Le sommet Union européenne-Afrique, articulé autour du thème «investir dans la personne, pour la prospérité et pour la paix», s’est ouvert le mardi 2 avril 2014 à Bruxelles (Belgique) en présence de nombreux chefs d’Etats et de gouvernements parmi lesquels le président gabonais, Ali Bongo Ondimba, ainsi que de nombreux observateurs et journalistes qui estiment que ce sommet devra donner plus d’opportunité à l’Afrique pour maintenir et accélérer sa croissance. Cependant, la majorité des hommes de médias qui apprécient cette initiative restent sceptiques quand à l’aboutissement réel de ce partenariat.
Gabonreview a rencontré quelques hommes de médias présents au 4e sommet UE-Afrique, qui dévoient ci-après leurs pensées et attentes quant à cette rencontre de haut niveau.
«21e siècle c’est le siècle du continent Africain» - Dr Gaby Tanios Boutros El-Lakkis, journaliste, éditeur de foraille.com en Allemagne :
«Il faut être conscient de soi-même. Il n’y a pas de supériorité d’un Etat face à un autre. Quand l’Europe a besoin de ressources humaines, elle va chez l’Africain. L’Afrique a besoin de l’innovation qui est en Europe, et l’Europe est une belle histoire de la liberté et de la démocratie et de l’état de droit. Les Etats en Afrique devront faire la promotion de l’état de droit. Il ne doit pas exister de sentiment d’allié vassal. Chacun a besoin de l’autre. Il y a une sorte de complémentarité entre les peuples, les cultures et les Etats. Je vois à quel point l’Europe a besoin des ressources africaines, humaines ou matérielles. Ils ont besoin de nouvelles ressources humaines. Prenez l’exemple de l’ancien secrétaire général des Nations unies, Koffi Anan, qui était un Africain. Cela montre que les Africains doivent avoir conscience d’être des partenaires. L’Afrique est le futur. Le 21e siècle c’est le siècle du continent Africain.»
«Promouvoir les valeurs universelles : la démocratie, les droits de l’homme, la condition de la femme, etc.» - Michel Ndjock Abanda, journaliste, chef de la division des reportages spéciaux à la Cameroon Radio and Television (CRTV), envoyé spécial :
«Je peux, au stade actuel, puisque les conclusions de cet important sommet ne sont pas encore connues, tout simplement faire une observation d’ordre général. C’est une observation en termes d’attentes. Voici l’Afrique et l’Union européenne main dans la main. Ce que l’on peut souhaiter c’est que ce soit un véritable partenariat. Des cas existent déjà. On a vu des concertations stratégiques entre la Chine et l’Afrique. On a même vu à Malabo (Guinée Equatoriale) une concertation stratégique entre l’Amérique du sud et l’Afrique. Aujourd’hui, la coopération entre l’Afrique et l’Europe qui est très ancienne mériterait de repartir sur de nouvelles bases. On a toujours déploré, d’un côté, un certain paternalisme, c’est-à-dire une partie qui se positionne en donneur de leçons. Ce qui agace véritablement du côté de l’Afrique qui est disponible, à mon avis. Les chefs d’Etat sont là, ils sont ouverts. Mais comment faire entre un partenariat gagnant-gagnant, un partenariat où on devrait traiter d’égal à égal, où il y a toujours comme un spectre de ceux-là qui donnent des leçons à d’autres. Cela dit, de part et d’autre, on s’entend sur la nécessité de promouvoir les valeurs universelles : la démocratie, les droits de l’homme, la condition de la femme, etc. donc, c’est davantage en termes d’attentes, au final.»
«Ici ce sont de grandes déclarations d’intention politique et pas plus» - Fédéric Garat, journaliste Radio France internationale (RFI) :
«Ce genre de sommet est bien parce que ça recadre les choses. Cela confirme certaines réalités à savoir que, d’une part, les pays africains qui sont encore pauvres certes, mais qui ont une croissance soutenue qui va de 3 à 5 % pour les moins favorisés et jusqu’à 10% pour les pays qui ont une croissance importante comme l’Angola par exemple, et de l’autre côté, vous avez des pays qui ont une croissance dont la moyenne, d’après le FMI, est d’à peine 1%.
Les pays européens sont évidemment beaucoup plus riches, mais on voit bien qu’ils recherchent, partout dans le monde, mais beaucoup plus en Afrique, parce qu’ils sont habitués à travailler avec l’Afrique, des relais de croissance, ce qu’on appelle de nouveaux marchés à conquérir parce qu’en Europe, il n’y a plus d’argent, plus de consommation. Il y a la crise, le chômage etc.
C’est intéressant de voir ce processus qui peut s’inverser. Si on se demande qui a besoin de l’autre, on a un peut le sentiment qu’en ce moment, c’est un peut les européens qui ont besoin des Africains, même s’ils ont toujours besoin des financements et de l’appui budgétaire et autres. Pour ces financements qui n’aboutissent souvent pas aux projets auxquels ils sont destinés, c’est à l’Europe d’être vigilant. Mais c’est à la société civile des pays concernés de vérifier que l’argent qu’on remet aux Etats est bien affecté aux Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), à la constitution d’une force armée d’intervention pour l’Union Africaine pour que ce ne soit plus les Français ou les Américains, les Anglais qui interviennent en Somalie ou au Mali. C’est aussi du ressort des pays d’Europe mais surtout à une société civile suffisamment forte, suffisamment structurée par rapport à cela.
Ce genre de sommet, c’est bien pour marquer le coup, pour frapper les esprits, mais ce n’est pas ici que les choses se feront. C’est au quotidien, c’est tous les jours. Les négociations APE (Afrique caraïbe-Pacifique), ça fait huit ans qu’on en discute, ils ne sont pas toujours signés, et ils ne le seront certainement pas à ce sommet. Il y a des réticences, des lignes de fractures entre tel ou tel pays membre de la Cedeao, par exemple. Ici ce sont de grandes déclarations d’intention politique et pas plus. En passant, la société civile est exclue du débat. Toutes les ONG est les associations de la société civile n’ont pas accès au forum pour des raisons que j’ignore, mais que je soupçonne.
«L’Europe a ses propres problèmes et je doute fort que les moyens qu’on attend de l’Europe arrivent dans des proportions qui permettent à l’Afrique de décoller» - Valentin Mbougueng, Journaliste, conseiller spécial du directeur général de la Société Nouvelle de presse et d’Edition de Côte d’ivoire, éditeur de Fraternité Matin.
«Ce sommet arrive à un moment où l’Afrique est en pleine relance économique, comme vous le savez, avec des taux de croissance importants. Mais au fur et à mesure que l’Afrique avance, on se rend bien compte que les besoins en infrastructures sont criards et les budgets des Etats ne peuvent pas supporter toutes ces infrastructures dont l’Afrique a besoin pour émerger économiquement. Et c’est à ce niveau qu’on attend beaucoup plus de partenaires comme l’Union européenne pour qu’il y ait davantage d’investissements. Il y a un grand programme d’investissement du Nepad en Afrique qui demande d’entrer dans une phase concrète. Mais pour cela, pour qu’il y ait davantage de routes, pour qu’on puisse rattraper le retard en matière de liaison routière, mais également en matière d’infrastructures énergétiques, l’Afrique a besoin de beaucoup de financements et c’est à ce niveau que l’Union européenne peut véritablement être efficace. On est un peu sceptique quand on regarde l’histoire de ce partenariat, de l’aide au développement. C’est vrai que l’UE se présente comme le premier contributeur de l’aide au développement en Afrique, mais ses effets sont mitigés. Les effets de cette coopération ont été si mitigés qu’aujourd’hui on est un peu sceptique, on attend de voir ce que ce sommet va donner. Mais sans trop d’optimisme. L’Europe aujourd’hui est un continent en crise. Elle sort à peine d’une crise économique sévère, d’une crise financière. L’Europe a ses propres problèmes et je doute fort que les moyens qu’on attend de l’Europe arrivent dans des proportions qui permettent à l’Afrique de décoller. Ce qui fait que l’on se dit aujourd’hui que l’avenir est dans la diversification de partenariats Europe-Afrique comme il doit y avoir des partenariats, Chine-Afrique, Inde-Afrique. C’est par là que l’Afrique peut vraiment s’en sortir en diversifiant davantage de partenaires.»