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Report des législatives : Encore et toujours des interrogations
Publié le lundi 5 decembre 2016  |  Gabon Review
La
© Autre presse par DR
La Cour constitutionnelle
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Ne pas motiver ses décisions en s’abritant derrière l’article 92 de la Constitution ne revient pas à faciliter leur compréhension et leur application, mais à promouvoir l’idée de connivence institutionnelle. La Cour constitutionnelle devrait le comprendre et se résoudre à s’expliquer.

Le débat sur la tenue à date des législatives n’a pas eu lieu. Il a été escamoté par l’aphonie volontaire de la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) et de l’ensemble des institutions en charge des élections. Au final, il a été étouffé par un invariant de la vie politique national : la connivence institutionnelle. En décidant, à la hussarde, du report de ces élections pour juillet prochain, la Cour constitutionnelle a ravivé un autre débat: celui sur son mandat réel.

Régulièrement mise en cause, accusée d’être un écueil majeur à la démocratisation du pays, cette institution est regardée de travers par une bonne partie de l’opinion. Une fois encore, elle n’a nullement déjoué les pronostics. De manière fort brillante, sa dernière décision vient conforter le point de vue de ses détracteurs. Comme annoncé par la rumeur, elle a décidé de reporter les législatives après la Coupe d’Afrique des nations (Can). Conformément aux pronostics entendus dans tous les bistrots du pays, elle a prorogé la législature actuelle de six mois, les plaçant même «au plus tard en juillet 2017», c’est-à-dire à l’orée des vacances scolaires, période propice à la transhumance électorale. Or, par la bande, l’opinion était déjà informée de la tenue des législatives en juin prochain. Indubitablement, la décision de la Cour constitutionnelle apporte de l’eau au moulin des sceptiques, conforte la position des tenants de la défiance institutionnelle.

Arguments spécieux

Pour justifier sa décision, la Cour constitutionnelle a avancé des arguments spécieux. Elle a argué des «difficultés financières ainsi que (de) la prise en charge, dans l’urgence, des dépenses imprévues consécutives aux violences enregistrées à l’issue de l’élection du président de la République du 27 août 2016». Seulement, les législatives sont une échéance constitutionnelle. Elles sont prévues cinq ans à l’avance et budgétisées. Leur inscription dans la loi de finances se fait conformément aux principes d’annualité, de sincérité et de spécialité. Pourquoi une dépense prévue et à laquelle des recettes sont affectées doit être exécutée en juin/juillet et pas en janvier/février ? Du fait «des dépenses consécutives aux violences enregistrées à l’issue de l’élection du 27 août 2016» ? En raison des tensions de trésorerie ? Soit ! Mais gouverner c’est prévoir. Mieux, il existe des instruments financiers pour faire face à ce type de situation. Pourquoi ne pas contraindre le gouvernement à un redéploiement budgétaire ?

La Cour constitutionnelle devrait répondre à ces interrogations. Elle devrait dire quand a-t-elle été saisie par le gouvernement et pourquoi cette saisine s’est-elle faite dans la confidentialité. Elle serait plus crédible en brandissant le rapport de l’évaluation financière des émeutes post-électorales. Elle serait plus audible si elle motivait sa décision en indiquant quand a-t-elle auditionné les ministres en charge des finances, des infrastructures, de l’économie et de l’intérieur. Sans ces éclaircissements, en absence de réponses à ces questions, sa décision sera perçue comme une bouée de sauvetage pour la majorité. L’opinion publique aurait alors beau jeu de dénoncer une nouvelle entourloupe de la «Tour de Pise». Par voie de conséquence, une éventuelle victoire de la majorité aux prochaines législatives serait vécue comme la résultante d’une connivence institutionnelle.

Évaluation du contexte

Les juges constitutionnels ont-ils procédé à une évaluation du contexte politique et sociologique avant de rendre leur décision ? Ont-ils pris en compte le discrédit populaire dont souffre leur institution ? Ont-ils appliqué les règles et procédures valables en pareille circonstance ? En l’état actuel des choses, rien ne permet de l’affirmer. Tout milite plutôt pour une lecture orientée, politique, voire politicienne des événements. Si des preuves irréfutables attestent du respect des procédures, la décision de la Cour constitutionnelle pourrait être tenue pour claire et conforme. Si l’existence d’un authentique «cas de force majeur» est objectivement vérifié, elle deviendrait intelligible et recevable. Autrement, elle suscitera encore et toujours des interrogations voire la controverse.

La Cour constitutionnelle se prêtera-t-elle à l’exigence d’explication si ce n’est de reddition de comptes ? Nul ne le croit. On la voit même déjà brandir son arme ultime, celle au nom de laquelle elle s’autorise tout : l’article 92 de la Constitution. Non seulement l’inexistence des voies de recours lui donne des ailes mais en plus, elle est certaine d’imposer sa décision. Son attitude peut être interprétée comme l’expression d’un désir de dicter sa loi et non d’une volonté de dire le droit. Jamais, elle n’a accepté de se justifier ou reconnu s’être trompée. Or, au-delà de l’interprétation littérale des textes, ses décisions doivent être comprises et acceptées par tous. La compréhension d’une décision contribue toujours à en faciliter l’application. Les juges constitutionnels doivent le savoir. Même s’ils ont tendance à agir au gré de leurs intérêts, ils sont théoriquement au service de l’intérêt général. En principe, ils agissent au nom du peuple.

Rendre justice et se rendre justice

Motiver sa décision ne retirerait rien à l’extravagant pouvoir de la Cour constitutionnelle. Ne pouvant empêcher le report des législatives, cette entreprise aurait simplement le mérite de la soumettre à une exigence démocratique élémentaire : la transparence. Au-delà, elle rendrait ce report légitime. Il en découlerait même une compréhension partagée, propédeutique à la restauration de l’image de la haute juridiction. Malheureusement, cette urgence semble bien éloignée des préoccupations de ses membres. À leurs yeux, le simple fait d’avoir rendu une décision suffit à clore tout débat. À aucun moment, ils ne se sentent en devoir de s’expliquer, se justifier ou rendre des comptes au peuple souverain. Inconsciemment, ils assimilent la loi au droit. Mécaniquement, ils confondent le pouvoir de rendre justice au pouvoir de se rendre justice. Est-ce bien constitutionnel ?
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