En marge de la clôture de la 4e édition du Salon international du livre et des arts de Libreville(Silal) qui s’est tenu du 19 au 22 avril 2017 à la maison Georges Rawiri, l’ambassadeur du Mali au Gabon, Diadié Yacouba Dagnoko, situe dans cette interview accordée à Gabonreview, la portée de l’immense héritage légué par l’écrivain, penseur et ethnologue, Amadou Hampaté Bâ, à la jeunesse africaine.
Le Mali été à l’honneur au Silal 2017. Comment appréciez-vous cette marque de considération ?
C’est un honneur considérable qui a été fait à mon pays d’avoir été choisi comme invité d’honneur Afrique de cette quatrième édition du salon international du livre et des arts de Libreville (Silal). C’est un honneur que nous avons, au sein de la communauté malienne du Gabon, apprécié à sa juste valeur. Il va sans dire qu’au pays aussi, c’est un honneur qui a été énormément apprécié, et cela nous faisait obligation de participer d’une façon éclatante. Non seulement pour que le Mali tienne son rang de grand pays de culture, mais aussi pour rehausser le prestige du Gabon, à travers cet évènement qui d’édition en édition prend de l’importance.
Vous avez pris une part active dans l’organisation de ce salon qui prend fin aujourd’hui. Quel bilan faites-vous de cette édition ?
Le bilan, je pense qu’il appartient aux organisateurs, au ministère de la Culture de le dresser. Pour ma part, je me limiterais à évoquer la participation malienne qui a été une participation quotidienne, puisque le stand du Mali a été quotidiennement géré, visité. Une participation aussi multiforme, car nous avons présenté une exposition d’œuvre d’art traditionnelle appelée le «Borland». Le Mali a aussi été présent à l’ouverture avec une troupe d’animation folklorique. Le Mali a participé aux cycles de conférence. J’ai même animé une table ronde sur l’œuvre d’Amadou Hampâté Bâ et j’ai également animé une causerie avec des élèves de certains lycées de la capitale, autour d’une lettre qu’Amadou Hampâté Bâ a adressée à la jeunesse africaine en 1985.
Il s’agit d’une lettre d’une très grande importance, puisqu’avec une prescience extraordinaire, Amadou Hampâté Bâ appelait l’attention de la jeunesse sur des problématiques qui aujourd’hui prennent une importance considérable : la défense de l’environnement, le dialogue comme voie pouvant amener à la résolution des conflits, à la paix. Aujourd’hui, les décideurs parlent beaucoup de dividende jeunesse, il est extrêmement étonnant de constater qu’Amadou Hampâté Bâ avait une longueur d’avance sur les décideurs d’aujourd’hui, puisqu’il y a 30 ans, il les invitait à s’intéresser à la jeunesse du 21e siècle, qui devra prendre entre ses mains fragiles les règnes de nos différents pays, une fois qu’elle aura fini ses études, qu’elle aura atteint l’âge d’adulte et qu’elle sera en mesure d’assumer sa mission.
Dans tous ces espaces, le Mali a été présent. Je crois pouvoir dire que la participation malienne a été très active. Si nous avions formé le projet d’être présent massivement, de ce point de vue-là, nous avons tenu le pari. Évidemment, nous aurions pu faire plus, mais les aléas n’ont pas permis de faire venir les troupes du Mali, mais ce n’est que partie remise. D’autres occasions se présenteront, qui permettront d’inviter des artistes, des peintres et faire en sorte que nos deux pays, le Gabon et le Mali, qui entretiennent d’excellentes relations politiques puissent sur le terrain de la culture œuvrer en rapprochement.
L’impact de l’œuvre et de l’action d’Amadou Hampâté Bâ ne peut et ne saurait se résumer en quelques mots. Voilà un homme qui a siégé au conseil exécutif de l’Unesco pendant 20 ans et c’est là-bas qu’il a prononcé cette formule qui est devenue pratiquement proverbiale : «En Afrique quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle». On ne retient que cette formule, mais on connaît mal toute la production intellectuelle de cet homme qui toute sa vie durant a recueilli, transcrit en français des contes, qui dans nos sociétés traditionnelles étaient les vecteurs de transmission du savoir. Avec la dislocation de la société traditionnelle, cette fonction se perd un peu et cet homme n’a eu de cesse d’appeler l’attention des gouvernants, de la famille, de la société sur l’impérieuse nécessité de sauvegarder cette tradition orale, comme réceptacle de la sagesse africaine. Une sagesse qui doit permettre à la jeune génération de se projeter vers l’avenir, en avançant sur un terrain sûr, celui des valeurs de la société africaine, celui de la tradition dans son sens positif. C’est un combat qu’il a mené toute sa vie. La lettre à la jeunesse qu’il a adressée en 1985, à la jeunesse africaine, est un peu son testament littéraire. C’est pourquoi l’ambassade du Mali, à travers ma personne, a publié cela dans un numéro du quotidien national L’Union.
Votre génération n’a-t-elle pas trahi l’idéal de la littérature engagée des Soleils des indépendances ?
Je ne pense pas. C’est un combat de longue haleine. Chaque génération joue sa partition. La génération de la négritude a posé l’acte que tout le monde connaît et salue. Ensuite, la génération qui a pris le relais après l’accession des pays africains à l’indépendance a continué le combat de la renaissance africaine et des écrivains célèbres comme Ahmadou Kourouma, ont continué l’œuvre des devanciers. Et aujourd’hui, une génération des jeunes écrivains continue le combat. C’est un combat qui ne prendra pas fin tant que la société africaine existera, tant que les défis nombreux qui se posent aux consciences des Africains et Africaines resteront à être relevés. Dieu seul sait que ces défis sont nombreux. Chaque génération remplit sa mission, comme disait Frantz Fanon. C’est à travers les évènements de ce genre, le Silal, qui n’est pas seulement un espace d’exposition, mais aussi un espace de débat que chaque génération prend conscience de sa mission et se sonne des moyens de la remplir.
Vous organisez bientôt un concours littéraire. Quel en est l’objectif ?
C’est un concours que nous allons organiser entre les clubs de lecture des établissements qui ont participé aux différentes causeries animées tout au long de cette 4e édition du Silal. C’est pour les encourager à lire, toujours lire et à découvrir des écrivains du Gabon et d’ailleurs. Le lauréat de ce concours, dont les modalités sont tenues secrètes pour l’instant, se verra offrir un voyage tous frais payés d’un mois au Mali, jusque sur les lieux qui ont vu naître Amadou Hampâté Bâ, à Bandiagara.
Nous allons approcher les chefs d’établissement pour discuter avec eux des modalités. Tout ce que nous demandons aux futurs concourants est simplement de lire les œuvres d’Amadou Hampâté Bâ. Car, les thèmes du concours porteront sur les œuvres Amadou Hampâté Bâ.