Censé aider à la mise en œuvre des politiques publiques, le rapport remis au président de la République par le Premier ministre suscite des interrogations quant à la méthodologie utilisée pour sa formulation et ses effets réels.
C’est un outil de mise en œuvre des politiques publiques. Depuis maintenant sept ans, il est en passe de devenir l’un des plus galvaudés : telle une incantation, le suivi-évaluation est évoqué à longueur de journée sans jamais se traduire dans les faits. Tout au long du mandat échu, les responsables du Bureau de coordination du Plan stratégique Gabon émergent (BCPSGE) ont joué les premiers rôles au sein de l’appareil d’État. N’empêche, l’opinion s’interroge encore sur leur valeur ajoutée. Avec l’arrivée d’Emmanuel Issoze Ngondet à la primature, le gouvernement reprend l’évaluation à son compte. Pour joindre l’acte à la parole, un rapport de ses 100 premiers jours de travail a été remis au président de la République, le 25 janvier dernier.
Procureur de ses prédécesseurs
De prime abord, l’idée d’assurer le suivi-évaluation de l’action gouvernementale peut paraître séduisante. Elle peut permettre de mieux apprécier les progrès réalisés, facilitant ainsi l’énonciation de mesures correctives éventuelles. Trop de projets et programmes sont morts ou ont été dévoyés du fait d’une absence de suivi. Grâce au rapportage périodique, ce risque pourrait être conjuré. Concrètement, il serait alors possible de recueillir et analyser l’ensemble des données de terrain afin de produire une information fiable servant d’outil d’aide à la décision. On pourrait aussi envisager de suivre la mise en œuvre des mesures correctives préconisées.
Dans la préface de son rapport, le Premier ministre parle d’un «précédent d’une portée (…) historique pour l’administration gabonaise». Mieux, il y voit le début d’une «ère de la transparence, de la redevabilité des comptes, de l’orientation du résultat de l’action publique et d’une confiance renforcée avec les citoyens». Se livrant à un exercice d’autocélébration, Emmanuel Issoze Ngondet se mue en procureur de ses prédécesseurs. Sans s’en rendre compte, il dénonce l’inefficacité des politiques publiques, met à l’index l’impunité et donne raison aux contempteurs de la majorité, avant de déplorer une impopularité certaine. Sans en mesurer la portée, il acte une réalité, toujours dénoncée mais jamais admise par son camp : l’opacité, l’irresponsabilité, l’absence de cap et la défiance populaire ont jusque-là miné l’action des différents gouvernements.
Communication
Le chef du gouvernement ne doit pas s’arrêter au milieu du gué. Il doit aller plus loin : il doit se conformer à la méthodologie de suivi des politiques publiques. L’institutionnalisation du suivi doit se traduire par une facilité d’accès à l’information et une meilleure circulation de celle-ci. Elle doit induire la systématisation des voies de recours. Elle gagne à faciliter une meilleure participation de la société civile et des citoyens. Or, le rapport du gouvernement a entièrement été conçu et rédigé par le…gouvernement. Du coup, on se demande s’il ne s’agit pas d’une simple compilation de documents produits par les différentes inspections des services. Sauf à consacrer l’inutilité des inspections des services, on en vient à s’interroger sur le caractère novateur de ce rapport. On en arrive même à se demander pourquoi les identités des personnes physiques ou morales commises à son élaboration n’ont pas été consignées.
Pour une meilleure lisibilité de ce rapport, il aurait fallu adopter une approche programme et non administrative. Il eut aussi été nécessaire de mettre en place un comité de pilotage, définir le référentiel et rendre publics l’ensemble de ces éléments. Aujourd’hui, personne ne sait quels rôles les inspections des services et le BCPSGE ont-ils éventuellement joué dans cette mission de suivi. Rien ne filtre également sur les principes, critères et indicateurs utilisés. La méthodologie d’enquête et l’échantillon de personnes ou responsables politiques et administratifs contactés demeurent des inconnues. Au-delà, le groupe nominal «Etat gabonais» étant attrape-tout, nul ne peut s’avancer sur les entités chargées de mettre en œuvre les mesures correctives préconisées.
À moins de le compléter, le rapport d’Emmanuel Issoze Ngondet n’est manifestement pas opérant, encore moins opératoire. Même si on peut saluer cette initiative a minima, elle découle d’une stratégie de communication. Il s’agit avant tout d’une action marketing. Mais le citoyen n’est pas un client et le programme de gouvernement n’est pas un plan de vente. Faut-il le rappeler ?