L’offre mondiale de pétrole pourrait avoir du mal à répondre à la demande après 2020, année à partir de laquelle la baisse des investissements depuis 2015 pourrait faire tomber les capacités de réserve à un creux de 14 ans et provoquer une flambée des cours, met en garde l’Agence internationale de l’Energie (AIE). Dans leur ensemble, les investisseurs ne s’attendent pas à une hausse prononcée des cours dans un avenir proche mais la contraction des dépenses d’investissement ces deux dernières années et la progression de la demande mondiale signifient que le marché pourrait devoir faire face à une « pénurie d’offre » si de nouveaux projets d’extraction ne sont pas rapidement validés, écrit l’AIE dans son rapport « Pétrole 2017 » sur les perspectives à cinq ans. « Il n’est pas trop tard pour éviter une pénurie d’offre, à condition que les entreprises commencent sans délai à approuver des travaux de développement », juge l’agence.
La croissance de l’offre proviendra essentiellement des Etats-Unis, où la production de pétrole de schiste augmentera de 1,4 million de barils par jour (bpj) d’ici à 2022 même si les prix restent autour de 60 dollars le baril, estime l’AIE. « Les Etats-Unis réagissent plus rapidement que les autres producteurs aux signaux de prix. Si les prix grimpent à 80 dollars le baril, la production américaine (de schiste) pourrait augmenter de 3 millions de bpj en cinq ans », écrit l’agence.
Si les cours se rapprochent de 50 dollars, la production de schiste pourrait baisser à partir du début de la prochaine décennie. « Nous assistons au départ d’une deuxième vague de croissance de l’offre américaine et son ampleur dépendra de l’évolution des cours », dit Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE. « Mais l’heure n’est pas à l’autosatisfaction. Nous n’anticipons pas de pic de la demande mondiale dans un avenir proche. Et à moins que les investissements ne rebondissent fortement à travers le monde, une nouvelle période de volatilité des prix point à l’horizon. »
Ralentissement de la croissance de la production à partir de 2020
Les capacités mondiales de production de pétrole devraient augmenter de 5,6 millions de bpj d’ici 2022, l’essentiel de cette hausse, environ 60%, provenant des pays extérieurs à l’Opep.
Ces derniers, emmenés par les Etats-Unis, devraient porter leurs capacités à 60,9 millions de bpj d’ici à 2022, avec une forte accélération en 2018 et 2019 avant un ralentissement ensuite, pense l’AIE. Les capacités de l’OPEP devraient atteindre 37,85 millions de bpj dans cinq ans contre 35,9 millions en 2016. La demande mondiale de pétrole, portée uniquement par les pays émergents, devrait franchir le seuil des 100 millions de bpj en 2019 et s’élever à 104 millions de bpj en 2022.
La demande des pays européens de l’OCDE devrait en revanche se contracter de 570.000 bpj, ou 0,7%, par an d’ici à 2022 en raison d’une croissance économique modeste et de la hausse progressive des cours. L’AIE prédit en outre pour l’Europe un ralentissement de la « diéselification » du parc de véhicules en raison des préoccupations environnementales liées à ce carburant. A partir de 2020, et si de nouveaux investissements ne sont pas rapidement lancés, le marché pétrolier mondial risque d’être de nouveau déséquilibré mais dans le sens inverse d’aujourd’hui. Selon l’AIE, qui tire la sonnette d’alarme dans un rapport publié aujourd’hui, la croissance de la production risque de ralentir fortement à partir de 2020 si les investissements ne repartent pas de l’avant, exception faite des dépenses prévues dans les gisements de schiste aux Etats-Unis.