« L’Afrique est en avance en matière d’économie numérique », indique Jean-Michel Huet, associé chez BearingPoint, qui analyse et décrypte la révolution digitale sur le continent dans un livre préfacé par Stéphane Richard, P-DG du groupe Orange, aux éditions Michel Lafont. Pour lui, le digital n’est pas né en Afrique, mais un digital africain se développe tenant compte de spécificités locales et proposant des innovations propres au continent. Et de renchérir : « Par ses multiples déclinaisons, le digital en Afrique couplé à la connectivité assurée par la téléphonie permettent de pallier les insuffisances des réseaux physiques et des infrastructures pour donner accès à des services du quotidien jusqu’alors inaccessibles. C’est le cas par exemple en matière de santé, d’éducation et d’inclusion financière. Véritable laboratoire digital, l’Afrique est en avance en matière d’économie numérique avec des modèles qui consolident son développement et sa transformation. Sur fond de forte progression des réseaux mobiles, du déploiement du haut débit et de l’émergence d’une multitude de start-up, l’Afrique innove à grande vitesse avec des usages inédits et des solutions du quotidien totalement révolutionnaires. »
850 millions d’abonnés africains à la téléphonie mobile
Le déploiement des offres prépayées dès la fin des années 1990, l’arrivée du paiement mobile dans les années 2000 puis le développement rapide du e-commerce constituent les principales étapes de cette digitalisation des économies africaines. Le taux de pénétration de la téléphonie était inférieur à 3 % à la fin des années 1990, aujourd’hui le continent compte 850 millions d’abonnés à la téléphonie mobile. C’est énorme en attendant de passer le milliard d’abonnés.
L’un des exemples les plus marquants concerne les services financiers sur mobile (transfert, paiement, micro-crédit et micro-épargne…) pour lesquels l’Afrique est le premier marché mondial avec 53 % des offres commercialisées et 146 millions de comptes créés contre 76,9 millions en Asie du Sud.
Plus de 80% de la population gabonaise connectés à internet
C’est également en Afrique que se développent avec le plus de rapidité la biométrie et la numérisation des états civils, l’e.learning pour des étudiants connectés, des sites spécifiques de vente en ligne, des applications destinées aux agriculteurs pour diffuser bulletins météorologiques et cours des matières premières, des plateformes de santé pour diagnostiquer un patient à distance. Toutes ces solutions ont un point commun, elles apportent une solution performante et compétitive à ce qui constituait un goulot d’étranglement au développement : l’accès à l’information, à un marché ou à un service.
Au Gabon, plus de 80% de la population se connecte à internet, 73% des connexions se font à partir de smartphones, 23% depuis des laptops, et 15% depuis d’autres supports. 73% se connecte des domiciles, 27% des cybercafés, 26% en mobilité et 23% depuis les lieux de travail. Même si dans son nouveau rapport intitulé « Appel à l’action : Recommandations pour réduire les disparités entre les hommes et les femmes concernant l’accès et l’utilisation de l’Internet et du large bande », le groupe de travail de l’UNESCO sur la fracture numérique entre les hommes et les femmes, parle de réduire les disparités en ce qui concerne l’accès à l’Internet et son utilisation.
Une performance gabonaise mise à profit par le leader de la téléphonie mobile Airtel Gabon pour lancer récemment sa nouvelle application, Airtel Care, qui permet à ses abonnés Airtel de recharger leurs comptes, d’activer les forfaits internet, SMS et Combo (Mélimélo, Airtel Nuit, WhatsApp). Un menu Airtel Money y est intégré et les clients ont la possibilité d’envoyer et de retirer de l’argent, sans oublier les paiements des factures (EDAN et Canal +). On y retrouve également plusieurs autres offres comme le programme de fidélité ou le service clients. A ce programme, l’on peut envoyer directement un mail
Favoriser l’investissement privé dans le numérique
Le président béninois, Patrice Talon, a quant à lui réaffirmé que le numérique occupera une place de choix dans son Programme d’action gouvernemental, baptisé Bénin Révélé et qui coûtera 10 000 milliards de francs CFA. « Notre ambition n’est pas que l’Etat investisse tous les montants évoqués. Nous voulons créer l’environnement pour que le secteur privé investisse. Il y a 60% d’investissement privé dans le PAG. Nous avons estimé et apprécié ce qui peut favoriser l’investissement privé. Au niveau du gouvernement, nous nous sommes engagé à créer cet environnement propice à l’investissement et à faire les efforts qu’il faut », explique Patrice Talon.
Les secteurs porteurs dans lesquels il peut y avoir de la créativité et de l’attractivité pour les investissements et de la valeur ajoutée pour nos économies numériques, ce sont les domaines du tourisme, de l’agriculture et de l’énergie. Ce sont des secteurs dans lesquels, bien que traditionnels, il peut avoir de la richesse et des emplois, surtout pour les jeunes. Par conséquent, il est important que l’Etat prenne ses responsabilités et crée des conditions, fasse le minimum parce que les gens et surtout les jeunes n’ont pas les moyens de promouvoir ce secteur. Toutefois, la mise au point incessante de nouvelles technologies en Afrique et leur application aux activités économiques, politiques et sociales ouvrent de nouvelles perspectives pour un développement durable qui améliorerait la qualité de vie des populations africaines.