Le Premier ministre estime que des correctifs sont nécessaires au sujet des exonérations fiscales accordées dans le cadre de l’incitation à l’investissement. Les entreprises craignent l’augmentation de la pression fiscale déjà jugée assez forte. Le gouvernement doit trouver le juste milieu.
Un des groupes de travail formés vendredi dernier lors du conseil interministériel préparatoire au Haut conseil pour l’investissement (HCI) va s’occuper de proposer des réformes dans le cadre de la fiscalité et de la parafiscalité au Gabon.
Notamment en ce qui concerne les exonérations accordées aux entreprises qui s’installent dans les zones franches créées par le pays. Le sujet est suffisamment important pour avoir été soulevé par le Premier ministre.
«L’Etat gabonais a consenti, à ce jour, d’importantes sommes au titre de dépenses fiscales destinées à encourager les investissements dans des secteurs clés. Mais, force est de constater et de reconnaître que nous n’avons pas eu de suivi sur l’impact de ces dépenses en termes de réinvestissement», a en effet déclaré Franck Emmanuel Issoze Ngondet à une assemblée composée de membres de gouvernements, de hauts responsables de l’administration publique, et de hauts responsables des milieux d’affaires.
Le gouvernement reconnaît aujourd’hui que sa politique en matière d’incitation à l’investissement a connu des failles, dans la mesure où les dépenses fiscales qui en ont découlé ont contribué, selon le Premier ministre, à saper le fondement du système fiscal du Gabon et contraindre ses marges d’intervention dans les vecteurs de croissance.
Les pertes pour l’Etat sont en tout cas énormes. Rien que pour l’année 2016 qui vient de s’achever, le déficit des recettes fiscales a été de 410 milliards Fcfa. Pas de quoi réjouir un pays en quête de ressources financières…
Largesses
Les largesses fiscales de l’Etat peuvent justifier cette situation. Dans la Zone économique spéciale de Nkok (ZES de Nkok), par exemple, il est offert aux investisseurs industriels de nombreuses incitations et autres avantages fiscaux. Aucune imposition sur les dividendes et le foncier. Pas d’impôts sur les revenus de l’entreprise au cours des 10 premières années de son activité, avant de monter à 5% les 5 années suivantes, pour retrouver le niveau normal à partir de la 16e année.
Par ailleurs, ces entreprises bénéficient de l’autorisation de rapatrier 100% de leurs fonds. Les exonérations à 100% portent aussi sur les taxes sur les sociétés (35% dans l’OHADA) ou encore sur les gains en capital.
La générosité de l’Etat va plus loin : aucun droit de douane n’est appliqué à l’importation des biens nécessaires à la production, et l’électricité est accordée à un tarif subventionné pour les industries.
Ces avantages avaient inquiété de nombreux spécialistes de la fiscalité et de l’économie qui les avaient jugés « imprudents » de la part d’un Etat. Au regard du bilan, on comprend mieux leur point de vue. Jusqu’ici, l’impact des exonérations fiscales est moindre. Les emplois attendus ne suivent pas : il y a quelques jours seulement, l’on apprenait que seuls 3 000 emplois environ ont déjà été créés dans la zone économique spéciale de Nkok. Les investissements n’ont pas suivi à la vitesse escomptée.
Pression fiscale
A l’heure actuelle où le Gabon fait face à une crise économique qui plombe ses ressources financières, revoir le modèle fiscal de l’Etat est une exigence qui s’impose d’elle-même. Et cela se fera en concertation avec les chefs d’entreprises. D’où le dialogue initié vendredi dernier, et qui va donner lieu, à n’en point douter, à de « légers recadrages » sur la fiscalité et la parafiscalité dans le pays. L’objectif du gouvernement, a tenté de rassurer Franck Emmanuel Issoze Ngondet, n’est pas d’accroître la pression fiscale.
Mais, l’idée n’est pas toujours accueillie avec enthousiasme chez les acteurs du secteur privé. Les milieux d’affaires au Gabon (hors mis les zones franches), à travers la Confédération patronale gabonaise (CPG) notamment, se sont souvent plaints de cette pression fiscale qu’ils jugent très élevée.
Dans la loi de Finances 2017, le gouvernement a introduit trois nouvelles taxes qui ont créé des polémiques. Certains opérateurs estiment que l’Etat cherche à renflouer ses caisses en leur imposant de nouvelles exigences fiscales.
Le Haut conseil pour l’investissement qui se prépare est donc pour beaucoup, une occasion de faire entendre leurs points de vue, au lieu de subir comme d’habitude les décisions gouvernementales.
Ils soutiennent en tout cas le fait que des débats soient ouverts – une première dans l’histoire du Gabon – entre pouvoirs publics et secteur privé, pour discuter et définir les réformes à mettre en place afin de relancer l’économie gabonaise.
Les propositions, à soumettre lors de la toute première session du Haut conseil pour l’investissement (annoncé pour mars prochain), nous dirons si des consensus se sont dégagés sur la meilleure manière de relancer l’investissement.