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Jean Ping face au dialogue politique : Agir maintenant pour faire bouger les lignes
Publié le samedi 1 avril 2017  |  Gabon Review
Jean
© Autre presse par DR
Jean Ping ,leader de l`opposition gabonaise.
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À condition de s’inscrire dans une stratégie claire, la non-participation de la Coalition pour la nouvelle République à la grand-messe voulue par Ali Bongo peut, peut-être, contribuer à clarifier les positions et réinventer l’opposition.


Voulu par Ali Bongo, le dialogue politique valait-il la peine d’être essayé ? Sans doute. Etait-il nécessaire de l’organiser sous la forme actuelle ? C’est plus discutable. Fallait-il le tenir à tout prix, y compris en l’absence du camp Ping ? C’est encore plus contestable. Jusqu’à la semaine dernière, une partie de l’opinion y voyait une opportunité de rassembler la nation. Certains avaient prédit un fléchissement de Jean Ping. D’autres avaient misé sur une probable participation de Casimir Oyé Mba (lire «L’Union nationale ira au dialogue»). Il y en avait même pour parier sur une présence de Guy Nzouba Ndama, la récente création de Les Démocrates étant analysée comme le signe avant-coureur d’une démarche solitaire de sa part. Aux yeux de nombreux analystes, on se dirigeait droit vers une implosion de la Coalition pour la nouvelle République. Ne leur déplaise, rien ne permet aujourd’hui de corroborer leurs supputations. Bien au contraire…

Tout bien pesé, la cérémonie d’ouverture du dialogue politique a laissé le sentiment d’une radicalisation des positions. Elle a conforté l’idée d’un resserrement des liens au sein de l’opposition. Malgré de perceptibles divergences d’approche, ses principaux ténors ont apporté la preuve d’une convergence sur les valeurs et principes, les propos d’Emmanuel Issoze Ngondet (lire «Dialogue national, un impératif et une nécessité») et les rodomontades de Francis Nkea Ndzigue (lire «Le triple défi» ayant été ressentis comme des défis à la solidité de leur alliance. Au-delà, la non-satisfaction des préalables énoncés par René Ndemezo’Obiang (lire «Démocratie nouvelle va dialoguer et non négocier») a apporté de l’eau à leur moulin. Les philippiques de Faustin Boukoubi (lire «Boukoubi rate le coche») ont conforté la thèse d’une manœuvre de légitimation d’Ali Bongo ou tout au moins d’un jeu de dupes.

Position de principe

Malgré ce coup de pouce inespéré du secrétaire général du PDG, rien n’est définitivement scellé. Loin de là. Les amis de Jean Ping ont encore beaucoup à faire et à prouver s’ils veulent réellement transformer leur refus en une opportunité politique. Leur premier défi est celui de la stratégie. Quelle suite entendent-ils donner à leur positionnement ? Comment espèrent-ils le capitaliser ? Personne ne peut répondre à ces questions. En revanche, des propositions de réformes juridiques et institutionnelles sont attendues de ce dialogue (lire «La lecture de Démocratie nouvelle»). Quelle sera leur attitude au moment où le gouvernement essaiera de les traduire en actes ? Là encore personne ne sait. Au risque de devoir subir les événements, la Coalition pour la nouvelle République a désormais l’obligation de dérouler un agenda. Sous peine de se voir imposer des choses, elle doit redoubler d’ardeur et opposer une démarche politique. Autrement, son refus apparaîtra comme une foucade sans prise sur le réel.

La non-participation n’est, en effet, ni un moyen de lutte ni une action. Elle découle d’une position de principe. En conséquence, elle ne saurait se suffire à elle-même. En revanche, elle doit orienter l’action politique. Concrètement, elle doit correspondre à des engagements et permettre une meilleure lisibilité de la stratégie. Dès lors, il faut lui donner une suite concrète. Jean Ping et ses alliés vont-ils s’y résoudre ? Y sont-ils préparés ? Sont-ils organisés en conséquence ? Ont-ils, aux plans national et international, les relais pour ? La coalition pour la nouvelle République pourra toujours mettre en avant les collusions institutionnelles, mais elle devra agir. Déjà, certains de ses alliés d’hier raillent publiquement cette décision (lire «Résistance, ensuite quoi ?»). Annoncée dès après la présidentielle du 27 août dernier, elle avait immédiatement été rejetée par René Ndemezo’Obiang (lire «Ndemezo’Obiang partant»). Le départ de l’ancien directeur de campagne de Jean Ping, les arguments échangés et le tohu-bohu ambiant ont fait le reste. Là où on pouvait s’attendre au déclenchement d’une dynamique politique de fond, on a plutôt eu le sentiment d’un enchaînement d’hésitations.

Crédibilité engagée

Pour autant, la Coalition pour la nouvelle République jure être déterminée à ne pas reproduire les schémas de ses devancières. Elle maintient ne pas vouloir contribuer à la légitimation du pouvoir en place. Elle dit ne pas accepter de se soumettre aux diktats des institutions. Elle affirme préférer la confrontation aux arrangements d’arrière-boutique. Pour elle, la non-participation au dialogue voulu par Ali Bongo est un acte de «résistance» ou tout au moins d’affirmation de son identité et de sa spécificité. N’empêche, des bruits de couloir laissent croire à une réflexion sur une éventuelle participation aux législatives futures. Si cette perspective est démocratiquement saine, il serait risqué de lui donner corps dans des conditions décidées au cours d’un dialogue auquel elle a souverainement refusé de prendre part. Ayant mis en avant des principes moraux, elle est bien obligée de s’y conformer, au risque de dérouter sa base.

La crédibilité des amis de Jean Ping est assurément engagée dans l’issue et la suite du dialogue voulu par Ali Bongo. Pour offrir à leur base une perspective, ils doivent désormais faire bouger les lignes. Si leur position actuelle se traduit par un renforcement de leur unité, une mobilisation générale et des frictions au sein de la majorité alors, ils pourront en proclamer la justesse. Si tous les tenants d’une participation prennent leur courage à deux mains et décident de franchir le pas, ils pourront même se targuer d’avoir clarifié les positions et réinventer l’opposition. Pour l’heure, rien n’est acquis. De nombreux militants évoluent dans le clair-obscur mais, l’opinion attend pour juger sur pièces. Parfois, elle semble même verser dans une forme d’impatience, d’agacement ou de défaitisme. Un peu plus de six mois après la présidentielle, il est peut-être temps de faire bouger les choses.
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