Plusieurs sociétés se plaignent de ce que l’Etat, qui est leur principal client, a cessé tout paiement depuis quelques temps. Ce qui ne fait pas tourner l’économie.
Le président de la Confédération patronale du Gabon (Cpg), Jean Bernard Boumah, a profité de la séance de présentation des vœux de nouvel an au président de la République gabonaise, tenue le 4 janvier à Libreville, pour aborder la question difficile du règlement de la dette intérieure de l’Etat.
Jean Bernard Boumah n’a pas manqué l’occasion de rappeler au chef de l’Etat la situation d’étouffement dans laquelle se trouvent les entreprises gabonaises, à cause de la décision du gouvernement de suspendre le paiement de certaines factures dues aux acteurs du secteur privé.
En effet, depuis l’année 2015, le règlement de la dette intérieure de l’Etat gabonais a enregistré des retards récurrents de paiement. Ceux-ci ont créé de graves difficultés de trésorerie au sein de plusieurs entreprises, notamment dans le secteur du bâtiment, engendrant de nombreuses compressions de personnels.
Récemment, le directeur général de la Société d’eau et d’énergie du Gabon (Seeg) révélait par voie de presse que l’entreprise qu’il pilote est en crise à cause de créances non payées par l’Etat d’un montant cumulé de 65 milliards Fcfa sur les trois dernières années.
Règlement de la dette suspendu
Si le ministre de l’Eau et de l’énergie, Guy-Bertrand Mapangou a vivement réagi à cette déclaration, estimant que « l’Etat n’est pas l’unique responsable de cette situation », il n’en demeure pas moins que d’autres sociétés se plaignent de l’insolvabilité des pouvoirs publics. Entreprise chargée de l’enlèvement des ordures ménagères à Libreville et à Port-Gentil, Averda se dit asphyxiée. A l’occasion d’une grève pendant les fêtes de fin d’année 2016, un des responsables a expliqué aux employés que l’Etat ne paie plus les prestations d’Averda depuis 11 mois, ce qui a occasionné le rabaissement des salaires depuis septembre de l’année dernière.
Pourtant, les créanciers nationaux de l’Etat ne s’attendaient pas à entamer la nouvelle année dans la précarité. Un protocole d’accord avait été signé le 25 octobre 2016 entre la Confédération patronale gabonaise (Cpg) et le ministère de l’Economie, avec pour objet principal l’apurement d’une partie de la dette due, pour un montant global de 100 milliards Fcfa. Avec des perspectives d’apurement de toute la dette intérieure sur une période de 5 ans. Mais, quelques semaines seulement après, c’est la désillusion quand le gouvernement décide de suspendre la procédure spéciale de règlement de sa dette aux Petites et moyennes entreprises (Pme).
Négociations avec le PM
Evidemment, l’ensemble des organisations patronales du pays s’en offusquent. Le 26 décembre, par exemple, le Conseil gabonais du patronat (Cgp), conduit par Francis Jean Jacques Evouna, rencontre le ministre de l’Economie Régis Immongault pour s’inquiéter de cette décision. Objectif : bien rappeler au chef du gouvernement le chaos vers lequel cette voie périlleuse vers laquelle seront plongées les entreprises.
L’enjeu est important car le Conseil regroupe 80 entreprises et réclament environ 47 milliards Fcfa à l’Etat.
La même démarche de concertation avec le Pm sera engagée dans les prochains jours par la Cpg de Jean Bernard Boumah, comme il l’a annoncé au palais du Bord de mer mercredi. Pour lui, l’entreprise est un acteur primordial de l’activité économique appelé à développer les stratégies pour booster l’économie au lieu de «s’essouffler à se faire payer» en multipliant «les démarches laborieuses».
FOCAL
Etat-client, un modèle à changer ?
Les difficultés rencontrées par l’Etat gabonais pour régler ses factures à ses créanciers nationaux sont certes justifiées par la conjoncture économique difficile actuelle, mais elles peuvent constituer le point de départ de nouvelles orientations. En effet, l’économie gabonaise a été bâtie depuis des décennies sur un modèle qui veut que l’Etat soit le principal client du secteur privé. En fait, au Gabon, l’Etat est le premier gros investisseur et, donc, le premier client des prestataires de services. D’où l’impasse dans laquelle ces derniers se trouvent lorsqu’il est dans l’impossibilité de régler ses factures.
L’interpellation est donc faite à l’Etat de sortir de cette spirale qui le conduit régulièrement dans une situation de cessation de paiement. Et les pistes sont nombreuses. Comment en effet comprendre que pour l’enlèvement des ordures ménagères, ce soit l’Etat qui paie alors que dans d’autres pays de même niveau de développement, c’est à la charge des communes qui prélèvent, entre autres, des taxes sur l’assainissement urbain ? Pourquoi l’Etat ne pourrait-il pas, par exemple, réformer les entreprises étatiques pour qu’elles soient plus rentables, au lieu de les maintenir en vie à force de doses homéopathiques pour renflouer les caisses ? En somme, ne faudrait-il pas revoir le modèle économique actuel ?