifique afin de débloquer la situation.
Pendant un moment, il y a eu des sons discordants au sein de l’opposition participant à ce Dialogue politique. Il y a, par exemple, eu Bruno Ben Moubamba et Moussavou King, entre autres, qui vous ont indexé, René Ndémezo’o et vous, de vouloir imposer vos points de vue, votre façon de voir les choses.
Rien de tout de cela. Je crois que c’est un besoin d’exister pour ceux-là puisqu’avant même qu’on ait commencé, ils se plaignaient déjà. Bruno Ben Moubamba, Moussavou King… sont correctement représentés. La commission qui est non pas la plus importante, mais une commission délicate, est co-présidée par l’opposition, à travers monsieur Ntchoreret qui est du parti ACR de Bruno Ben Moubamba. C’est dire qu’il y a une forte implication de ce parti.
Lorsque vous le dites, cela sous-entend que ni René Ndémezo’o Obiang ni vous n’avez essayé d’avoir de l’ascendant sur vos pairs de l’opposition?
Non, je ne pense pas qu’il y ait lieu d’imposer des points de vue. Nous participons comme tout le monde avec l’expérience que chacun peu avoir. Avant même qu’on ait commencé à dialoguer, on ne peut pas imposer des points de vue. Je disais que chacun est venu avec son expérience et il faut se rendre à l’évidence que lorsque vous avez un peu d’expérience, c’est normal que vous fassiez valoir un certain nombre de points de vue. Mais là, ce n’est même pas une question d’expérience, puisqu’avant d’aller en commission, il y a avant tout une plénière qui a adopté pour l’ensemble des points de vue qui seront débattus dans chaque commission. Ce ne sont donc pas des points de vue personnels à faire valoir. On peut avoir quelque maille à partir avec les autres parce qu’il faut toujours être vigilants. Sans tomber dans la suspicion, je dirais tout simplement qu’il faut être vigilants pour ne pas décevoir tous ceux qui attendent que des résultats palpables soient trouvés.
Les participants auraient déjà débattu du mandant du président, de la Cour constitutionnelle, du cumul des fonctions etc. A ce stade des négociations, qu’avez-vous déjà obtenu?
Je crois que je suis co-président du Bureau national du dialogue. Je me dois de me conformer au règlement intérieur non pas qu’il nous interdit de parler des succès et des échecs. Mais il vaut mieux, dans tout ce que nous faisons, attendre la fin. Il peut y avoir des blocages.
Les débats semblent très houleux?
Oui. Si les débats n’étaient pas houleux, cela voudrait dire qu’on est venu ici avec des arrangements qui ont été faits.
A propos d’arrangements, le ministre en charge du Dialogue laissait entendre que les décisions prises ici ne seront pas exécutoires. Elles devront encore passer par d’autres filtres. Qu’est-ce que cela signifie?
Le ministre en charge du Dialogue, à mon sens, il n’y en a plus. Puisqu’il est lui-même co-président d’une commission. Une hirondelle ne fait pas le printemps. Il vaut mieux se garder de trop parler. On n’en tient pas compte tout simplement.
Cela veut-il dire qu’il n’y aura pas une révision de ce qui va se décider ici après?
Non, ce qui aura été admis par consensus s’adressera à tout le monde et sera appliqué.
Dites-nous, votre fils est au gouvernement, mais il représente avec vous ici l’opposition. Comment cela se comprend?
Vous devez pouvoir mieux comprendre que quiconque pour pouvoir expliquer à ceux qui nous suivent, qui nous lisent par l’intermédiaire de votre média. Les gens trouvent étonnant. Ça me fait quatre fois que je participe à ce genre de débats. J’ai été quatre fois aussi candidat aux élections présidentielles. J’en ai souffert plus que d’autres parce que ce n’est pas le fait de perdre une élection, mais de savoir que vous avez des idées qui peuvent faire avancer votre pays et elles sont inaudibles. Elles le sont parce qu’il y a des problèmes de personnes qui prédominent. Je suis donc ici pour un apport. Avant de voir la présence de Biendi, voyez la présence de madame Maganga Moussavou. La seule femme qui est co-président d’une commission très délicate. Elle est en face de Biyoghé Mba, ancien Premier ministre, ancien vice-Premier ministre, ancien président du Conseil économique et social, un ministre d’Etat. Il faut, en face de ces gens-là, des femmes et des hommes d’expérience…
Voulez-vous dire que le fait que votre fils représente les intérêts du gouvernement ne sera pas préjudiciable à l’opposition que est censé représenté avec vous?
Non non. Je parle de madame Maganga et tout le monde est unanime pour dire qu’elle dirige merveilleusement, qu’elle mène correctement le travail qu’on lui a assigné. Elle ne lâche rien. Vous avez Biendi. Allez vous enquérir de ses prises de position dans la Commission 4 et vous comprendrez pourquoi, on ne peut pas parce que vous êtes d’une même famille, vous dire vous êtes trop intelligents, on vous coupe les têtes et on n’en laisse qu’une. L’exemple nous vient des Etats-Unis d’Amérique. Pays démocratique s’il en est. Vous avez la famille Kennedy, les Clinton. Cela ne vous inspire pas? C’est une chance que le Gabon ait un couple de ce niveau.
On dit souvent que “Comparaison n’est pas raison”…
Ce sont des mots qu’on aligne. Je suis docteur, mon épouse est docteur. Fallait-il supprimer son doctorat ou le mien pour dire que deux ce n’est pas possible. Je veux dire que si on parle de l’égalité des chances, donnez la chance à toute femme, à tout homme quitte à ce qu’ils soient d’une même famille ou de familles différentes. Mais on ne va pas écarter quelqu’un parce qu’il est de la même famille que tel. Allez voir ce que Biendi fait au gouvernement. Si j’étais blanc, j’allais rougir parce que partout où je passe, les ministres, comme le président de la République, son épouse ne nous parlent que du bien de lui. Je suis ému et parfois confus. Mais si c’est arrivé, on ne rejette pas cela. C’est extraordinaire, c’est une même famille. Ça veut dire qu’il faut l’éducation, l’encadrement. Quand on dit par exemple cumul de mandat, les gens disent qu’il ne faut pas de cumul parce qu’il faut répartir. Mais qui est déjà élu? Qui a déjà été élu pour dire qu’on va partager les postes? Il faut d’abord avoir été élu. Et l’objectif que moi je veux atteindre, c’est que l’intérieur du pays qui se vide ait des locomotives. Qui va accepter d’être maire d’une commune s’il n’y a pas de cumul de mandats?
Au final, qu’est-ce que les Gabonais peuvent attendre de ce Dialogue?
Il faut attendre que tous les acteurs aillent en direction de ce que ce peuple gabonais veut. Tant au niveau de la clé de voute des institutions, le président de la République, son mandat, tant au niveau des élections que l’on veut à deux tours pour permettre qu’il y ait élargissement de la légitimité. Au niveau de la Cour constitutionnelle, il faut lui enlever un certain nombre de missions qui viennent alourdir inutilement ses compétences. Il y ensuite les problèmes liés à l’organisation du Conseil supérieur de la magistrature. C’est ce qui concerne par exemple les institutions. Il faut réorganiser la Cour constitutionnelle et faire en sorte que le membre de cette cour soit suffisamment indépendant. La Commission électorale devrait avoir plus d’autonomie, d’indépendance. Le ministère de l’Intérieur comme au Sénégal, en Gambie devrait avoir un tout autre rôle régalien à jouer ; celui d’une administration du territoire efficace et efficiente avec la sécurité intérieure. Quant à ce qui concerne les élections, on peut penser que tout a été dit sur ce ministère et qu’on peut là aussi lui épargner tout ce qui a été déverser pour amorcer un autre chemin beaucoup plus rassurant pour les acteurs politiques et pour le peuple gabonais qui vote afin que son vote puisse compter. Si le peuple gabonais estime que certaines institutions, certaines structures sont un obstacle majeur à ce qu’il y ait la transparence et l’alternance, il faut s’en débarrasser purement et simplement. Toutes ces questions sont débattues. Il faut laisser le temps au temps, il faut être patient. Ce n’est pas le moment d’en parler, lorsque l’heure des conclusions viendra, vous serez parfaitement au courant de ce qu’on aura fait et on jugera sur pièce les acteurs qui auront pris part à nos travaux.