Installé à Libreville seulement depuis quelques mois, la multinationale française spécialisée dans la publicité urbaine s’est déjà attirée les foudres d’une partie de la population de la capitale. L’implantation de son panneau à l’échangeur du lycée d’Etat de Libreville serait incompatible avec l’esthétique et la politique environnementale des autorités gabonaises.
Le choix de JCDecaux d’installer un de ses panneaux publicitaires géants à côté de l’échangeur du lycée Paul Indjedje Gondjout à Libreville est loin de faire l’unanimité. Culminant à plusieurs mètres de haut, ce panneau, jugent certains, fait tache. «Il ravage notre ville et dénature l’image de notre belle capitale», tranche Martin O., un passant, l’a toisant du regard, avant de regretter qu’«un horrible panneau publicitaire géant [ait été installé] à l’entrée même de Libreville». Pour certains riverains, il est mal venu que les visiteurs du Gabon et de Libreville, en sortant de l’aéroport, tombent sur «cette laideur». Pour eux, «la présence de ce type de panneau géant peut, à la rigueur, s’expliquer sur les autoroutes, les voies rapides ou autres grandes artères périphériques, mais certainement pas à l’entrée de la capitale».
L’autre raison de la colère des riverains de la capitale est que le panneau de JCDecaux est situé à un lieu qui faisait déjà la fierté de Libreville. Un lieu sur lequel la mairie de Libreville avait entrepris d’importants efforts. En effet, sous l’échangeur du lycée Paul Indjedje Gondjout, les services de l’Hôtel de ville avaient créée un espace vert plutôt original, sur lequel «Libreville» est écrit avec des fleurs. Or, disposé au même endroit, la beauté du lieu s’en est vue détériorée. «A cet endroit, se rappelle nostalgique Martin O., «des jolies compositions florales souhaitent la bienvenue à Libreville aux nouveaux arrivants». Martin O., fonctionnaire, s’attendait de la part de JCDecaux «qu’il accorde une attention particulière à soigner Libreville en installant des panneaux écologiques, innovants à l’esthétique irréprochable, d’un design avant-gardiste, utilisant l’énergie solaire, plutôt que d’imposer aux Librevillois cette nouvelle pollution».
«Ce panneau érigé à la gloire de Decaux n’a rien à faire à cet endroit, et se trouve en totale contradiction avec la vision de protection de l’environnement du Gabon Vert et du chef de l’Etat, estime quant à lui, Pierre M., un deuxième passant. Madame le maire qui se soucie de l’amélioration de l’esthétique de la capitale ne peut pas rester insensible à cette dégradation de notre environnement qui est notre bien commun à tous au seul profit d’une société d’affichage.»
Mais ceux qui portent le plus de critiques aux panneaux JCDecaux se trouvent dans le secteur de la publicité et de l’affichage gabonais. Depuis l’installation de la multinationale au Gabon, certains se remémorent le triste épisode de janvier 2014. «Une vaste opération de nettoyage très musclée et très contestée, dont les réelles motivations n’ont jamais été éclaircies avait été lancée il y a plus de trois ans par le ministre Magloire Ngambia, aujourd’hui en prison, pour officiellement débarrasser la ville des panneaux publicitaires jugés polluants. Nous ne comprenons pas bien que les autorités acceptent aujourd’hui l’installation de panneaux outrageusement polluant en pleine ville. Les afficheurs gabonais qui s’étaient regroupés dans un collectif s’étaient insurgés contre ces méthodes et avaient invoqué leur éviction pour préparer l’arrivée d’un gros opérateur, JCDecaux», se rappelle un brin complotiste, Thierry N., un jeune entrepreneur du secteur.
Pour Thierry N., concepteur de publicités pour des afficheurs nationaux, qui dit avoir «mis la clé sous la porte», après la destruction des panneaux dans la capitale et ses environs, «tous les panneaux que JCDecaux est en train d’installer à la place des entrepreneurs gabonais virés manu militari par M. Ngambia n’apportent absolument rien à l’embellissement de la capitale. Ce sont les mêmes que les entreprises gabonaises avaient installés». «Le bord de mer étant la plus belle vitrine de Libreville, fait l’objet en ce moment de toutes les attentions des autorités qui cherchent à le mettre en valeur et à le rendre plus attractif pour le plus grand plaisir de tous les Librevillois, comment expliquer que Decaux réimplante des panneaux en plein front de mer alors que ceux des PME gabonaises ont été détruits aux mêmes endroits ?», s’interroge Thierry N.