Le Directeur régional de la santé pour la province du Woleu-Ntem (nord), Dr Jean-René Guikoumbi, tente de dresser la carte sanitaire de sa région. Le paludisme et le Sida, deux pathologies souvent au centre des inquiétudes des woleu-ntemois sont abordées dans l’entretien qu’il a accordé à notre rédaction : intégralité.
Gabonews (GN) : La province du Woleu Ntem fait face à une répétition de cas de paludisme ; quelles peuvent être les causes ?
Jean-René Guikoumbi (JRG) : Pour éclairer la population, il faut noter que le paludisme est une maladie non transmissible, il est important de préciser qu’il y a deux genres de maladies : maladie transmissible et non transmissible. Dans les maladies transmissibles, il y a effectivement le paludisme. Mais sa transmission passe par un moustique appelé Anophèle femelle. C’est ainsi que le paludisme peut partir d’une personne malade à une autre qui est saine. Cette maladie se présente sous forme des fièvres, des maux de tête, des douleurs articulaires parfois des nausées. On peut perdre connaissance. Chez les adolescents, il arrive qu’on fasse des convulsions quelques fois dramatiques. Il faut dire qu’en milieu rural les cas de paludisme sont plus fréquents, entre autres, à raison du peu d’entretien des habitations comparativement aux centres urbains où les moustiques n’ont pas assez gîtes pour se reproduire. Remarquons que les zones mal entretenues sont des foyers de paludisme ; l’assainissement du milieu est un impératif. Nous avons le paludisme comme la première cause de morbidité dans notre région sanitaire. En 2012 sur 5900 cas de maladies transmissibles, le paludisme à lui seul fait 97%. C’est dire que le paludisme est une pathologie assez récurrente dans le Woleu-Ntem. Il faut mener des actions d’assainissement, des préventions dans tous les milieux (rural et urbain).
GN : Avec qui pouvez-vous réaliser ces campagnes d’informations ?
JRG : Ce sont notamment les ONG qui peuvent nous aider non seulement à sensibiliser les populations, mais aussi apporter des moustiquaires imprégnées afin d’éviter les piqures de moustiques pendant le sommeil. Mais également des partenaires (sociétés privées et autres bienfaiteurs) qui peuvent s’investir dans cette lutte contre le paludisme.
GN : Une autre pathologie qui donne des frissons, c’est le SIDA. Selon les dernières statistiques de la carte sanitaire du Gabon, votre province est à la tête des régions les plus contaminées du pays avec 7,2%. Quelles explications devant la montée de cette maladie ?
JRG : Il faut reconnaître que l’enquête démographique de santé du Gabon en 2012, a révélé que nous avons 4,1% de séroprévalence du SIDA pour l’ensemble du territoire national et, que le Woleu-Ntem est à 7,2%. Nous sommes, malheureusement en tête. Nous pouvons imaginer que la proximité avec trois frontières (Guinée-Equatoriale, Cameroun et Congo), c’est l’une des caractéristiques de notre province, cette position géographique est une voie de contamination possible. Deuxième explication, les hommes sont polygames en majorité ici, donc la polygamie serait aussi un facteur qui favorise la transmission du VIH. Effectivement, si parmi les épouses, l’une est infidèle ou le mari forcement la maladie va rentrer dans le foyer. Une autre piste liée aux us et coutumes : l’héritage de la femme d’un parent défunt. Peut-être qu’il est mort d’une maladie comme le SIDA, là aussi le VIH va se propager. Cela peut expliquer également la séroprévalence élevée dans le Woleu-Ntem. Nous multiplions les sensibilisations pour sauver les populations.
GN : Les jeunes scolarisés, sont-ils concernés par ces sensibilisations surtout qu’ils prennent le sexe comme un jeu.
JRG : En matière de communication, nous avons une très bonne collaboration avec la direction d’académie provinciale. Nous avons le programme multisectoriel de lutte contre le Sida, qui fait des sensibilisations dans les établissements scolaires. Et, nous avons facilement l’accès en milieux scolaires par rapport au Sida ; nous n’avons pas de soucis à ce niveau. Le Mouvement gabonais pour le bien-être familial fait dans la sensibilisation ou la prise en charge notamment à propos des préventions des rapports sexuels non protégés et les grossesses précoces. Le MGBEF nous accompagne dans la prise en charge des femmes enceintes, le bilan prénatal ainsi que les maladies sexuellement transmissibles.
GN : Dans la lutte contre le Sida, il y a le programme : Information-Education-Communication. Quel est le rôle des médias ?
JRG : Les médias nous aident à toucher un grand nombre de personnes parce que l’éducation et l’information doivent passer par la radio, la télévision et la presse écrite. Ce sont des canaux d’information assez faciles pour être au contact des populations hormis les échanges de proximité. Mais, ils sont confrontés aux difficultés de production d’émissions ou des reportages. Nous pensons que les médias jouent un rôle important. Nous préparons des émissions à animer localement avec leur expertise pour mieux atteindre le public tout en promouvant le port du préservatif pour ceux qui ont du mal s’abstenir ou encore à être fidèle.