La mission du FMI au Gabon suscite moult interrogations au sujet de la masse salariale, aspect au-delà duquel l’Etat peut aller pour réduire ses charges jugées faramineuses.
Depuis la semaine dernière, la venue au Gabon d’une mission du Fonds monétaire international (FMI) suscite divers débats au sein des milieux financiers et même dans les chaumières. C’est que son cahier des charges contient un aspect qui touche directement le porte-monnaie des Gabonais : les salaires des fonctionnaires et agents publics. La mission du FMI séjourne au Gabon pour notamment auditer la masse salariale de l’Etat, que les analystes économiques jugent trop élevée, après une augmentation exponentielle ces dernières années.
Au troisième trimestre 2016, la masse salariale s’élevait à 506,55 milliards FCFA. Un montant en hausse de 20% par rapport aux 421,86 milliards FCFA que cette masse salariale représentait un an plus tôt. Les autorités expliquent cette augmentation par la progressionde21%de la solde permanente et des effectifs de la main d'œuvre non permanente, en hausse de plus de 4%.
Pour le budget de 2017, le gouvernement a prévu de réserver environ 60% de ses recettes pour les dé- penses de fonctionnement de l’Etat. Mais les économistes estiment que ces augmentations n’augurent rien de bon pour l’économie du pays. Raison pour laquelle le FMI procède à cet audit. L’émoi est grand au sein d’une majeure partie de la population du pays. Le Gabon compte environ 100 000 fonctionnaires, sur une population globale de 1,8 million d’habitants, selon les chiffres officiels. Pour une bonne partie de l’opinion publique, l’audit du FMI va indubitablement conduire à des coupes dans les salaires et une réduction du personnel de l’administration publique.
Options diverses
Si ces options sont envisageables, il faut cependant relever que l’audit de la masse salariale peut porter sur des aspects autres que la réduction des salaires. Cela peut en effet conduire à une meilleure maîtrise du personnel. Lors de précédentes campagnes de toilettage du fichier solde, des milliers de dossiers ont été jugés litigieux. Le constat est que ces personnes ont été recrutées sur la base de faux diplômes, de fausses attestations de nomination, de faux décrets d’intégration ou même de faux actes de naissance.
Evidemment, avec ces pratiques, le coût réel des charges salariales de l’Etat est faussé. Pour 700 salariés révoqués et d’autres centaines reclassés après un audit en 2010, l’on avait économisé 3,5 milliards FCFA. A cela, il faut ajouter des personnels ayant l’âge de faire valoir leurs droits à la retraite, mais qui sont toujours pris en charge par l’Etat, par le truchement de tripatouillages dans le fichier solde. Sans compter que de nombreux postes salaires de personnes décédées continuent d’être crédités durant de long mois.
Par ailleurs, selon certaines sources au ministère de l’Economie, l’audit du FMI ne va pas que porter sur la masse salariale. Globalement, il s’agit de scruter les dépenses publiques de l’Etat. Depuis toujours, les institutions de Bretton Woods, notamment le Fonds, ainsi que les partenaires au développement, ont tiré la sonnette d’alarme sur les dépenses liées au fonctionnement. « Il convient d’agir essentiellement sur les dépenses, non seulement en maîtrisant l’augmentation rapide de la masse salariale, mais aussi en supprimant progressivement les subventions aux carburants, qui sont coûteuses », indiquait par exemple le rapport du FMI au terme des consultations de l’année 2014.
Subventions et train de vie
Le pays a certes avancé en ce qui concerne la réduction des subventions énergétiques, avec, entre autres, la suppression partielle de la subvention au gasoil industriel et la prise en compte des droits d’importations dans le calcul du prix de marché notionnel qui sert à déterminer le montant de la subvention. Mais, pour le FMI, cela reste insuffisant. Aussi, recommandait-il la nécessité d’une stratégie de réforme globale. Cette réforme des prix des carburants, il faut le signaler, suppose d’importants arbitrages entre différents objectifs sociaux et macroéconomiques.
L’autre possibilité en termes de réduction de ses dépenses de fonctionnement, c’est de continuer à réduire son train de vie. En2016, le montant des dépenses allouées au fonctionnement des institutions avait été réduit de 63 milliards de FCFA par rapport à l’année précédente. En menant une vie plus modeste, les charges de l’Etat pourraient diminuer et ces montants ainsi récupérés peuvent être investis afin d’impulser un développement plus inclusif.
En somme, des poches inutiles de dépenses peuvent être fermées par l’Etat du Gabon sans nécessairement passer par une coupe dans les salaires. Les recommandations restent globalement les mêmes. S’agissant de la masse salariale, on pourrait procéder à l’audit des effectifs des agents de la main d’œuvre non permanente, à la suspension systématique des traitements des agents ayant atteint l’âge de mise à la retraite ou encore à la lutte contre le cumul des salaires (donc des avantages indus). Les pistes sont nombreuses.