Connu pour son rôle dans la société civile et la pertinence de ses tribunes libres, Bertrand Noël Boundzanga a publié, fin novembre 2016, un ouvrage au titre évocateur : «Le Gabon, une démocratie meurtrière». L’ouvrage de ce sociologue, enseignant à l’Université Omar Bongo, traite de la démocratie au Gabon, de ses avancées, de ses hommes et, surtout, de ses malheurs.
Comme disait l’écrivain et scénariste américain James Salter, «tout ce qui n’est pas écrit disparaît». Même si l’universitaire et sociologue Bertrand Noël Boundzanga avait déjà publié, de manière éparse, des fragments de ce livre, via de «Tribunes libres», dans divers journaux de la presse locale, il a compris la nécessité de les réunir sous un format unique, pour une meilleure valorisation des idées véhiculées.
L’universitaire a collectionné ces différentes publications, les a actualisé, tout en les enrichissant de nouvelles réflexions ancrées, elles aussi, sur l’analyse de l’état de la poutre de la démocratie gabonaise. C’est la somme de ces réflexions qui est consignée dans cet ouvrage au titre évocateur : «Le Gabon, une démocratie meurtrière».
Edité par L’Harmattan (France), dans sa Collection Point de vue, en fin novembre 2016, ce livre de 288 pages se veut à la fois, analytique, testimonial et historique.
«Le Gabon, une démocratie meurtrière» s’étale en effet sur deux parties. La première : «Les temps insensés» est construite autour des fragments, des notes et des intermèdes ; tout autant que la deuxième intitulée «Les illusions heureuses». Dès les premières pages, le livre pose un regard direct sur la démocratie gabonaise et ses hommes sans tabou. Dès l’entame, le lecteur s’imprègne de la pensée de l’auteur qui ambitionne de rappeler que «le Gabon reste la preuve palpable que la force ne donne absolument rien en matière de Développement». C’est une analyse sans complaisance sur l’Etat de droit, les différents camps politiques, le meurtre ou assassinat utilisés comme instruments de découragement au recours à la contestation.
Pour l’auteur, l’idée de départ de cet ouvrage était de rédiger un essai. Mais au fil des événements en cours dans le pays, il l’a transformé. «Ce livre n’est pas un essai, au sens académique du terme. Universitaire que je suis, je n’ai pas voulu faire un livre scientifique. Je l’ai conduit grâce à des imaginaires, à des colères vives, à des expériences diverses et des amitiés dans la société civile autant que dans le monde universitaire que je fréquente plus régulièrement», écrit-il. La liberté de ton, le langage vrai, les images dans les mots…sont autant de points positifs contenus dans cette œuvre.
«Le Gabon, une démocratie meurtrière» se construit à partir d’une introduction de l’écrivain qui, lui-même, plante le décor de l’objet d’étude. «Il n’y a pas que la démocratie qui a enterré des vies humaines pour assurer sa survie ; avant elle, le partie unique en fit autant», écrit Noël Boudzanga à l’entame de son introduction.
S’il cite Madza Ngokouta, Ndouna Depenaud, entre autres martyrs de cette époque, il nomme Oyono Aba’a ou Agondjo OKawé pour parler de la «torture et des prisons arbitraires qui furent le lot quotidien des Gabonais qui aspiraient au moins au retour au multipartisme sinon à la démocratie».
Il avance dans le temps et souligne alors qu’en 1990, «le peuple pouvait espérer un dégel. Il en fut autrement une continuité des crimes orchestrés depuis 1968». Joseph Rendjambé et Martine Oulabou, décédé respectivement en 1990 et 1992 sont présentés comme deux types de crimes qui se sont poursuivis en s’amplifiant dans un temps où «le pouvoir devait appartenir au peuple et pour le peuple».
Dans cette lignée de crimes, Noël Bertrand Boudzanga place toutes les victimes, qu’elles soient des hommes politiques, des acteurs des organisations de la société civile (OSC) ou des citoyens sans visage, comme il nomme cette dernière catégorie.
Jusqu’à l’élection présidentielle de 2016, le «panier des morts» pour la démocratie au Gabon à continuer à se remplir. Le sociologue conclue déjà que «la dictature est meurtrière», mais «la démocratie l’est tout autant». Pour lui, «la démocratie ne doit pas être une forme de barbarie envers un peuple qui n’aspire qu’à un changement de sa condition de vie. Elle devrait plutôt être à l’écoute de celui-ci».
Comme l’annonce Christ Olivier Mpaga, enseignant de philosophie à l’Université Omar-Bongo (UOB) de Libreville, signant la quatrième de couverture de cet ouvrage, «Le Gabon, une démocratie meurtrière (…), semble soutenir cette thèse, que son auteur mène courageusement par la liberté de ton qu’il prend». L’Enseignant de philosophie ajoute que «pour en faire la démonstration, il revendique un droit d’inventaire, sans concession, de la transition démocratique au Gabon, surtout dans son état actuel. La légitimité et le statut du chef de l’Etat, des acteurs politiques, le rôle des intellectuels et des auxiliaires du pouvoir que sont la police, l’armée, les partis politiques, les syndicats et la société civile passent au crible d’une critique acerbe qui laisse peu de place à l’approximation». «Cet ouvrage relève également que ce droit d’inventaire ne saurait être complet sans la prise en compte de l’historicité des rapports entre le Gabon et la Franc», note Olivier Mpaga.
Au final, Le Gabon, une démocratie meurtrière, n’est pas qu’une somme d’inventaire de hauts et bas politiques du Gabon. Derrière, il y a un espoir et de l’avenir. «Il y a des gens qui pensent, qui veulent faire autrement les choses. Donc il ne faut pas systématiquement penser qu’à droite il y a des noirs et puis à gauche il y a des blancs. Je pense qu’il y a des passerelles, il faut discuter avec les gens», a souligné Noël Bertrand Boudzanga.