Le directeur général de l’Agence gabonaise de sécurité alimentaire (AGASA) fait le point des mesures prises par les pouvoirs publics pour faire face à la menace des protéines animales avariées en provenance du Brésil. Il annonce qu’en plus de ces saisies, d’autres dossiers d’importations sont actuellement examinés et pourraient eux aussi faire l’objet de saisies ou de refoulement.
Monsieur le directeur général, peut-on revenir brièvement sur les causes des mesures prises récemment par vos services à propos des viandes carnées en provenance de certaines destinations, notamment du Brésil ?
Nous avons tous suivi par voie de presse le scandale de la viande avariée déclenché par la police fédérale brésilienne dans une opération dénommée « Chair faible ». Cette opération concernait la vérification de la certification vétérinaire qui a lieu au niveau des entrepôts frigorifiques dans les entreprises qui exportent la viande du Brésil vers les autres pays. Au regard de ce scandale déclenché depuis le 17 mars 2017, nous avons systématiquement pris des mesures en interne. Il s’agit pour nous, en tant qu’Agence de sécurité sanitaire des aliments, à caractère scientifique et technique, de vérifier un certain nombre d’informations à pertinence scientifique pour pouvoir nous assurer qu’effectivement des produits de cette nature pouvaient arriver sur le territoire national.
En interne, nous avons regardé notre banque de données qui nous a permis de constater qu’il y avait effectivement un certain nombre d’opérateurs qui importaient massivement du Brésil. Il faut rappeler que le Brésil est le 2e exportateur en 2016 des produits carnés à destination du Gabon. Naturellement, une cellule de crise a été mise sur pied. Nous avons tenu des réunions qui nous ont permis d’évaluer les risques liés à l’importation des produits carnés en provenance du Brésil. Autour de cette évaluation, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il y avait un risque réel qui était rapidement maitrisable.
De manière concrète, nous avons immédiatement pris une note circulaire à l’intention des opérateurs économiques exigeant déjà le recadrage des conditions d’importations conformément au décret 0578/PR/MAE/MOPG du 26 novembre 2015 qui exige, dans ses dispositions 5 et 7 la provenance de tous les produits carnés des entrepôts frigorifiques agréés sur le plan sanitaire, d’une part, mais aussi la non contamination de ces produits alimentaires du point de vue microbiologique, chimique ou par tous les additifs alimentaires. Et donc, cela nous a permis tout de suite d’exiger, en dehors des certificats sanitaires habituels, des agréments sanitaires et aussi la présentation des bulletins d’analyses libératoires pour ce qui concerne les analyses microbiologiques et chimiques.
Tout cela a été mis en branle. Et immédiatement, notre brigade d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires a été mise à contribution pour pouvoir déceler 7 conteneurs. Nous avons procédé à la saisie de 7 conteneurs qui représentent environ 216 tonnes de produits carnés. Pour entrer dans les détails, il y a 5 conteneurs chez un opérateur, un autre chez un deuxième opérateur et le dernier conteneur de produits carnés saisi chez un troisième opérateur.
Immédiatement, nous avons aussi pris des mesures pour refouler les cargaisons flottantes, celles qui n’étaient pas encore arrivées en territoire gabonais. Nous sommes au contact avec les autorités brésiliennes et avec le réseau d’informations sanitaires, qui nous ont permis de dénombrer 21 entrepôts frigorifiques concernés par l’enquête brésilienne sur plus de 4 837 entreprises agroalimentaires brésiliennes.
Qu’en est-il en ce moment ? Que va-t-il se passer ?
Désormais, nous connaissons la liste des entreprises qui sont blacklistées de façon générale. Et nous la confrontons avec la liste générale des établissements agréés sur le plan sanitaire par les autorités brésiliennes. Il faudrait rappeler encore une fois que la règle d’or en matière de sécurité sanitaire des aliments est qu’ils doivent toujours être produits dans les établissements agréés sur le plan sanitaire par les autorités compétentes. Donc, chaque entreprise est désormais responsable des produits qu’elle met sur le marché.
A ce niveau, les autorités compétentes ont la responsabilité, après avoir constaté par elles-mêmes que ces mesures ont été mises en place, de délivrer des agréments sanitaires. C’est la première garantie de confiance au niveau d’un dispositif de sécurité sanitaire des aliments. La deuxième garantie est que sur cette base, les inspecteurs vont certifier les produits issus de ces entreprises. Nous avons donc la liste de tous établissements agréés par les autorités compétentes brésiliennes. Et ce sont ces listes que nous confrontons. Il faut signaler ici qu’il ne s’agit pas de prendre des mesures tous azimuts qui vont être préjudiciables pour l’économie gabonaise. Il s’agit de prendre des mesures suspensives mais très ciblées à l’endroit des entrepôts qui ont été impactés dans les enquêtes brésiliennes.
C’est ce que nous faisons jusqu’à présent. Et au moment où je discute avec vous, je vous informe qu’il y a 7 dossiers d’importations qui sont minutieusement regardés. Certains vont encore faire l’objet de refoulement, d’autres vont faire l’objet de saisie. Ces saisies, il faut le dire, sont faites de manière conservatoire et non répressive. Elles nous permettent tout de suite de prélever des échantillons et de les envoyer dans des laboratoires accrédités. C’est ce sur quoi nous sommes en train de mener nos actions aujourd’hui. Nous avons déjà pris des contacts, des échantillons vont être envoyés à l’extérieur, nous allons attendre les résultats et prendre les décisions adéquates qui s’imposent.
Y-a-t-il un lien direct entre les conteneurs saisis au Gabon et les 21 entrepôts frigorifiques brésiliens indexés dans le scandale de la viande avariée ?
Tous à fait. Nous avons 21 entrepôts blacklistés. Toutes les importations émanant de ces entrepôts sont systématiquement refoulés. Maintenant, les autres cargaisons qui ont été saisis et qui émanent des entrepôts frigorifiques n’ayant pas été inscrits dans la liste noire, font l’objet d’une surveillance accrue. Elles font donc l’objet d’une saisie conservatoire qui va déboucher sur la prise des échantillons les analyses en laboratoires. C’est sur la base de ces analyses, et après qu’il y ait été démontré, sur les plans microbiologique et chimique, que les produits ne posent pas de problème, nous allons prendre la décision soit de faire la main levée soit de procédé à la destruction purement et simplement.
Il y a cette inquiétude persistante chez les consommateurs qui, aujourd’hui, se posent bien des questions sur la qualité sanitaire des différents produits alimentaires commercialisés au Gabon. Comment les rassurer ?
Je voudrais dire ici que l’Etat gabonais fait énormément en matière de sécurité sanitaire des aliments. C’est un devoir. Et c’est conforme aux dispositions de l’alinéa 8 de l’article premier de la Constitution. L’Agence gabonaise de sécurité alimentaire, en tant que bras armé de l’Etat, exécute les politiques publiques en matière de sécurité sanitaire des aliments et de sécurité phytosanitaire. De façon concrète, nous avons introduit un changement transformationnel dans notre dispositif de sécurité sanitaire des aliments. L’ambition qui est la nôtre est de faire émerger ce dispositif pour qu’il puisse intégrer le système de référence international. Et l’un des critères de convergence fondamental, c’est de disposer d’une réglementation efficace et en harmonie avec les dispositions internationales.
C’est dans ce cadre que nous avons proposé un certain nombre de textes réglementaires et législatifs. Et grâce aux mesures prises par les plus hautes autorités de la République, le décret 0578 qui fixe les règles d’hygiène applicables aux établissements alimentaires du secteur de l’alimentation animale, est arrivé à point nommé. Dans ce décret, la responsabilité première revient aux opérateurs économiques. Et je voudrais dire par cela qu’il ne s’agit pas de la responsabilité seule de l’Etat. Tous les acteurs de la chaine alimentaire sont pris en compte et doivent être concernés dans la sécurisation et la santé des consommateurs. Ceci au quotidien : les opérateurs économiques et surtout le consommateur final.
A ce niveau, l’AGASA donne le meilleur d’elle-même, avec tout le professionnalisme qui est le sien de sécuriser la santé des consommateurs gabonais. Nous n’hésitons pas un seul instant à le faire. Et tous nos agents sont rompus à cette tâche. Je le répète aujourd’hui : en trois ans d’existence, l’Agence gabonaise de sécurité alimentaire a procédé à la destruction de plus de 2 700 tonnes de produits alimentaires malsains et dangereux. Ces quantités d’aliments détruits représentent une sécurisation directe de la santé des consommateurs de plus de 1,2 million de gabonais, soit plus de 66% de la population de notre pays. Nous avons également refoulé ou refusé l’introduction de 103 dossiers, soit plus de 2 400 tonnes de produits alimentaires considérés dangereux qui ne sont pas rentrés dans le territoire national.
Je voudrais dire aussi que l’Agence gabonaise de sécurité alimentaire, comme dans tout autre pays, ne peut pas à elle seule assurer totalement la sécurité sanitaire des aliments. Notre devoir c’est de réduire comme peau de chagrin le risque lié à la consommation des produits alimentaires. Nous jouons notre partition. Les opérateurs économiques doivent jouer leur partition. Et les consommateurs finaux doivent également jouer leur partition. C’est tout à fait naturel. Si vous observez le déroulé des informations dans le monde, il y a chaque jour des scandales sanitaires qui interviennent dans le domaine de l’alimentation. C’est vous dire qu’il s’agit d’une chaine. Même si en amont, le produit est sécurisé, il peut à chaque maillon de la chaine de distribution se dégrader. Tout le monde est donc interpellé pour sécuriser la santé des consommateurs, pour vérifier si les produits commercialisés sont de bonne ou de mauvaise qualité car la dégradation survient à tous les niveaux. Je comprends bien les inquiétudes des consommateurs. Mais, nous leur disons qu’en tant que structure de l’Etat, nous veillons à ce que les produits mis sur le marché soient de très bonne facture sur le plan qualitatif et et de la sécurité sanitaire. C’est notre job.