L’Algérie accueillera une importante rencontre du 3 au 5 décembre 2016 (nous ne manquerons pas de vous tenir informés des accords issus de ce forum) afin de permettre à la fois une prise de conscience de la stabilité politique de l’Afrique sans laquelle aucun développement ne peut se réaliser, des échanges intra-africains plus accrus, supposant forcément des sous-intégrations régionales et parallèlement aux entreprises algériennes d’exporter vers l’Afrique. Le commerce interafricain n’est que de 15% sur tout le continent, les échanges intermaghrébins représentant également moins de 3%. Il faut être réaliste, cela suppose l’émergence d’entreprises algériennes compétitives en termes de coût-qualité, en termes d’avantages comparatifs mondiaux, car en 2016, 97%-98% des exportations algériennes directement et avec les dérivés proviennent des hydrocarbures.
C’est une initiative louable, rentrant dans le cadre de l’urgence d’une nouvelle politique socio-économique 2017/2020, loin d’une économie rentière, et du redéploiement de la diplomatie économique algérienne, l’avenir de l’Algérie étant en Afrique. L’Afrique couvre 30,353 millions de km2. La population est passée de 966 millions d’habitants en 2009 à plus de 1 075 millions, mais sept pays regroupent 51% de la population. En 2020, la population africaine devrait passer à 1,3 milliard et à 2 milliards en 2040. Rappelons que déjà, le 23 octobre 2001, au Sommet de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) qui s’est tenu à Abuja, trois chefs d’Etat africains, constatant l’échec de tous les efforts fournis en matière de développement en Afrique, ont pris l’initiative de proposer une nouvelle approche dans le traitement des problèmes que vit le continent.
Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique
Cette initiative a été une synthèse entre deux plans : celui de l’Algérie et de l’Afrique du Sud appelé « Millenium African Plan » (MAP) et celui du Sénégal, dénommé plan Omega. Ces deux plans sont fusionnés pour donner la « Nouvelle initiative africaine » (NIA). La NIA prendra plus tard le nom de « Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique » ou Nepad (de l’anglais « New Partnership for African Development »). Le Nepad avait été conçu pour faire face aux difficultés que connaît le continent africain actuellement. L’objectif au départ du Nepad était par exemple de résoudre le problème de l’eau et de l’énergie. L’enjeu du développement de l’agriculture qui devait reposer plus sur les cultures vivrières est un enjeu majeur du continent. Force est de constater que le bilan du Nepad est mitigé.
Malgré cette diversité et ses importantes potentialités, l’Afrique est marginalisée au sein de l’économie mondiale, mais existe avec un avenir prometteur comme l’attestent la majorité des rapports internationaux. Pour l’instant, selon l’Ires de Paris, l’Afrique représente seulement 1,5% du PIB mondial, 2% du commerce mondial et 2% à 3% des investissements directs étrangers. Selon un rapport de la Banque africaine de développement (BAD-2013), le commerce interafricain n’est que de 15% sur tout le continent, les échanges intermaghrébins représentant également moins de 3%. Les raisons de cette situation sont multiples : manque de capitaux, d’infrastructures et mauvaise gouvernance. Sans compter les taxes douanières qui coûtent très cher. Tous ces problèmes de logistiques associés au manque de compétence des ressources humaines constituent un sérieux frein à la fluidité des échanges alors qu’une entreprise a besoin d’une main-d’œuvre qualifiée.
Une nouvelle gouvernance s’impose
Certes, des organisations telles que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ou la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC) existent. Mais plusieurs dissensions entravent leur bon fonctionnement. Il existe par ailleurs la barrière de la langue et de la culture entre les pays des zones francophone et anglophone qui ne facilite pas le développement de l’intégration régionale. Se pose essentiellement le problème de la sécurité et de la stabilité des Etats qui doivent se fonder sur des valeurs démocratiques. Nous avons assisté dans la région à de profondes mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen, avec des conséquences pour la région. Et surtout l’importance du poids de l’informel en Afrique, produit de la bureaucratie paralysante qui favorise la corruption, variant selon les pays, mais dépassant d’une manière générale 50% à 60% de la superficie économique. Pour certains pays, cette sphère emploie plus de 70% de la main-d’œuvre.
Selon le Bureau international du travail (BIT), ce secteur fournit 72% des emplois en Afrique subsaharienne, dont 93% des nouveaux emplois créés, en comparaison du secteur formel qui n’emploie que près de 10% des actifs sur le continent. Au Maghreb (voir notre étude réalisée sous ma direction pour l’Institut français des relations internationales, Paris -IFI décembre 2013, la sphère informelle au Maghreb), elle dépasse les 50% de la superficie économique et emploie plus de 30% de la population active. Aussi, pour analyser les blocages en Afrique, on ne peut isoler les facteurs économiques des facteurs politiques. Le rapport conjoint BAD-GFI diffusé le 29 mai 2013 met en relief le fait que l’Afrique a pâti de sorties nettes de fonds de l’ordre de 597 milliards de dollars à 1400 milliards de dollars, entre 1980 et 2009, après ajustement des transferts nets enregistrés pour les flux financiers sortants frauduleux, et que la fuite des ressources hors de l’Afrique au cours des 30 dernières années – l’équivalent du PIB actuel de l’Afrique – freine le décollage du continent.
Ainsi, les dirigeants africains portent une lourde responsabilité devant leur population et doivent favoriser l’Etat de droit, la bonne gouvernance, donc la lutte contre la corruption et les mentalités tribales, la protection des droits de l’homme et s’engager résolument dans la réforme globale, donc la démocratisation de leur société tenant compte de l’anthropologie culturelle évitant de plaquer des schémas déconnectés des réalités sociales. Le développement de l’Afrique sera profitable à l’ensemble des autres espaces économiques évitant cette migration clandestine avec des milliers de morts.
Dans le cas contraire, il est à craindre des crises politiques à répétition. Bon nombre de citoyens africains traversent une crise morale du fait du manque de valeurs au niveau du leadership avec le danger d’une polarisation de la société. Le fossé entre les riches et les pauvres devient de plus en plus grand. L’écart de revenus renforce les inégalités en matière de richesse, d’éducation, de santé et de mobilité sociale. Je mets en garde contre les conséquences pernicieuses du chômage. Cependant, évitons la sinistrose, car malgré des conflits, nous enregistrons récemment une prise de conscience des citoyens africains et de certains dirigeants de l’urgence d’une nouvelle gouvernance et de l’urgence de la valorisation de l’économie de la connaissance. Or, une enquête menée en 2012 par l’UA/Nepad dans 19 pays africains montre que seuls le Malawi, l’Ouganda et l’Afrique du Sud investissent plus de 1% de leur PIB dans la recherche-développement (R-D), contre 0,2% à 0,5% pour les autres.
Rivalité Etats-Unis-Europe-Chine
Le rapport précité de l’Unesco souligne que l’Afrique ne consacre que 0,3% du PIB en moyenne à la R-D. C’est sept fois moins que l’investissement réalisé dans les pays industrialisés. Pourtant, l’Afrique est un grand enjeu géostratégique. C’est ce qui explique que parallèlement au sommet des chefs d’Etat, se sont tenus entre 2009 et 2016 plusieurs forums économiques regroupant plusieurs centaines de personnalités africaines avec l’ensemble des dirigeants des pays développés et des pays émergents, afin de dynamiser le développement de l’Afrique dans le cadre de co-partenariats et des co-localisations. Les différentes rencontres avec les grands pays sur l’avenir de l’Afrique montrent surtout la rivalité du couple Etats-Unis/Europe-Chine pour le contrôle économique de ce continent vital. L’erreur fatale serait d’opposer en ce XXIe siècle les Etats-Unis et l’Europe qui ont le même objectif stratégique, bien qu’existant certaines rivalités tactiques de court terme, la stratégie des firmes transnationales tendant à atténuer les divergences et uniformiser les relations internationales. Ainsi, l’Afrique, pour peu que les dirigeants dépassent leurs visions étroites d’une autre époque, a toutes les potentialités pour devenir un grand continent avec une influence économique dans la mesure où, en ce XXIe siècle, l’ère des micro-Etats est révolue et que la puissance militaire est déterminée par la puissance économique.
Pour cela, des stratégies d’adaptation au nouveau monde sont nécessaires pour l’Afrique, étant multiples, nationales, régionales ou globales, mettant en compétition/confrontation des acteurs de dimensions et de puissances différentes et inégales. Le continent Afrique est un enjeu géostratégique majeur au XXIe siècle avec plus de 25% de la population mondiale à l’horizon 2030/2040. L’Afrique a les potentialités de son développement, du fait d’importantes ressources naturelles non exploitées, et surtout sa ressource humaine sous réserve d’une meilleure gouvernance et d’intégrations sous-régionales. Face aux bouleversements géostratégiques, l’Afrique est appelée à se déterminer par rapport à des questions cruciales et à relever des défis dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils dépassent en importance et en ampleur les défis qu’elle a eus à relever jusqu’à présent. Mais avant tout, l’Afrique sera ce que les Africains voudront qu’elle soit.
Ainsi, dans la structure des exportations algériennes, les hydrocarbures continuent à représenter l’essentiel des ventes à l’étranger. En 2015, ils représentent 94,54% du volume global des exportations. Pour les six mois de 2016 (93,55%), nous avons une petite amélioration en pourcentage, mais une importante baisse en valeur globale. Si on inclut les dérivés d’hydrocarbures, nous aurons plus de 97% provenant des hydrocarbures. Le secteur en est privé actuellement du fait des contraintes participant aux entrées de devises pour moins de 2%.
Environ 70% des besoins des ménages et des entreprises dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% sont importés, que 83% de la superficie économique est dominée par le petit commerce/services et que la sphère informelle marchande dominante contrôle plus de 40% de la masse monétaire en circulation tissant des liens dialectiques avec la logique rentière. Selon l’ONS, 83% de la superficie économique est constituée de petits commerces-services. Le secteur industriel représente moins de 5% du PIB et sur ces 5% environ 95% sont des PMI/PME peu initiées au management et à l’innovation, alors que s’imposent des innovations technologiques impliquant un investissement massif dans la recherche développement, le capital argent n’étant qu’un moyen ne créant pas de richesses. Afin que les opérateurs algériens puissent pénétrer le marché africain, l’Algérie devra remplir sept conditions par des stratégies d’adaptation, loin des schémas périmés – tout en vous rappelant la tenue les années passées des sommets USA/Afrique, Europe/Afrique, Japon/Afrique, Chine/Afrique, Turquie/Afrique, etc.