La situation socio-politique et économique du pays est-elle vraiment sous contrôle ? Avec aplomb et une mauvaise foi consommée, les propagandistes du gouvernement y répondent par l’affirmative. Sur tous les toits et tous les tons, ils y vont de leur optimisme débridé et de leurs certitudes éculées. Mais, leur stratégie se décrypte aisément : se montrer flegmatiques, vendre l’espoir en espérant voir le temps faire son œuvre. Comme toujours en pareille circonstance, ils tombent dans le déni de réalité. Comme d’habitude, ils éludent le fond des débats. Comme souvent, ils fuient leurs responsabilités, espérant s’en tirer à l’usure.
Inquiétante situation générale
Et pourtant, c’est une évidence : depuis la dernière présidentielle, le pays est coupé en deux. Tout le monde le voit et le reconnaît. Tout le monde ressent l’existence d’une crise multiforme. A des degrés divers, chacun en fait les frais. Mais, certains sectateurs continuent de nier l’évidence, aveuglés par la perspective de conserver ou conquérir des privilèges. Dans leur argumentation, tout n’est évidemment pas faux. Après une période d’incertitude totale, l’école a repris cahin-caha. Même si ses animateurs se contentent juste de faire acte de présence, l’administration centrale donne l’impression de fonctionner. Il en va de même pour les entreprises, néanmoins ébranlées par le non-paiement de la dette intérieure et engagées dans des plans de licenciement économique à la chaîne.
Néanmoins, au-delà des apparences, la situation générale est inquiétante à plus d’un titre. Les libertés individuelles sont bafouées comme jamais. L’unité de la nation est mise à mal par la singularisation politicienne de la province du Haut-Ogooué. Les forces de défense et de sécurité sont décrites comme des ennemis du peuple. La justice suscite méfiance et mépris… Comme si le 31 août 2016 n’était pas passé par là, certains s’efforcent d’emboucher de nouveau la trompette du triomphe de l’émergence à la gabonaise, au risque de tomber dans la provocation ! A la manière de Néron durant le grand incendie de Rome, ils chantent et dansent, promettant même du pain et un toit aux démunis. Ils fanfaronnent, bombent le torse et, soufflent sur les braises de l’intolérance. Si cette attitude leur permet de faire diversion et se victimiser, elle ne masque guère le fond du débat : le bilan peu reluisant du mandat échu et les conséquences à long terme de la dernière présidentielle sur notre Etat, notre République et notre nation.
Restaurer la souveraineté populaire
La majorité au pouvoir doit prendre la mesure de la situation. Elle doit réfléchir aux incidences des «anomalies évidentes» dénoncées par l’Union européenne durant la dernière présidentielle. Elle doit mettre en perspective les constations et conclusions du pré-rapport des experts de l’Union africaine. Il n’est nullement question d’arrêter le temps au 27 août 2016. Il s’agit de redonner à nos institutions la crédibilité nécessaire à leur action. Et pour cause : si elles ont déjà vidé le contentieux électoral, le débat sur leur respectabilité, aux plans national et international, reste entier. Pis, leur capacité à contribuer au renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit, de manière à assurer le mieux-être des populations, est sujette à caution.
Les dirigeants de la majorité ne peuvent plus continuer à contraindre les populations à jouer à Colin-maillard avec les institutions. C’est puéril et contre-productif. Ils doivent regarder la vérité en face, assumer leurs responsabilités et envisager les voies et moyens de restaurer la souveraineté populaire. Au lieu de s’obstiner à nier la réalité sociologique, ou de multiplier les rodomontades, ils gagneraient à réfléchir à la reconstruction de notre vivre ensemble. Même s’ils sont davantage mus par la défense d’intérêts personnels et la crainte de devoir rendre des comptes, ils doivent bien se résoudre à songer à notre communauté de destin. L’exercice des responsabilités publiques exige de la lucidité et du courage. La période actuelle et les défis du futur commandent de s’y tenir et non s’adonner à la méthode Coué. Il faut entendre la clameur populaire et s’efforcer d’y répondre. Manifestement, ce n’est pas le plus facile à faire…