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Suspension des activités de la Conasysed : Dérive risquée
Publié le mercredi 22 mars 2017  |  Gabon Review
Simon
© Autre presse par DR
Simon Ndong Edzo, délégué général de la CONASYSED
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Ayant catalysé la transmutation de la palabre sur l’avenir de l’école gabonaise en une polémique sur le respect des libertés fondamentales, le ministre de l’Intérieur a involontairement tendu un piège à sa famille politique.

Par arrêté n°006/MISPDL, le ministre de l’Education nationale l’a solennellement affirmé le 17 mars dernier : les activités de la Conasysed sont interdites. Sans le savoir, il a déplacé le débat. Sans s’en rendre compte, il a catalysé la transmutation de la palabre sur l’avenir de l’école gabonaise en une polémique sur le respect des libertés fondamentales. Déjà, de nombreux politiques et syndicalistes ont embrayé sur ce registre. Inévitablement, la controverse va désormais se concentrer sur l’Etat de droit, la démocratie et les droits de l’homme au sens large. On imagine déjà certains dénonçant une atteinte au droit à la liberté d’expression, à la liberté de réunion et à la liberté d’association. On en voit d’autres condamnant une “dérive dictatoriale”. On s’en représente même mettant à l’index “l’amateurisme du gouvernement“.

Dans un contexte de crise politique, la suspension des activités de la Conasysed est du pain béni pour les contempteurs du régime. Sur fond d’atonie économique, elle leur offre une opportunité de faire entendre leur cause. De bonne guerre, ils ne lésineront sur rien pour capitaliser une telle opportunité. La Convention n° 87 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, les recommandations OIT/Unesco concernant la condition du personnel enseignant ou le volume horaire requis pour valider une année scolaire seront, naturellement, au cœur de toutes les argumentations. Evidemment, l’argument de la souveraineté sera, lui aussi, abondamment utilisé, notamment par le gouvernement. Tout cela pourrait déboucher sur un capharnaüm indescriptible voire un pandémonium où se consumeraient toutes les vanités.

Malaise démocratique

Curieuse évolution des choses. Une grève sectorielle, aux tenants et aboutissants connus de longue date, pourrait devenir l’élément déclencheur d’un blocage généralisé. On pourrait s’en gausser si tout cela ne traduisait pas un malaise systémique et plus profond. L’intransigeance des syndicats est l’aboutissement de plus d’un quart de siècle de négociations tronquées, de rendez-vous manqués, de promesses non tenues et de manipulations politiciennes. Pour les enseignants, le gouvernement n’agit jamais dans le but de régler les problèmes mais pour sauver la face de la majorité politique. Autrement dit, les ministres n’ont pas à cœur de satisfaire les attentes des partenaires mais de s’assurer de l’hégémonie du Parti démocratique gabonais (PDG). Si cette lecture a mille fois été énoncée, elle est maintenant en passe de bloquer toute la machine administrative voire de compromettre le vivre ensemble.

La bienveillance dont les enseignants bénéficient de la part de l’opinion publique est, en tout cas, révélatrice d’un malaise démocratique. Elle témoigne d’une bien curieuse pratique politique. Résumant la démocratie à un rapport de forces permanent, le PDG a transformé la loi en un instrument de coercition. Dans l’entendement des coreligionnaires de Faustin Boukoubi, si “force doit rester à la loi” c’est pour légitimer la novlangue officielle. Au-delà, l’objectif est de rendre illégale toute revendication gênante. Pour eux, si “le Gabon est un Etat de droit“, cela doit se traduire par une subordination des autres forces sociales à la volonté des détenteurs de l’autorité publique. Vu sous cet angle, les demandes corporatistes apparaissent comme d’inacceptables traductions de la pensée hérétique. Et les autres forces sociales comme des laboratoires de la dissidence. Usant et abusant de la vulgate démocratique, le pouvoir n’est, en réalité, jamais passé à l’après-23 mars 1990.

Un piège

Ce refus d’entrer dans la modernité, cette volonté de vivre en dehors de son époque, légitime une tare héréditaire du syndicalisme national : la proximité d’avec les forces politiques. Face à une administration au service exclusif de la majorité politique, les leaders corporatistes se sentent obligés de rechercher des soutiens politiques. Certains pourront réfuter ce constat. Mais, il restera une réalité : si la Cosyga a longtemps été un organisme spécialisé du PDG, de nombreux syndicats ont ouvertement soutenu Jean Ping lors de la dernière présidentielle. Du coup, la suspension des activités de la Conasysed prend une autre résonance. Politiquement, elle semble même contre-productive voire risquée. Politiques ou professionnelles, individuelles ou collectives, toutes les frustrations y trouvent une opportunité de s’extérioriser. Voilà le risque auquel le gouvernement est désormais exposé.

En vérité, le droit à la liberté d’expression, à la liberté de réunion et à la liberté d’association ne fait pas partie du génome du PDG. Il se heurte frontalement à sa culture des mallettes, des collusions institutionnelles et de la coercition permanente. Percevant les syndicats comme des outils de mobilisation d’un électorat captif, le pouvoir n’a jamais œuvré pour leur indépendance. S’il a jusque-là toléré leur existence, il a surtout eu à l’idée de les caporaliser ou tout au moins de les instrumentaliser lui-même. Sans le vouloir, le ministre de l’Intérieur a laissé transparaître cette quête. Se drapant des oripeaux de la légalité, il a involontairement fait glisser le débat, tendant ainsi un piège à sa famille politique.
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