Le tour cycliste international du Gabon se déroule en ce moment sans les Panthères. Les 6 coureurs gabonais ont boycotté le départ de la course lundi dernier pour fustiger l’amateurisme des autorités et réclamer le paiement intégral de leurs primes depuis plus de 2 ans. Euphrem Ekobena, l’un des doyens de l’équipe nationale accuse la fédération et le Ministère des sports. Entretien.
Gaboneco (Ge) : Pourquoi avoir décidé de ne pas participer à la 12e Tropicale ?
Euphrem Ekobena (EE) : C’est une décision qui nous gêne ! Mais il fallait absolument qu’on l’a prenne. Parce que trop c’est trop. Depuis 6 mois nous sommes sans entraineur national. Il est parti et les autorités n’ont pas trouvé de solutions depuis son départ. A cela s’ajoute la mauvaise gestion de cette discipline et surtout l’amateurisme de nos dirigeants sportifs.
Ge : Est-ce que vous confirmez que la fédération vous doit des l’argent ?
EE : Absolument ! Ils nous doivent des arriérés. Depuis le mois dernier nous avons remis à madame la Ministre des Sports un document contenant nos revendications. Nous sommes bien surpris d’apprendre que les autorités sont surprises par notre réaction. On avait bien averti que si on n’avait pas nos arriérés il était sûr et certain que nous ne prendrions pas le départ de la course. On a prévenu deux semaines avant. Aujourd’hui on est déçu de constater que rien n’a été fait pour faire avancer les choses.
Ge : Quelles sont les difficultés que vous vivez ?
EE : Nous sommes des sportifs pauvres. Nous étions en mise au vert au Cameroun lorsque ma fille est tombée malade, jusque-là je dois encore m’acquitter des frais d’hospitalisation auprès de la clinique où elle s’est fait soigner. Il en est de même pour l’école de mon fils. Heureusement que le directeur me connait, il sait que je vais payer à l’occasion. Avec une telle pression sociale, comment peut-on être compétitif ?
Ge : Après ce qui s’est passé, comment voyez-vous l’avenir du cyclisme gabonais ?
EE : L’avenir de la petite reine ne doit se faire qu’avec des dirigeants compétents qui aiment le Gabon et font tout pour faire évoluer les choses. Nous sommes des sportifs. Ce n’est pas à nous de prendre des décisions. Il y a des têtes bien pensantes qui doivent penser intelligemment la politique sportive du pays. Il revient à la fédération et au Ministère de trouver les bonnes solutions. C’est à eux d’inventer un bel avenir pour le sport national. Remarquez que c’est vraiment bizarre que notre pays organise une telle compétition et on est incapable de nous donner nos primes. C’est pourtant une somme insignifiante. Et pourtant nous ne sommes que 6 alors qu’en football ils sont 23.
Ge : Vous ne craignez pas des sanctions ?
EE : On ne craint rien. Cette décision de ne pas participer à la Tropicale a été mûrement réfléchie. De toute façon quand on prend ce genre de décision on s’attend déjà à des conséquences positives ou négatives. Chaque année c’est la même chose, c’est énervant. Il faut d’abord engager un mouvement d’humeur pour avoir des vélos. Pour avoir ce qui nous revient de droit, il faut revendiquer. Mais franchement ! C’est quoi cette façon de gérer le sport ? Depuis 2014 ils nous doivent des compétitions qui ne sont pas payées. La mise au vert de cette année n’a pas été payée. A quel niveau nous avons tort ? Nos dirigeants n’ont rien fait pour faire évoluer positivement les choses. Comment on peut être compétitif dans ces conditions-là ? Après deux mois à l’étranger nous avons laissé nos familles. En retour on ne nous donne rien. Avec ça on nous taxe de ne pas avoir l’esprit patriotique. Mais en vérité ceux qui ne font pas leur travail n’ont pas l’esprit patriotique.
Ge : Donc vous confirmez que madame la ministre était bien informée de ce qui se passait ?
EE : Je vous invite à regarder la page Facebook du Ministère des Sports. Vous allez bien voir que la ministre a reçu l’équipe nationale et les dirigeants fédéraux. Nous lui avons remis un document contenant nos revendications. Nous avons les photocopies. La plus grande part de responsabilité revient à nos dirigeants. Le Gabon ne peut pas organiser une telle compétition alors que son équipe nationale est marginalisée. C’est inimaginable. Notre mouvement n’est pas soutenu par une main noire. Nous sommes assez responsables pour poser des actes. Il faut que dans ce pays on cesse de penser que les êtres humains que nous sommes n’ont pas le droit de revendiquer. L’année dernière, le ministre Blaise Louembet était au Rwanda à 3 jours de la Tropicale. Il est venu nous voir. Il a débloqué la situation. Mais les gens du ministère sont venus nous voir. Après des promesses ils sont partis et n’ont jamais trouvé des solutions. C’est grave pour notre pays. Notre décision est un mal nécessaire pour aider le pays. Il faut aimer le Gabon.