Le gouvernement gabonais compte créer un organisme regroupant la douane et les impôts afin d’optimiser la mobilisation des ressources de l’Etat et assainir les finances publiques. Une perspective contestée par de nombreux acteurs du fait de sa propension à alourdir les procédures.
Le gouvernement gabonais persiste et signe. Bientôt, les services de la douane et des impôts seront regroupés dans une institution dénommée Office des recettes. Le ministre de l’Economie, de la prospective et de la programmation du développement (voir photo) l’a confirmé récemment par voie de média. Régis Immongault explique en effet que le gouvernement envisage la création de cette agence pour« disposer d’une administration fiscale performante, en vue d’une mobilisation optimale des ressources de l’Etat et, partant, l’assainissement de nos finances publiques ».
Il s’agira, poursuit-il, d’engager le Gabon dans des réformes fiscales de deuxième génération. Le gouvernement semble convaincu que ladite réforme va lever les goulots d’étranglement qui plombent le recouvrement des recettes. Parmi ces obstacles qui freinent l’efficacité des administrations fiscale et douanière, on peut citer l’absence d’autonomie de gestion et l’insuffisance des fonds permettant la mise en place d’un système compétitif axé sur les résultats.
Il y a également le cloisonnement de ces deux administrations, ce qui empêche tout développement de synergie pourtant essentielle dans les échanges d’informations et de données afin de lutter efficacement contre la fraude douanière et l’évasion fiscale. Le gouvernement entend, à travers cette réforme, lutter contre la mauvaise gouvernance dans ces administrations où les détournements des recettes sont monnaie courante en raison du faible système de traçabilité.
Effectifs, lourdeurs administratives…
« Cette réforme, le gouvernement compte la faire aboutir », impose le ministre de l’Economie à ce propos. Comme pour donner une réponse définitive à ceux qui estiment que ladite réforme n’est pas opportune et ne pourrait apporter les résultats escomptés. En effet, des contestations quant à la création de cet office sont nombreuses. Dans les services de la douane et des impôts à Libreville, les fonctionnaires s’inquiètent en premier du redéploiement du personnel qui va en suivre. Lors d’une assemblée générale tenue dans la capitale le 9 décembre dernier, l’Intersyndicale des impôts et des douanes s’est inquiétée de ce que cette réforme va entrainer une coupe dans les effectifs. « Ils vont retenir le tiers des agents de chaque administration pour redéployer le reste dans d’autres entités étatiques », s’est plaint le secrétaire général Mbatchi Bayonne.
Mais au-delà du redéploiement redouté par les agents des impôts et les douaniers, d’autres observateurs estiment que cette réforme n’est pas opportune. La principale raison est que la création d’un tel office équivaut à la naissance d’une énième agence, directement rattachée à la présidence de la République, donc qui va échapper au contrôle du système législatif. « Cette agence n’aura pas de compte à rendre au Parlement, alors que les directions générales des impôts et de la douane le faisaient via le ministère de l’Economie », estiment-il. Leurs critiques s’appuient également sur les résultats mi-figue mi-raisin enregistrés par plusieurs agences créées ces dernières années au Gabon. Des doutes pèsent sur l’efficacité de cette structure qui, selon ses détracteurs, pourrait ne pas donner de bons rendements à cause de la lourdeur administrative qui pourrait être engendrée par le jumelage de deux administrations.
Mais, le gouvernement fait fi de tous ces arguments. Pour lui, l’Office des recettes est une bonne réforme. Et les exemples d’autres pays de même niveau de développement l’y encouragent. C’est la raison d’ailleurs pour laquelle une délégation gabonaise a séjourné il y a quelques semaines au Burundi et au Rwanda où de tels organismes ont été mis en place depuis plusieurs années, avec des résultats encourageants en matière de maximisation des recettes de l’Etat. Ce type d’organisme est d’ailleurs prôné par l’Organisation de coopération et de développement économique (Ocde) qui encourage les Etats, depuis 2009, à migrer vers ce mode de gestion des recettes fiscales et douanières.