Les voies de la diplomatie sont insondables. Elles apparaissent même parfois impénétrables. Mais le profane constate que la coopération entre le Gabon et l’Union Européenne fait du surplace depuis la publication, en décembre dernier, du rapport de la Mission d’observation électorale (MOE) de l’institution de Bruxelles sur l’élection présidentielle d’août 2016. Depuis décembre, l’Ambassadeur Chef de la délégation de l’UE est moins visible sur «la scène politique et diplomatique» de Libreville…
Helmut Kulitz, diplomate allemand, avait succédé, le 27 novembre 2015, à la Portugaise Cristina Barreira à la tête de la délégation de l’Union européenne (UE) à Libreville. S’il avait travaillé ces dernières années au sein de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et à la cellule de planification du ministère allemand des Affaires étrangères à Berlin, on devrait retenir qu’il a été ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne en République démocratique du Congo (RDC) avant d’être celui de la République fédérale d’Allemagne auprès de la République du Tchad, où il avait servi entre 2012 et 2015. C’est donc à un diplomate connaissant déjà bien la sous-région Afrique Centrale qu’a échu la mission de l’Union européenne pour trois années.
Il s’est illustré, dès son arrivée, par sa volonté de poursuivre «les excellentes relations» entre Libreville et Bruxelles dans le domaine de la pêche (22% du thon consommé dans l’Union européenne provient des eaux gabonaises). Mais il entendait également explorer d’autres voies pour dynamiser cette coopération, notamment dans les secteurs de la route, de l’électrification, de l’adduction d’eau et dans le domaine de l’Internet. Contre toute attente, les autorités gabonaises ont entrepris d’y ajouter un appui en matière électorale. Et là, patatras…
Une mission exploratoire est donc, en effet, venue de Bruxelles en avril 2016, défrichant la voie pour l’arrivée de la Mission d’observation électorale (MOE-UE) en juillet de la même année. Une soixantaine d’observateurs électoraux fut ainsi déployée à travers le pays, toujours, faut-il le préciser, à la demande de Libreville. A l’issue du scrutin, le chef de mission, la Bulgare Mariya Gabriel, fit, lors d’un point de presse début-septembre, une déclaration préliminaire au cours de laquelle elle rendit compte de ce qu’ils avaient observé pendant son déroulement. «Anomalies évidentes», avança-t-elle, concernant les résultats publiés sur l’élection dans la province du Haut-Ogooué. Un peu plus tard, à la mi-décembre, le rapport de la MOE-UE fut rendu public. Pour la mission, les «anomalies évidentes» remettaient clairement en cause «le résultat final de l’élection».
Depuis ce mois béni (ou maudit, c’est selon) de décembre, l’ambassadeur Chef de la délégation de l’Union européenne est, semble-t-il, ostracisé, marginalisé, mis à l’écart. La dernière sortie publique d’Helmut Kulitz aux côtés d’une personnalité gabonaise remonte à octobre 2016, pour la présentation de ses civilités au nouveau Premier ministre gabonais et discuter avec lui des suites de la coopération entre Libreville et Bruxelles. Après cet entretien, qui se souvient avoir revu Helmut Kulitz dans une cérémonie officielle au Gabon ? Qui se souvient l’avoir revu lors d’un entretien avec une autorité gabonaise ?
Le diplomate allemand est-il «boudé» par les autorités gabonaises ? Est-il devenu, en fait, ce qu’on appelle dans le jargon diplomatique «persona non grata» ? Au ministère gabonais des Affaires étrangères, les responsables contactés n’ont pas voulu répondre à cette question ; de même dans certaines chancelleries occidentales. Les voies de la diplomatie sont décidément insondables et… impénétrables !