C’est à y perdre son latin… Selon le ministre de l’Intérieur, la Cour constitutionnelle a pris, le 22 novembre 2016, la décision d’accepter que les élections législatives soient reportées à juillet 2017 au plus tard, conformément à la saisine du gouvernement. Pourtant, le 29 novembre dernier, le porte-parole du gouvernement affirmait que «la prévision budgétaire liée aux législatives était disponible», mais que le pouvoir était favorable à l’organisation du dialogue avant les élections. Mieux, le ministre de l’Intérieur disait, quelques jours après le 22 novembre, que tout est prêt pour aller aux législatives, «la liste électorale qui a servi lors de la présidentielle va servir pour les élections des députés».
Alors, qui ment ? Pour le porte-parole du gouvernement, «la prévision budgétaire est disponible». Pour le ministre de l’Intérieur, «la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) affirme être dans l’impossibilité d’organiser les élections législatives en ce mois de décembre 2016 en raison de l’insuffisance des dotations budgétaires prévues à cet effet».
Bilie-By-Nzé – Matha : deuxième couac gouvernemental
Visiblement, le gouvernement Issoze Ngondet ne parle pas d’une même voix et multiplie, de ce fait, les couacs. Quand le ministre de la Communication et Porte-parole affirme que les finances sont prêtes, celui de l’Intérieur indique qu’il y a insuffisance de dotations budgétaires. De la cacophonie ! Ces deux membres du gouvernement n’en sont pas à une contradiction près. Début novembre déjà, leurs points de vue avaient divergé lors de la «descente musclée» des éléments de la DGDI au siège du groupe de presse Nord Editions. En tout cas, on note que, lors de leurs déclarations intervenues après le 22 novembre, les deux ministres n’ont évoqué ni la décision n°64/CC prise par la Cour constitutionnelle le 22 novembre, ni même simplement la saisine de la Cour constitutionnelle par le gouvernement «aux fins de reporter les élections, en raison de l’insuffisance des dotations budgétaires».
La Cour constitutionnelle s’est-elle rendue coupable d’une décision anti-datée ?
Dès lors, de nombreux observateurs de la vie politique gabonaise se demandent si la haute juridiction n’a pas pris une décision anti-datée, le gouvernement n’ayant jamais évoqué, ces derniers jours, sa saisine de la Cour constitutionnelle. Le gouvernement veut peut-être convaincre l’opinion et les acteurs politiques qu’il a saisi la Cour constitutionnelle suffisamment à temps, et non, comme le pensent certains leaders politiques, «au pied levé», c’est-à-dire début décembre.
Le sentiment généralement observé dans l’opinion, jusqu’à ce que le gouvernement vienne expliquer pourquoi il a dit dans un premier temps par son Porte-parole que la ressource financière pour organiser les élections législatives dans les délais est disponible, puis dans un second temps, par son ministre de l’Intérieur, que les dotations budgétaires pour les organiser étaient insuffisantes, est que dans la chaîne des responsables ayant mené au report des élections législatives, il y a quelque chose qui cloche, il y a comme une odeur d’entourloupe juridique, en plus de la cacophonie entretenue par le Porte-parole du gouvernement et le ministre de l’Intérieur. Pourquoi, l’un et l’autre n’ont-ils jamais évoqué la saisine antérieure, par le Premier ministre, de la Cour constitutionnelle. La décision de celle-ci, datée du 22 novembre et portant la référence 64/CC, a tout l’air d’avoir été signée non pas le 22 novembre, mais bien plusieurs jours plus tard.
«En fait, si la Cour constitutionnelle se rend coupable de décisions anti-datées, c’est qu’il n’y a plus d’État de droit, et peut-être même plus d’État», estime un ancien diplomate à la retraite. Certains observateurs veulent en effet encore croire à l’honorabilité et à la dignité de la haute juridiction constitutionnelle…