La bataille qui oppose le Gouvernement aux enseignants en grève depuis trois mois ne manque plus d’alimenter les inquiétudes des élèves et leurs parents, quant au spectre d’une année blanche, alors que le calendrier académique lui, s’égrène tout doucement vers son terme. Avec d’un côté l’intransigeance des enseignants déterminés coûte-que-coûte à aller jusqu’au bout, et de l’autre, les grondements d’un Gouvernement brandissant la punition, l’école gabonaise est là dans sa phase d’agonie, prête à rendre son dernier soupir.
La dragée est amère pour les parents d’élèves et leurs enfants. Si personne n’avait jusque-là osé en parler ouvertement, désormais le risque d’une année blanche n’est plus à écarter pour l’éducation nationale gabonaise, paralysée depuis trois mois par la grève chronique des enseignants. Et les parents d’élèves qui semblent avoir pris conscience de la gravité de la situation multiplient déjà des sorties et autres réunions, appelant la Conasysed et le Gouvernement à mettre, chacun un peu d’eau dans leur vin, afin de reprendre le dialogue et épargner ainsi à leur progéniture le risque d’une année blanche.
Un risque qui devient de plus en plus grand, à mesure que les jours passent et que l’année file inexorablement vers sa fin. D’ailleurs les élèves eux-mêmes pour l’avoir compris, ont décidé de prendre les choses en main et investir la rue pour exiger du Gouvernement qu’il prenne à bras-le-corps les revendications des enseignants, afin de permettre au plus vite la reprise des cours.
Dans plusieurs villes du pays comme Port-Gentil, Oyem, Lambarené, et Libreville la capitale gabonaise, les lycéens ont battu le bitume la semaine dernière pour réclamer leur droit à l’éducation. On a cru revivre les manifestations de 2014 où les élèves de plusieurs villes s’étaient mobilisés contre les réformes scolaires de l’opposant devenu, Séraphin Moundounga, l’ancien Ministre de l’Education nationale. Il est donc désormais une coutume chez les écoliers de marcher et de faire pression sur les gouvernants quand leur avenir scolaire semble être compromis.
Une responsabilité partagée
On a d’un côté la radicalisation des enseignants, qui n’en ont cure du contexte économique actuel du pays, exigeant du Gouvernement le paiement intégral de toutes leurs primes (Dieu seul sait combien elles sont faramineuses !), la construction immédiate en nombre important de salles de classe, l’achat de table-bancs, pour ne citer que ceux-là. Et de l’autre un Gouvernement désormais dos au mur et qui a déjà suspendu les salaires de plus de huit cent agents, non sans menacer de les exclure des effectifs de la fonction publique, s’ils ne reprennent pas au plus vite le chemin des cours.
C’est une responsabilité partagée. Responsabilité partagée où chaque camp, faute de compromis, privilégie la force et le jusqu’au-boutisme. On comprend alors qu’autant cette décision gouvernementale de suspendre les salaires des enseignants grévistes, absents de leurs postes depuis trois mois peut être interprétée comme une mesure dissuasive, autant elle ne fait que jeter de l’huile sur le feu et accroître ainsi la rivalité et la méfiance de ces derniers vis-à-vis du Gouvernement. Devant cet enlisement et ce pourrissement de la situation, il revient au Gouvernement en tant que garant de l’éducation de ses citoyens, de tout faire pour reprendre le fil de la discussion avec la Conasysed.
Laquelle Conasysed devrait aussi avoir la conscience professionnelle de sa vocation première, qui est celle d’enseigner et de former. Et que les deux parties cèdent, chacune à des compromis, au regard de la conjoncture exceptionnelle du pays. Pour un pays qui sort affaibli d’une élection présidentielle atypique, une année blanche ne serait qu’un coup de grâce porté à un climat sociopolitique déjà volatile. Et le Gouvernement tout comme les enseignants en seront tous les deux tenus pour responsables, car aucun camp ne pourra alors se prévaloir d’être sorti vainqueur d’une situation qui compromette l’avenir des jeunes Gabonais. C’est une responsabilité partagée.