A la suite de la reprise du service par les magistrats du Gabon, Germain Nguema Ella, le président du Syndicat national des magistrats du Gabon (Synamag), par ailleurs inspecteur des services juridiques au Tribunal de Libreville, revient sur les mobiles de la suspension de leur mot d’ordre de grève lancé en décembre 2016.
Quelles sont les raisons de la levée du mot de grève générale lancé par le Syndicat national des magistrats du Gabon (Synamag), en décembre 2016 ?
Germain Nguema Ella : Le mot d’ordre de grève a été levé parce nous estimons qu’il y a eu des avancées significatives dans le sens que nous avions demandé à la tutelle, avec la résolution de six points de notre cahier de charges qui en contient une trentaine. Les six points ont été brandis, parce que nous estimions qu’ils pouvaient être résolus sans besoin de commissions.
De ces six points, nous avions la situation des magistrats du tribunal administratif de Port-Gentil et Franceville dans le sens que ces tribunaux n’ont pas de locaux. Nous avons demandé qu’il y ait des locaux et que les jeunes collègues puissent travailler à partir de l’année prochaine. La tutelle nous a désigné des locaux à Port-Gentil et à Franceville. Elle a fait des conventions avec une société de la place qui devra préfinancer les travaux dont le démarrage est prévu pour le mois d’avril pour un délai de six mois avant la livraison. Nous avons donc trouvé que c’était une avancée.
Il y a le problème des tribunaux ou des juridictions administratives au niveau de Libreville. Vous savez, le Tribunal et la Cour d’appel de Libreville se trouve ici et le parquet du tribunal est logé dans un immeuble qui a servi, il n’y a pas longtemps, de motel. Vous imaginez qu’il ne s’agit pas là, des conditions les plus admirables pour le travail des magistrats. Nous avons voulu qu’on nous remette l’immeuble de Batterie 4 où le ministre de la Justice travaillait, en attendant qu’on trouve une solution à ses bureaux au niveau du ministère de la Justice. Effectivement, le ministre est parti de là dimanche. Ces locaux sont désormais à la disposition des juridictions administratives. Il reste cependant un écueil : il concerne le ministère de l’Egalité des chances qui y réside toujours. Nous sommes néanmoins convaincus qu’avec le départ du Gardes des sceaux, le ministre de l’Egalité des changes « trouvera une chance » ailleurs. Voilà pour ce qui est des juridictions administratives.
Qu’en est-il de la Prime d’incitation à la performance (PIP), qui constituait un autre point d’achoppement ?
Au niveau de la PIP, une partie a été payée à la fin de la semaine dernière mais il reste une autre partie. Il y avait des arriérés qui concernaient deux trimestres. Le dernier trimestre de décembre 2015 a été payé et il reste celui de 2014. A ce niveau, nous avons aussi estimé qu’il y a également eu une avancée.
La deuxième partie de la PIP ne pourrait pas constituer un autre prétexte pour redescendre dans la rue ?
Si quelque chose est partiellement réglé, et que le reste ne fasse pas l’objet d’une attention particulière, il est logique cela puisse entrainer une grève. Parce qu’il faut tout régler à 100%. Nous avons laissé deux mois à la tutelle pour pouvoir essayer de trouver la solution à ce problème. Si c’était seulement pour faire du dilatoire dans le sens qu’ils estiment qu’en réglant partiellement le problème, le reste ne sera pas fait, c’est sûr qu’après deux mois, nous allons faire un état des lieux. Et si nous constatons que la volonté n’y est pas… Vous savez, nous avons suspendu la grève. Ce qui veut dire que le préavis reste valable, vu que si nous constatons la mauvaise foi de la tutelle, nous reprendrons la grève.
On va même faire un échéancier signé des deux parties, du syndicat et de la tutelle, sur les délais. Comme vous le savez, dans toutes les conventions, c’est la loi des parties qui est de mise, surtout que nous n’avons pas trop d’engagements. Le nôtre est de retirer notre mot de grève et celui de la tutelle, est l’obligation de faire en sorte que ce que nous réclamons soit fait.
Qu’en est-il du troisième point de vos revendications qui concernait le décret 404 ?
Il y avait le décret 404 relatif aux nouvelles rémunérations. Cette revalorisation a touché tous les fonctionnaires, à l’exception des magistrats hors-hiérarchie. Il semble que le ministère de la Fonction publique n’aurait pas fait appliquer ce nouveau décret aux magistrats hors-hiérarchie. Nous ne savons pas les raisons de cette discrimination. Ce décret permet aux hauts magistrats d’avoir une bonification dans leurs salaires, et avec une répercussion au niveau de leurs pensions. Ce, du fait que ces hauts magistrats hors-hiérarchie, sont vers la fin de leur carrière. Il faut donc aussi voir leur fin de carrière et la situation de leur retraite. En appliquant ce décret, on aura l’amélioration de la pension des magistrats. A partir du mois de mars, ce décret sera désormais applicable aux magistrats hors-hiérarchie. Nous estimons que nous avons également eu un autre acquis.
Quid de la situation des toges ?
Effectivement, nous avons demandé 430 toges. Nous en avons reçu près de 100 pour les jeunes magistrats de la Promotion 2016, qui ont été affectés. Tous ont reçu leurs toges. Dans les 430 toges, il faut concevoir qu’il y a non seulement les magistrats mais aussi les greffiers. C’est aussi une avancée. Nous attendons maintenant le reste, qui sera beaucoup plus distribué aux magistrats qui quittent le tribunal pour la Cour d’appel. Il faut tout de même relever que ces robes ne sont pas identiques. Surtout les robes d’apparat, lorsqu’on est au Tribunal et à la Cour d’appel, ce qu’on appelle souvent les robes rouges.
S’agissant ces affectations ?
S’agissant de ce dernier point qui concernait l’irrégularité d’affectation des magistrats du judiciaire à la Cour d’appel administrative de Libreville, je crois que ce point ne pourra être résolu que lors de la tenue d’un Conseil supérieur de la magistrature. D’ailleurs, sur ce point, le ministre nous a donné sa conviction d’y tenir à la fin de l’année judiciaire.
Quelles garanties donnez aux justiciables ?
Si la grève a été suspendue, c’est pour deux causes. La première, c’est pour notre revendication personnelle. On peut reconnaitre que toute organisation syndicale est égoïste sur ce plan, elle essaie de trouver des solutions à ses problèmes, rien que dans le cadre de sa profession. La seconde, c’est le du cri du peuple. Si nous avons compris que si nous tenons à ce qu’il y ait une amélioration dans les conditions de travail et de vie pour les magistrats, nous avons également compris que cette grève trahissait la situation de nos compatriotes, parce qu’ils n’avaient plus accès à nos services. Même l’obtention d’un casier judiciaire était devenue compliquée. Vous savez que lorsqu’il y a des examens ou n’importe quoi, cette pièce fait partie des éléments qui permettent de poser sa candidature.
Sur un tout autre plan, les prisons sont complètement pleines. On y incarcérait des gens, alors qu’il n’y avait plus d’audiences. Il a donc fallu qu’on résolve ce problème. Parce que le problème qui se posait ne touchait pas d’abord la hiérarchie, mais le bas peuple. Il fallait donc voir tout cela, parce que lorsqu’un magistrat rend un jugement, il dit au nom du peuple gabonais. A un moment donné et indépendamment de nos revendications, il fallait faire en sorte qu’il y ait cet assouplissement et que les gens aient à nouveau accès à nos services.