YAOUNDE - Une production moyenne annuelle de 6,2 millions de tonnes d'huile de palme est envisagée par les pays membres de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC), qui déclarent vouloir faire évoluer leur statut pour cesser d'être des producteurs modestes et modifier les positions dans un marché largement dominé par la Malaisie et l'Indonésie.
En 2016, un volume de 65 millions de tonnes de production a été enregistré dans le monde, fourni à environ 80% par la Malaisie et l'Indonésie, les deux géants de la filière, selon les statistiques du Worldwide Fund for Nature (WWF) ou Fonds mondial pour la nature, qui situe à un taux marginal de moins de 4% la part de l'Afrique dans cette production.
La CEEAC est créditée de 590.000 tonnes. Son leader, le Cameroun, totalise 270.000 tonnes, et se classe quatrième africain, derrière le Nigeria, la Côte d'Ivoire et le Ghana. A la deuxième place, la République démocratique du Congo (RDC) enregistre 215.000 tonnes.
Prisée par les industries dont notamment les industries cosmétiques pour ses propriétés intéressantes, l'huile de palme est connue pour être un enjeu commercial important. Elle représente 66% des huiles commercialisées dans le monde et 39% de la production totale des huiles végétales, selon les estimations.
Pour tirer profit d'une demande sans cesse croissante, les producteurs multiplient les efforts visant à accroître leur productivité et leur compétitivité. La CEEAC, elle, annonce l'intention d'en faire un pilier majeur pour diversifier et booster son économie.
"On va combler une lacune criarde pour une plante qui est la nôtre", a souligné à Xinhua Honoré Tabuna, expert de l'économie de l'environnement de cette organisation régionale de onze Etats membres (Angola, Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine, RDC, Rwanda, Sao Tomé & Principe, Tchad), basée à Libreville, la capitale gabonaise.
Le propos est exprimé pour rappeler les origines du palmier à huile, que les sources historiques s'accordent à se situer en Afrique, avant de débarquer en Asie où elle sert aujourd'hui à tirer la croissance économique de la Malaisie et de l'Indonésie.
"Aujourd'hui le marché de l'huile de palme est en Europe par exemple, qui ne produit pas. Le but de la CEEAC, c'est de développer le marché sous-régional. Donc, nous venons avoir aussi bien des producteurs que des consommateurs", explique l'expert.
C'est l'objectif défini par la Stratégie de développement durable de la filière huile de palme dans la zone CEEAC examinée lors d'une réunion tenue les 30 et 31 mars à Yaoundé, avec la participation de la Banque de développement des Etats de l'Afrique centrale (BDEAC) et de WWF.
Selon cette stratégie, cette région envisage de produire au moins 6,2 millions de tonnes d'huile de palme brute d'ici à 2035, sur une superficie de 1,78 millions d'hectares, avec un rendement moyen annuel de 17,5 tonnes de régimes de noix de palme par hectare et un taux d'extraction moyen de 20% tant dans les agro-industries que dans les plantations villageoises et naturelles.
Cette production entend permettre de combler les besoins de la consommation locale déficitaire à l'heure actuelle et à l'origine de plus de 500.000 tonnes d'importations en 2016, synonyme de plus de 500 millions de dollars de manque à gagner pour les économies nationales, selon les analyses.
Pour la réaliser, la CEEAC devra mobiliser 22.000 milliards de francs CFA (environ 44 milliards de dollars) de financements, une somme représentant 40% du chiffre d'affaires de la filière.
D'après les projections, 25% de ces fonds sont prévus d'être fournis par les Etats membres de l'organisation, 20% par les opérateurs du secteur et 55% par des institutions financières internationales y compris des partenaires techniques au développement.
Pour l'heure, le marché est partagé entre les petits producteurs et les agro-industries, pour la plupart des filiales de multinationales qui exploitent un total de 180.645.000 hectares de terrain, soit 69% des superficies concédées, selon les estimations.
De l'avis de Marc Languy, directeur régional de WWF pour l'Afrique centrale, l'Afrique centrale suscite un énorme intérêt pour ses terres encore en friche pour la production de l'huile de palme, car "pour l'instant le gros de la production mondiale est en Asie du Sud-Est et presque toutes les zones plantables sont déjà en exploitation".
Dans le cadre de la stratégie de la CEEAC, il est préconisé de mener des opérations concourant à minimiser autant que possible la déforestation et donc l'emprise en surface du palmier à huile et de toutes les autres commodités.
"Ce n'est pas une question d'avoir de grandes plantations extrêmement intenses, mais c'est de voir par exemple comment on peut améliorer la productivité. On est pour l'instant à des tonnages par hectare environ trois à quatre fois inférieurs à l'Asie par exemple. On est à des taux d'extraction des fruits également inférieurs", a précisé l'expert à Xinhua.
Parmi ses principales actions, la stratégie prévoit la régénération de 85.000 hectares de plantations villageoises et de 42.000 hectares de plantations industrielles, principalement au Cameroun où les concessions sont anciennes. Ces exploitations seront renforcées par 500.000 hectares de nouvelles plantations villageoises.
Elle annonce aussi l'extension, à l'intérieur des concessions déjà accordées aux agro-industries, de 460.000 hectares de plantations, l'accroissement des rendements en régimes de noix de palme et des taux d'extraction, puis la réhabilitation de la totalité des 740.667 hectares de palmeraies naturelles en RDC.