Jamais, peut-on dire, depuis que le Gabon a accédé à la souveraineté internationale, le pays n’a vécu une période aussi préoccupante au plan social que celle qu’il traverse ces temps derniers. Une crise officiellement justifiée par le mauvais comportement des matières premières et des autres ressources sur le marché de plus en plus concurrentiel. Loin de nous l’idée de reproduire un tableau exhaustif des points d’ombre relevés, nous allons nous employer cependant à en ressortir ce qui, de l’avis général, pourrait retenir, plus que d’autres, l’attention des populations qui attendent toujours que la courbe soit inversée, le plus tôt serait le mieux !
Le Conflit du Logement
S’il est une crise qui ne devrait satisfaire personne, Gouvernement et Populations, c’est bien celle du logement quand l’on tient compte du fait que depuis l’accession d’Ali Bongo Ondimba à la magistrature suprême en 2009, la promesse des 5000 logements par an n’a pas été satisfaite, et est même loin de l’être, si l’on se réfère à la lenteur observée dans la réalisation de ce projet pour le moins futuriste.
Devant les pesanteurs auxquelles doivent quotidiennement faire face les Gabonais qui éprouvent toutes les difficultés du monde à accéder à un logement décent, parfois pas par manque, mais surtout parce que les rares qui leur sont présentés sont trop onéreux et donc bien au-dessus de leurs possibilités financières, ces derniers sont appelés, soit à se loger sans grand choix, soit à « squatter », comme cela est encore le cas pour certains des occupants illégaux des cités d’Angondjé et de Bikélé, opposés jusqu’ici au Ministère de l’Habitat sur les voies de règlement de leur situation, malgré les multiples tentatives menées pour y arriver. Tout le monde semble convaincu que ce ne sera pas sous l’ère Bruno Ben Moubamba, qui a pourtant déclaré la fin des « mapanes » que chaque Gabonais accèdera à un logement décent. Tel parait donc être l’un des plus grands défis que les gouvernements gabonais de tous les temps devront avoir à cœur de relever, s’ils veulent éviter, comme toutes les années dans le secteur Education, la grogne des Populations.
Les inondations d’Angondjé
Conséquence du comportement des Populations riveraines accusées à tort ou à travers par les autorités de boucher en y déversant des produits ménagers destinés à la destruction, dans les différents cours d’eau, ce qui ne facilite plus la circulation des eaux et provoque à la longue des débordements, lesdits cours d’eau sortant de leur lit ou du manque de sérieux des gouvernants qui ont, comme d’habitude, laissé des gens s’installer sans prendre soin au préalable de viabiliser comme promis des temps avant les espaces habitables.
Mais, il faut reconnaître que dans l’un ou dans l’autre cas, les effets restent les mêmes, avec ceci de particulier ici que cela se passe dans une zone « enviée » du citoyen d’autres secteurs d’habitation, surtout ceux qualifiés de sous-intégrés, au sens où tous les Gabonais qui pensent qu’Angondjé est synonyme de paradis sur terre, auraient voulu accéder à un logement dans cette région nord de la capitale gabonaise où l’on retrouve en masse de gros bonnets. Peut-être la raison pour laquelle, on y met beaucoup plus de méticulosité qu’ailleurs en matière de logement et de services, nous pensons à la conduite de l’eau et à l’installation du réseau électrique. Une fois de plus malheureusement, la négligence des uns et des autres, si ce n’est celle du Gouvernement, a conduit des Populations de divers statuts sociaux à vivre pendant des jours les pieds dans l’eau, obligées qu’elles ont été d’aller en quête d’autres habitations, parfois en dehors de leur zone de prédilection.
Les crises multisectorielles
A commencer par celle de l’Education qui conditionne le bien-être et le développement d’une société, car ce secteur constitue, à n’en point douter, celui qui se situe à la base et sur lequel repose de ce simple fait tous les autres liés à l’activité humaine. Alors que sous d’autres cieux, l’école a commencé depuis, au Gabon, elle ouvre graduellement à en juger par la décision du ministère de tutelle qui a fait reprendre aux établissements privés le chemin des classes avant les publics qui peinent jusqu’à ce jour, à effectivement réunir les conditions pour une reprise comme souhaitée.
L’on constate d’ailleurs que plusieurs écoles ou lycées fonctionnent au ralenti, pour cause de grève des syndicats de l’enseignement, Conasysed et Sena en tête, qui réclament en dehors de l’amélioration des conditions de vie et de travail, l’apurement par les autorités gouvernementales des dettes afférentes à la Prime d’incitation à la fonction enseignante, Pif, et la Prime d’incitation à la performance, PIP, due à l’ensemble des agents de l’Etat. Le Snec, Syndicat national des enseignants et chercheurs, de l’enseignement supérieur, lui aussi, menace, pour des raisons presque similaires, de débrayer. C’est donc dire qu’il y a du feu dans l’air. Regrettable, puisque ce ne sera pas la première fois qu’un tel scénario viendra à se produire, les mouvements d’humeur dans ce secteur sensible étant à répétition et les mêmes causes produisant les mêmes effets.
A la grève du secteur Education, il faut greffer celle, non moins importante, des Magistrats et des Greffiers qui a pour principale conséquence d’entrainer un ralentissement quand ce n’est pas un abandon des procédures, parmi lesquelles celles jugées urgentes. Les professionnels de la magistrature accusent l’Exécutif nommément pointé du doigt, de vouloir l’embrigader et d’outrepasser leurs prérogatives, fort de ce qu’il trône au-dessus du Conseil national de la Magistrature, ce qui confère des pouvoirs allant jusqu’à la nomination de cadres dans ce secteur hautement stratégique. Jusqu’à quand cela va-t-il durer se demandent magistrats et autres greffiers.
Nous ne saurions passer sous silence la situation qui prévaut à Gabon Poste, victime de la gabegie et de la mauvaise gouvernance de ses responsables, gabegie et mauvaise gouvernance sans doute partagées avec les plus hautes autorités du pays comme cela transpire des lectures officieuses d’un livre à paraître de l’ancien patron de la Poste gabonaise, Alfred Mabika Mouyama, dans lequel l’auteur aurait souligné des énormités imputables au pouvoir et à la machine Pdg, Parti Démocratique Gabonais, qui l’incarne.
Pendant ce temps, les postiers, eux, se contentent de subir leur triste sort, ne sachant pas de quoi demain sera fait par ces temps d’incertitude quasi-généralisée, marqués par des licenciements massifs, surtout, signe que la crise est réelle, du côté de Port- Gentil, la capitale économique, qui traverse les pires moments de son histoire avec l’assèchement des puits de pétrole doublée de la mévente de l’or noir sur le marché international, présentée comme la principale cause des ennuis que connaissent les Gabonais.
Crise quand tu nous tiens, c’est le cas de le dire quand on a comme l’impression que celle de l’Education, parce que liée par sa nature aux autres, a fini par faire boule de neige.
Tenez ! Dans le secteur de la Communication « Trop, c’est trop » semblent se dire les professionnels associés dans le cadre d’une Fédération à ceux de la Culture. Ici, les retards dans le paiement des salaires et des primes, ainsi que les conditions de vie et de travail, ce qui n’est pas un leurre, ont déclenché un vaste mouvement d’humeur, même s’il faut reconnaître que des discussions sont engagées en commissions avec les autorités compétentes pour tenter, selon leurs propres affirmations, de trouver des solutions pérennes aux différents problèmes que connaissent ces Gabonais.
Et ce n’est pas parce que nous épargnons volontairement, mais pour combien de temps encore, la Santé, elle aussi, pourtant affectée par les mêmes maux que nous devions faire dans la langue de bois. Selon les commentaires recueillis ci et là en dedans comme en dehors des institutions hospitalières, il nous revient que si celles-ci ont souvent connu une cure de jouvence, il n’en n’est rien ou presque de leur dotation en matériels, ici appelées plateaux techniques, contrairement à la rumeur répandue, et en médicaments. De quoi inquiéter tout le monde, personnels soignants et usagers parmi lesquels les patients.
La récurrente question du Panier de la ménagère
L’un des baromètres sur lesquels est incontestablement jugé un régime, pour ne pas dire un Etat dont les représentants sont en dehors de son chef, les membres du Gouvernement, chargés de mettre en musique le projet de société de ce dernier. Tout Gabonais a à l’esprit cette formule d’une adresse à la nation d’Ali Bongo Ondimba qui affirmait à l’occasion qu’il ne serait heureux que lorsque les Gabonais le seraient et tout le monde peut être d’accord sur le fait que le bonheur, même s’il représente un idéal, n’est réalisable que lorsque l’Homme se porte d’abord bien au sens où il ne manque pas du minimum vital.
Or, pour que cela se traduise dans les faits, il faut qu’il soit mis dans un premier temps dans des conditions qui lui permettent d’accéder à la prospérité par la consommation. Inutile d’avancer que personne ne peut avoir accès aux produits de consommation s’il n’est doté d’un pouvoir d’achat. Tel est cependant le constat que l’on dresse à la vue de la majeure partie des Gabonais qui souffrent le martyr, ce n’est pas être mauvaise langue que de le dire, car même des organismes internationaux l’ont confirmé sur la base de l’indice de développement humain, le fameux IDH. Il reste indiscutablement beaucoup à faire dans ce domaine, bien malin qui défendra la thèse contraire.
Le chômage
En dehors de statistiques officielles, ce qui semble être un tort, si l’on tient à ce que gouverner, c’est prévoir, il nous est difficile d’avancer avec précision le chiffre exact des personnes ayant perdu un emploi ou qui en sont en quête. Toutefois, il est plausible de reconnaître pour le vivre qu’ils sont de plus en plus nombreux, les jeunes Gabonais privés aujourd’hui d’emploi dans les grands foyers industriels qui débauchent à tour de bras, c’est un secret de polichinelle et sont en train de maintenir la cadence au vue de la détérioration du tissu économique visible même depuis l’œil du non-économiste.
Les déflatés n’ont pour la plupart pas plusieurs cordes à leur arc et ce n’est pas l’initiative « un jeune, un métier » qui viendrait régler leur problème qui réside dans un réel redéploiement en guise de reconversion, ce qui, vous vous en doutez, recommande que les autorités mettent en place des stratégies pour le moins coûteuses et s’attaquent aux questions sensibles liées aux mesures d’accompagnement pour des personnels qui ont passé le plus clair de leur temps à l’abri du besoin.
Face à cette question épineuse du chômage, le gouvernement ne peut pas faire la politique de l’autruche. Bien qu’elle soit en partie conjoncturelle, elle peut également trouver une explication dans les politiques prévisionnistes mises en place, peut-être pas avec l’efficacité souhaitée, par les autorités qui doivent batailler dur pour oser affronter le futur avec plus de sérénité, à la grande satisfaction des populations qui attendent beaucoup d’elles en cette période déclarée « d’égalité des chances » et alors qu’il leur est promis l’émergence qui ne peut voir le jour sans la satisfaction d’un certain nombre de préalables.
La crise des mentalités
Elle est certes celle dont l’on parle avec insistance, mais elle est celle à laquelle on semble ne pas faire suffisamment attention, en vue de lui trouver solution instamment. Et pourtant, tout le monde est convaincu, au regard de son importance capitale, que de son règlement dépend celui de bien d’autres problèmes, tant la société s’identifie aux hommes qui la peuplent.
Pour que l’on se rende compte du peu de place qui est accordé au règlement de cette crise, identifions simplement le rôle dévolu ou joué aujourd’hui par la Direction générale de l’Education Populaire qui, dans les temps anciens, dans les années 70 par exemple, jouait un rôle de premier plan dans l’éveil des consciences et la construction de l’esprit civique, tous deux relégués de nos jours d’un point de vue pratique, au second plan. Ce qui peut en partie expliquer la permissivité observée dans les comportements affichés par les jeunes notamment qui représentent cependant l’avenir du pays, point n’est besoin de le relever.
Ceci expliquant cela, des dérives sont sans cesse vécues par rapport aux actes posés quotidiennement par cette frange de la population au grand dam des conservateurs, ceux chez qui la culture a encore un sens, alors qu’une bonne partie de Gabonais impute lesdites dérives abusivement très certainement, à une certaine évolution prenant en compte des données comme les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, Ntic, à cause ou grâce auxquelles le village planétaire du canadien Marshall Mac Luhan impose ses vues et ses modes d’expression à tous les enfants de la planète. Est-ce suffisant se demandent les sociologues pour déduire que toutes les sociétés soient réduites à adopter les mêmes schémas culturels ? Sachant que la culture est, comme la définissait François Sagan, ce qui reste quand on a tout oublié.
Le Gabonais qui ne manque pas d’éléments culturels, gagnerait à s’inspirer des peuples ouest-africains ou japonais qui ont réussi le pari de valoriser leurs idiomes et leurs us et coutumes. Sans aller dans les détails, l’on sait, pour que cela ne soit plus expliquer, qu’aujourd’hui fusionnent chez nous des comportements et des modes à la limite du scandaleux qui méritent d’être contrôlés et réprimés, parce que n’entrant pas dans notre corpus culturel, mais surtout venant le détruire. D’où la question qui est posée de savoir qu’allons- nous légué à la postérité ?
Crise de confiance
La conséquence, la principale de tout ce qui précède, c’est bien la crise de confiance qui semble s’être durablement installée entre Populations et Dirigeants que les premières croient incapables d’honorer leurs engagements, du moins pour l’heure, convaincues qu’elles sont d’avoir affaire à de bons diseurs, mais pas de bons faiseurs. Certes dans leur discours, les incriminés disent leur volonté de faire du Gabon un pays émergent à l’orée 2025, mais les moyens dont ils disposent sont-ils à la hauteur des attentes ? Ce d’autant plus que cela exige un exercice de fond concernant la refonte des comportements qui devrait se solder par l’adoption d’un instinct beaucoup plus patriotique, régalien et altruiste.
Il faut s’interroger au-delà sur ce que pourrait devenir l’expression populaire circonscrite en Etat de droit, si et seulement si le constat restait pour longtemps encore le même. Histoire de dire qu’est-ce que les Gabonais continueront à adopter la même attitude s’ils sont de plus en plus convaincus que leurs complaintes du moment laissent ceux à qui elles s’adressent indifférents ? Des exemples venant d’ailleurs suffisent à nous édifier sur le sens de cette question.