A travers un arrêté pris le 17 mars dernier, le gouvernement a suspendu toute activité de la Convention nationale des syndicats du secteur éducation (Conasysed). Une décision qui pourrait être lourde de conséquences, à quelques heures de la date butoir arrêtée par les enseignants pour déclarer l’année blanche dans le pays.
Visiblement excédé par les sorties à répétition de la Convention nationale des syndicats du secteur éducation (Conasysed), le ministre de l’Education a joué sa dernière carte en saisissant son collègue de l’Intérieur. Ainsi, se fondant sur des actions jugées répréhensibles, notamment «le trouble manifeste à l’ordre public, entrave à la liberté du travail, violence et voie de fait», le ministre de l’Intérieur a décidé, par arrêté n°006/MISPDL, de suspendre toute activité du groupement syndical.
«Les activités de la Conasysed sont interdites», souligne l’article 2 dudit arrêté. A compter du 17 mars, il est donc «fait défense à toute personne de s’exprimer au nom de la Convention nationale des syndicats du secteur éducation», précise le même arrêté en son article 3. Une décision sonnant comme une petite victoire pour le gouvernement, reprochant au groupement syndical d’être à l’origine de la paralysie du secteur de l’éducation nationale, depuis près de six mois.
Lors d’une sortie, en février dernier, la Conasysed avait notamment réclamé le départ du ministre de l’Education nationale, condition sine qua non pour l’ouverture des négociations avec le gouvernement. A la lumière de ce qui précède, c’est finalement Florentin Moussavou qui a eu la tête des syndicalistes. Mais les choses ne devraient pas rester en l’état. Une réaction de la Conasysed et, plus largement de l’ensemble des structures syndicales, étant attendue dans les prochaines heures.
En attendant cette éventuelle réaction, la Conasysed a simplement commenté la décision gouvernementale. «Face à cette dernière démence du gouvernent par l’entremise du ministre de l’intérieur et celui de l’Education nationale, il nous plairait bien d’observer la réaction des enseignants (sursaut d’orgueil ou résignation ?), et celle des parents d’élèves, et subsidiairement celle des élèves…Observons ! Bien sûr que la réplique arrive !», a prévenu le groupement syndical.
Les réseaux sociaux sont en ébullition depuis l’annonce de cette décision. Pour le président du Réseau des organisations libres de la société civile pour la bonne gouvernance au Gabon (ROLBG), il ne s’agit ni plus ni moins que d’«une antidémocratique de liquidation de la principale organisation syndicale du secteur de l’éducation par le régime putschiste».
«En ma qualité d’acteur de la société civile et de défenseur des droits de l’Homme, je condamne une telle dérive. Une décision illégale et digne d’un autre âge», a déploré Georges Mpaga sur sa page Facebook. «Face à un acte lourd de conséquences dans l’exercice des droits civils et politiques au Gabon, il est urgent que la société civile dans toutes ses composantes se mobilisent contre ce coup tordu d’un régime criminel électoral et illégitime», a-t-il lancé.
D’autres encore s’interrogent sur le caractère légal de la suspension de la Conasysed. «Le gouvernement a toujours présenté le Gabon comme un Etat de droit. Le Gabon a-t-il abrogé l’article qui autorise le droit de grève dans notre constitution ?» «Faire grève au Gabon est-elle une infraction ?», s’interrogent-ils.
Dans tous les cas, une fois encore, le gouvernement a préféré la manière forte en lieu place du dialogue. Une position qui serait lourde de conséquence, à quelques heures seulement du 20 mars, date butoir arrêtée par les enseignants pour déclarer l’année blanche au Gabon. Comme l’ironisait Abraham Lincoln, « si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance » ! Certains ont peut-être fait le choix pour le moins cher.