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Tribune libre : Quand Ali Bongo planifie l’épuration politique
Publié le mercredi 18 janvier 2017  |  Gabon Review
François
© Autre presse par DR
François Ondo Edou Sécrétaire exécutif adjoint de l`Union nationale
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Ancien directeur général des élections au ministère de l’Intérieur entre 2007 et 2009, aujourd’hui membre du directoire de l’Union nationale (UN), le journaliste François Ondo Edou commente, à travers le libre propos ci-après, la vague d’interpellations et emprisonnements touchant, ces dernières semaines au Gabon, des anciens ministres ou proches collaborateurs du chef de l’Etat.


Du jamais vu ! Chaque heure, chaque jour qui passe amène son cortège d’arrestations. C’est à se demander si la prison centrale de Libreville qui date de la coloniale et conçue pour recevoir 500 prisonniers au maximum, pourra contenir tous ceux que le pouvoir émergent a décidé de placer sous mandat de dépôt, après des procédures pour le moins cavalières. Depuis quelques jours, les téléspectateurs gabonais sont servis. Ils suivent quasiment en direct tous les malheurs judiciaires de Magloire Ngambia, Etienne Ngoubou, Désiré Guedon, Juste Valère Okologo W’Okambah, anciens ministres ou proches collaborateurs d’Ali Bongo que le système Bongo-PDG a décidé de livrer à la vindicte populaire.


François Ondo Edou, vice-président de l’Union nationale. © Gabonreview
Hier intouchables et même insoupçonnés, malgré le train de vie princier qu’ils menaient, aujourd’hui, les images que la télévision et les journaux retransmettent sur eux sont d’une exceptionnelle cruauté. Cheveux en lambeau, babouches aux pieds, chemises froissées et…menottes aux poings, on les débarque, manu militari, devant le personnel excité des administrations qui, il y a moins d’une semaine, relevaient encore de leur autorité. Une véritable humiliation. Les lecteurs de l’unique quotidien national et des périodiques d’information savent avec force détails le contenu des interrogatoires, les sommes détournées et même les paradis fiscaux dans lesquels l’argent aurait été placé. Mieux, le secret de l’instruction que le pouvoir oppose souvent aux journalistes sur d’autres dossiers en cours ainsi que la présomption d’innocence ne sont plus qu’une simple vue de l’esprit. Tout est fait pour humilier ces anciens responsables pour créer un choc et préparer l’opinion. Les médias sont instrumentalisés à cette fin.

L’observateur averti établira un lien évident entre cet acharnement judiciaire, n’ayons pas peur des mots, l’actualité politique nationale, notamment la Coupe d’Afrique des Nations de football (CAN) et la crise postélectorale que connaît le Gabon. Ali Bongo qui a tout fait pour organiser cette CAN sait, bien entendu, l’objectif politique qu’il veut atteindre et entend en tirer tous les bénéfices imaginables. Il sait que cette manifestation sportive place le Gabon en première ligne. Les journalistes du monde entier sillonnent actuellement notre pays et ont certainement dans leurs dossiers de presse l’élection présidentielle du 27 août 2016. Ils ont surtout le rapport de la Mission d’Observation de l’Union Européenne qui dépeint en filigrane la nature du régime d’Ali Bongo. On en déduit qu’il est loin d’être un modèle de démocratie.

Le monde entier a suivi le bombardement du QG de Jean Ping par des hélicoptères de la garde républicaine et s’interroge encore sur le nombre exact de morts enregistrés au lendemain de la proclamation de l’élection présidentielle du 27 août 2016. Le monde entier sait par ailleurs que le Gabon, pays nanti d’énormes ressources forestières, pétrolières et minières, souffre d’une inégale répartition de la richesse nationale qui profite seulement à moins de 10 pour cent de la population. Ali Bongo souhaite bien rectifier cette perception en se donnant une image de dirigeant neuf, propre et déterminé à punir les indélicats, surtout que, dans les semaines à venir, le FMI sera dans nos murs. C’est, sans doute, ce qui explique les nombreuses arrestations-spectacles de ces derniers jours.

Certains correspondants de médias étrangers commencent à tomber dans le piège du pouvoir émergent et titrent déjà sur le nouveau départ d’Ali Bongo pour une gestion plus saine qui, selon eux, se traduit par cette opération mains propres. Les journalistes qui sont seulement de passage au Gabon et qui n’ont pas le temps de mener des enquêtes sérieuses sauront-ils qu’il ne s’agit que de lampistes et que les mains véritablement sales ne sont guère inquiétées ? Pourront-ils mener des investigations sur la pieuvre de Delta Synergie pour comprendre comment et dans quel but un tel système de prédation a été mis en place ? Pourront-ils remonter cette filière, comme l’a fait Médiapart ? Rien n’est moins sûr.

Opérations mains propres

En Afrique, Paul Biya l’a expérimenté à plusieurs reprises, les opérations mains propres sont très populaires. Pourquoi Ali Bongo ne s’en inspirerait-il pas ? Surtout que, à l’instar du Cameroun et en bon joueur d’échec, cela pourrait lui permettre, une fois pour toutes, de procéder à l’épuration politique à laquelle il rêve depuis que d’anciens caciques du PDG ont décidé de quitter son navire. Au Cameroun, lorsque des personnalités de premier plan commencent à prendre des distances par rapport au pouvoir ou à la veille des élections présidentielles, l’homme fort de Yaoundé, à travers des opérations mains propres baptisées « Epervier » ou « Albatros », écarte du champ politique les adversaires jugés redoutables. C’est le cas de Titus Edzoa, ancien médecin personnel et homme-clé du régime Biya, arrêté en 1997 pour détournement de fonds ; Jean-Marie Atangana Mebara, ancien secrétaire général de la présidence de la République ; Polycarpe Abah Abah, ancien ministre des finances, etc.

Au Cameroun, Paul Biya tient le pays depuis des décennies et a une longue expérience des hommes qu’il gouverne. C’est le seul pays ou, les arrestations de dignitaires sont même annoncées des semaines, voire des mois à l’avance. Cela ne donne lieu, jusqu’à présent, à aucun remous particulier. Par contre ces nouvelles qui émanent des cercles du pouvoir gabonais depuis le début de cette opération ne sont pas toujours rassurantes. Il se susurre que le coup vise indirectement Maixent Accrombessi. Ce sont ses proches qui se retrouvent dans les filets du pouvoir et que l’affaire tient d’un règlement de compte entre Hervé Patrick Opiangah et le clan de l’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo. Cet homme a quasiment dirigé le pays depuis 2009. Il a des dossiers, il a des hommes et peut faire mal à tout moment. Quelle sera sa réaction ? Des informations concordantes indiquent que Maixent Accrombessi aurait usé d’un subterfuge – l’AVC – pour quitter le Gabon, à l’heure ou l’horizon d’Ali Bongo s’assombrissait davantage à quelques jours de l’élection présidentielle du 27 août 2016.

Les langues se délient

La famille Bongo Ondimba est, elle-même, divisée. Entre Nkama Joséphine et Emma Rose Ngoulakia, on ne se parle plus. Pascaline Bongo a disparu de la circulation. Bref, les cancans et autres échos de la famille traversent les murs du palais du bord de mer. Les langues commencent à se délier : « Pourquoi Okologo qui a tant donné pour Ali, se demande un cadre du Haut Ogooue à la sortie de Pelisson ? Pourquoi Ngoubou et Ngambia qui ne sont que des seconds couteaux, du menu fretin ? » Pêle-mêle, il cite nommément des parents d’Ali Bongo et certains de ses proches, coupables, selon lui, de détournements de biens de l’Etat et fonds publics qui ne sont guère inquiétés. Le gaillard ajoute, avant de s’engouffrer dans son 4X4 rutilant : « ce qui se passe actuellement n’est qu’une entrée en matière, l’opération vise en priorité les opposants »

« D’ici peu, ce sera au tour de Guy Nzouba Ndama, Alexandre Barro Chambrier, Zacharie Myboto, Jean-François Ntoutoume Emane. Jean Ping et deux de ses fils sont aussi sur la liste, mais Ali hésiterait encore sur leur cas, parce que cela pourrait donner lieu à des sérieux débordements. »

L’information est lâchée. Voilà qui confirme les propos tenus, il y a quelques semaines par Alain Claude Billie By Nze lorsqu’il annonçait – il s’est peut-être oublié – que des enquêtes allaient être menées sur les fortunes de certains opposants. Chacun y va de son analyse. Un PDGiste bon teint qui requiert l’anonymat affirme qu’ « Ali n’est pas dupe. En dépit de l’activisme de René Ndemezo’Obiang, qui lui apporte des bras cassés, il sait qu’aucun dialogue sérieux et crédible ne peut se tenir sans la participation effective des personnalités issues de la galaxie Jean Ping. Raison pour laquelle il envisage sérieusement de mettre aux arrêts quelques poids lourds de l’opposition, une manière habile de prendre quelques otages. » Une telle situation créerait en effet un nouveau rapport de force défavorable aux forces du changement, ce qui conduirait inévitablement l’opposition à négocier la remise en liberté de certains de ses leaders.

Ali Bongo, quant à lui, conditionnerait cette libération à leur participation au dialogue inclusif qu’exigent la France, l’Union Européenne et la communauté internationale. A bien y regarder, le fait de ne pas mettre en place la juridiction d’exception qu’est la Haute Cour de Justice pour juger les anciens ministres, procède de la même stratégie. Ce qui intéresse Ali Bongo c’est surtout la pression qu’il souhaite exercer sur des personnalités de l’opposition qui, aujourd’hui, se montrent intransigeantes. Il est convaincu que si ces leaders sont placés en détention, ils dépendront désormais du prince, donc de son bon vouloir. Selon lui, ils pourront, de ce fait, accepter d’aller à la table de négociation. Les juges actuels, mis à contribution pour réaliser ce dessein, attendront tranquillement que le fruit murisse, c’est à dire l’aboutissement des pourparlers éventuels, notamment l’acceptation de participer au dialogue. Ils pourront alors se déclarer incompétents pour juger les actes commis par d’anciens membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions ministérielles, conformément à l’article 78 de la Constitution. Vraiment cynique !

Auteur : François Ondo Edou

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