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Nouveau report des législatives en vue : Menace sur la démocratie
Publié le mercredi 3 mai 2017  |  Gabon Review
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Devenu le fil rouge des discussions en cours à Agondjé, le renvoi de la date de renouvellement de l’Assemblée nationale suscite des interrogations quant à son impact politique et institutionnel.


C’est la pierre de touche du Dialogue politique en cours : la date de tenue des prochaines élections législatives. Même si tout le monde feint de ne pas le savoir, chacun en est conscient : de l’acceptation ou du rejet de cette proposition dépendront la réussite et la destinée de cette concertation. En coulisses, les défenseurs de cette idée parlent déjà de décaler le renouvellement de l’Assemblée nationale pour décembre 2018. Certains vont jusqu’à annoncer janvier ou février 2019. Il s’en trouve même pour ergoter sur un jumelage des législatives et des locales, de manière à organiser des élections quasi-générales début 2019. S’ils s’opposent sur des détails, les participants à la grand-messe d’Agondjé semblent d’accord sur un point, essentiel à leurs yeux : la nécessité de reporter, une fois encore, les élections législatives. Pour eux, il s’agit de se donner le temps de traduire en lois et règlements les conclusions du Dialogue politique. De leur point de vue, une période transitoire est nécessaire pour procéder au toilettage du corpus juridique et réglementaire.

Banalisation du suffrage universel

Disant rechercher les voies et moyens de rompre avec les élections truquées et la contestation post-électorale, les tenants de cette proposition affirment œuvrer pour davantage de transparence. Seulement, initialement prévues pour décembre 2016, les législatives ont déjà été reportées à la demande du gouvernement. Ajouter 18 mois à la législature actuelle reviendrait ainsi à prolonger de 24 mois un mandat de 60 mois, soit 40% de la durée constitutionnelle. Est-il possible de rallonger indéfiniment des mandats sans tomber dans un régime d’exception ? Peut-on, synchroniquement, contester l’omnipotence de la Cour constitutionnelle et lui donner l’opportunité de maintenir artificiellement l’Assemblée nationale ? N’est-ce pas une façon de lui attribuer la souveraineté du peuple ou tout au moins d’en faire son équivalent ? Vouloir réduire les pouvoirs d’une institution tout en lui demandant de déterminer d’autorité à quel moment se soumettre au suffrage universel peut paraître absurde, surréaliste et contreproductif. Témoins de la défiance générale contre la Cour constitutionnelle, les observateurs de la présidentielle d’août 2016 en perdraient leur latin…

Si les participants au Dialogue politique ont raison de songer à la traduction en actes de leurs conclusions, le report des législatives n’en devient pas pour autant une urgence, encore moins une nécessité : une telle éventualité serait une banalisation supplémentaire du suffrage universel. Au-delà, ce serait un pas de plus vers la délégitimation totale de nos institutions. N’empêche, cette idée aurait pu être démocratiquement recevable. Pour cela, les assises d’Agondjè auraient dû avoir une toute autre configuration : non seulement elles auraient dû être préparées par une commission indépendante du gouvernement mais en plus, elles auraient dû regrouper toutes les forces sociales, y compris les amis de Jean Ping (lire «Repartir de zéro»). Mieux, le caractère exécutoire de ses conclusions aurait alors été acté dès l’entame des travaux. Or, aucune de ces conditions n’est réunie à ce jour. Dans l’opinion, cette concertation est toujours perçue comme un acte de légitimation politique, censé faire contrepoids à la contestation des résultats de la dernière présidentielle.

Collusion institutionnelle

A l’évidence, la demande d’un nouveau report des législatives procède d’un calcul tactique. Elle a tout d’un acte politicien. Si une telle éventualité venait à aboutir, elle déboucherait inéluctablement sur des élections chaotiques. N’ayant pu organiser des législatives trois mois après la présidentielle, les pouvoirs publics ne peuvent décemment prétendre renouveler l’Assemblée nationale, les mairies et les conseils départementaux en même temps. Comment croire en la transparence de telles élections ? Ne risque-t-on pas d’ouvrir la voie à tous les arrangements possibles et imaginables dans le dos des électeurs ? Au-delà, le report des législatives se traduirait par une marginalisation du Parlement et, par voie de conséquence, une inédite concentration des pouvoirs entre les mains de l’exécutif. Est-ce le dessein inavoué des chantres du report ? Quel serait, en effet, le poids d’une assemblée monocolore dont l’existence est liée au bon vouloir de la Cour constitutionnelle ? Déjà, de nombreux observateurs dénoncent un usage abusif et inopportun des ordonnances présidentielles. Veut-on y remédier ? Ou bien, entend-on légaliser le statut de chambre d’enregistrement accolé à l’Assemblée nationale ?

Sauf à œuvrer pour une collusion institutionnelle, il est urgent de revenir au calendrier constitutionnel. Un nouveau report des législatives rendrait toutes les échéances électorales à venir aléatoires. On imagine déjà la Cour constitutionnelle usant et abusant de ce précédent pour justifier tout et n’importe quoi. Plus grave, ce nouveau report ramènerait le député au statut de personnalité nommée par la Cour constitutionnelle, ruinant ainsi sa respectabilité et son autonomie. Au final, à moins de militer pour un renforcement des pouvoirs de l’exécutif, un nouveau report des législatives ne peut être envisagé. Même si elle vise à permettre une mise en œuvre des actes du Dialogue politique, une telle décision serait une menace pour la démocratie. Elle consacrerait des éléments peu propices à l’épanouissement politique, économique et social, individuel ou collectif : la banalisation du suffrage universel, la marginalisation du peuple, l’omnipotence de la Cour constitutionnelle et, finalement, la dérive autocratique.
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