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Réformes institutionnelles : La fausse bonne idée
Publié le vendredi 14 avril 2017  |  Gabon Review
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Devenu l’argument massue des participants au Dialogue politique voulu par Ali Bongo, le toilettage des textes régissant la vie politique suscite des doutes légitimes. La viabilité des propositions avancées ne résiste ni à la confrontation avec le passé ni à l’examen de la pratique politique en vigueur.

C’est le prétexte idéal, l’argument massue de l’ensemble des participants au Dialogue politique voulu par Ali Bongo : le toilettage des textes régissant la vie politique. De René Ndemezo’Obiang à Mike Jocktane en passant par Faustin Boukoubi ou la Diaspora unie de l’Europe, chacun y va de son couplet (lire «Les attentes de la Diaspora unie de l’Europe»). Les défenseurs de cette ligne développent moult idées mais, ils s’accordent sur la nécessité de réviser la Constitution. Généralement, ils évoquent le retour au quinquennat, à la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux, la réhabilitation du scrutin à deux tours et, la réforme de la Cour constitutionnelle. A quelques variantes près, ils disent tous la même chose.

Expérience du passé

De prime abord, cette préoccupation s’entend. Elle se soutient et semble même relever de l’urgence démocratique. Pour les tenants de cette idée, le toilettage des textes permettra de réformer les institutions. A leurs yeux, cette opération se traduira inévitablement par la fin de l’ère des élections truquées. Elle induira, par ricochet, l’amélioration de la gouvernance politique. Dénonçant les mandats à rallonges voire à vie, les participants au Dialogue politique espèrent limiter les ambitions individuelles dans le temps. Condamnant les élections couperet, ils entendent offrir aux électeurs l’opportunité de choisir avant d’éliminer. S’opposant à l’imperium ou plutôt au pouvoir extravagant de la Cour constitutionnelle, ils pensent pouvoir recentrer son champ de compétence. De leur point de vue, il serait plus simple de revenir au libellé de la Constitution issu de la Conférence nationale de 1990. Cela permettrait d’affirmer la séparation des pouvoirs, de clarifier les compétences et favoriser la transparence électorale. En définitive, tout cela devrait accoucher d’un authentique Etat de droit.

Seulement, cette argumentation résiste difficilement à une analyse minutieuse. A la lumière de l’expérience du passé, elle vole en éclats. Confrontée à la pratique politique, elle a la résonance d’un discours pour gogo. Si la limitation des mandats et le quinquennat constituaient un remède contre la présidence à vie, Omar Bongo aurait quitté le pouvoir au plus tard en 2003. Il ne serait, en conséquence, pas décédé en fonction. Si le scrutin à deux tours était l’antidote des consultations abruptes, surnommées sous certains cieux «un coup, KO», la présidentielle de 93 ne serait pas soldée par la désignation d’un vainqueur dès le premier tour. Plus éloquent, Ali Bongo n’aurait, officiellement, jamais franchi la barre des 50% en août dernier. Si la seule organisation pouvait rendre la commission électorale impartiale, cela se saurait. Quelle différence notable entre la Commission nationale électorale (CNE) et la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) ? Pas grand-chose, excepté des éléments pour se donner bonne conscience. A bien des égards, on peut même avoir le sentiment d’avoir aiguisé les appétits individuels et facilité la vassalisation du président de cette institution en lui donnant un statut permanent. Si la Cour constitutionnelle agissait conformément aux textes, l’annulation de 21 bureaux de vote dans le 2è arrondissement de Libreville aurait donné lieu à une reprise des opérations électorales (lire «Ça s’est joué sur les procès-verbaux»), le traitement d’un cas manifeste de litispendance aurait conditionné la validation de la candidature d’Ali Bongo (lire «La Cour constitutionnelle confirme la candidature d’Ali Bongo») et, last but not least, Etienne Ngoubou et Magloire Ngambia seraient aujourd’hui devant la Haute Cour de justice (lire «Ngoubou et Ngambia, simples citoyens ?»).

Ecran de fumée

A toutes réserves, les chantres de la participation au Dialogue politique ne répondent pas. N’empêche, ils peuvent toujours défendre leurs vues. Mais, ils ne peuvent faire comme si des précédents n’éclairaient notre lanterne. Souvent adoptées en opportunité puis modifiées par des ordonnances, les lois sont interprétées en défense d’intérêts particuliers. Les institutions sont personnalisées voire privatisées. Au final, l’appareil d’Etat est instrumentalisé, au service exclusif d’un camp politique. Sauf à croire à un renoncement collectif ou à une brutale conversion des cerbères du régime aux valeurs de la République, les réformes institutionnelles ne peuvent constituer la garantie d’une meilleure gouvernance. Et pour cause : elles sont gravées dans des lois. Or, les lois reposent sur l’esprit et la lettre. Autrement dit, elles partent d’abord d’une vision à long terme, d’un rêve. Les chantres du Dialogue politique sont-ils certains d’avoir la même vision de l’avenir, les mêmes rêves pour le Gabon ? On peut en douter.

Dans le contexte actuel, l’argument des nécessaires réformes institutionnelles est un écran de fumée, un prétexte commode (lire «Fuite en avant»). Ou plutôt, il sert à camoufler les doutes des uns et des autres. Pour ainsi dire, les tenants de cette thèse ne sont pas convaincus par leur argumentation. Ils ont simplement le sentiment de faire face à un blocage de la situation politique. S’ils étaient convaincus d’une suite heureuse, ils ne participeraient pas à cette rencontre. Des initiatives gouvernementales ou parlementaires auraient suffit pour traduire en textes législatifs leurs idées. Mais, le sentiment d’être devant une impasse ne leur laisse plus le temps de la réflexion de fond, encore moins le choix. Il les condamne à la négociation. A leurs yeux, le Dialogue politique est la seule et unique voie de sortie de crise.

Au fond, le Dialogue politique donne simplement aux uns et aux autres l’illusion de faire œuvre utile. Ils émettent des idées sans être certains de les voir traduites en actes juridiques. Et même si elles venaient à faire l’objet de lois, ils ne sont pas sûrs de les voir appliquées. Leurs doutes sont masqués par une rhétorique savante et prétendument républicaine. A moins d’un improbable retournement du rapport de forces institutionnel, les réformes tant vantées demeureront des incantations. Pour tout dire, elles relèvent typiquement de la fausse bonne idée.
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