Les avis sont unanimes dans le pays, où la hausse des prix de plusieurs produits de consommation est imputée à la «mascarade» autour de la cession de gestion d’une partie des activités portuaires, à des groupes privés. Un dossier pour lequel l’implication personnelle du chef de l’Etat est vivement souhaitée.
Depuis plusieurs décennies, le port est présenté comme le centre névralgique de l’économie national. Dépendant à plus de 80% de produits importés, le Gabon reste tributaire de la manière dont ses ports sont gérés. «Le monopole pour la construction, l’aménagement, la gestion et l’exploitation du terminal à containers du port d’Owendo, fait en sorte que les prix des produits de première nécessité atteignent des proportions déraisonnables, obérant ainsi considérablement le pouvoir d’achat des Gabonais», a reconnu agent de l’Office des ports et rades du Gabon (Oprag) ayant requis l’anonymat.
Les conséquences de cette situation sont malheureusement supportées par les populations, surpris de constater depuis quelques jours, la hausse des prix de certains produits (voir : http://gabonreview.com/blog/vie-chere-a-libreville-hausse-prix-grandes-surfaces/). Une récente étude d’un cabinet spécialisé a ainsi démontré que les «coûts trop élevés du transport maritime, du camionnage, de l’acconage, de la manutention et du transit, font en sorte que le prix du kilogramme de riz, aliment de base au Gabon, est trois à cinq fois plus élevé dans le pays que dans le reste de la sous-région».
Ce que n’a pas manqué de confirmer un analyste de la vie économique, diplômé de l’Université Omar Bongo (UOB). «Pour un kilogramme de riz importé, la manutention représente 32% du coût, alors que le camionnage entre en ligne de compte à hauteur de 25% du coût. Le transit, transports inclus, représente quant à lui en moyenne 20% du coût, et les redevances portuaires 10%». De facto, précise-t-il, «Si le kilogramme de riz coûte 700 francs CFA chez l’épicier, sachez que 500 francs seront consacrés au remboursement des coûts d’importation de la marchandise».
Cette situation amène, une nouvelle fois, l’opinion à s’interroger sur la cession de gestion d’une partie des activités portuaires à des groupes privés : notamment Gabon Port Management (GPM) et la Société du terminal à containeurs du Gabon (STCG) du groupe Bolloré. En 2007, en effet, l’Oprag a signé une convention de 25 ans avec GPM, pour l’exploitation partielle des sites portuaires d’Owendo et Port-Gentil.
La même année, une convention similaire, d’une durée de 20 ans cette fois-ci, a été signée avec la STCG. Elle a conféré à la filiale du groupe français, l’exclusivité du service public dans l’étude de l’aménagement, de la gestion et de l’exploitation du terminal à containeurs d’Owendo. Un service comprenant également les opérations de manutention, chargement, déchargement des navires, transfert, déplacement et toutes prestations liées aux opérations import-export de containeurs du port d’Owendo.
Dix après la signature de ces conventions, la réalité actuelle est accablante : l’Etat est perdant sur toute la ligne. «Les concessions accordées à GPM et STCG ont été une vraie mascarade. L’on se demande comment des hommes réfléchis ont pu donner autant de pouvoirs à des groupes privés pour la gestion des ports du Gabon. L’autoritaire portuaire est quasi-inexistante devant ces lobbies qui dictent leur loi dans le port (…) Il serait souhaitable que le chef de l’Etat revoit ces concessions qui ne profitent pas à l’Etat gabonais», affirme un ancien agent de l’Oprag.
Dans le même sens, un juriste a qualifié de marché de dupe la convention de cession des ports gabonais. «Cette convention est un vrai scandale. Comment comprendre que Bolloré s’octroie un monopole pour la gestion de nos ports. Et cela, sans le moindre respect de la législation en la matière le pays, notamment l’article 6 de la loi 5/89 sur la concurrence au Gabon ?», s’est-il interrogé.
En effet, ce texte stipule notamment que toute attribution d’un monopole doit faire l’objet préalable d’un texte législatif. L’Etat a-t-il été roulé dans la farine par le dirigeant de l’Oprag au moment des faits ? Comment comprendre que les dépenses d’un containeurs partant de la Chine pour Owendo, soient inférieures à celles d’un containeur partant du port d’Owendo pour Libreville ? La saisie de ce dossier par le chef de l’Etat, est vivement souhaitée.