Indubitablement, la dernière élection présidentielle aura été un des ressorts du réveil audacieux du peuple gabonais. Une révolution payée au prix fort sur laquelle la muse pamphlétaire de Gabonreview revient longuement, avec son truculent franc-parler déjà légendaire.
Il était une fois… le réveil du peuple gabonais. Il ne s’est pas fait soudainement, il s’est fait insidieusement, même ceux qui ne calculaient plus le Gabon, même ceux qui l’ont quitté depuis plus de 15 ans, même ceux qui ont obtenu une autre nationalité… même ceux qui se disaient que seul Dieu aura le dernier mot, ont ressenti en eux quelque chose.
Quelque chose d’inexplicable s’est produite, à un moment ou à un autre, d’une manière ou d’une autre. Il y a ceux qui criaient déjà depuis plusieurs années, animés, révoltés, pourchassés par leur volonté de changement véritable et… il y a ceux qui ont été saignés à blanc, qui ont ressenti dans leur chair, dans leur coeur, jusqu’aux tréfonds de leurs âmes l’horreur des tueries perpétrés par des gens qui sont sensés défendre et protéger.
Stéphane Remanda a eu la main explosée par une grenade alors qu’avec d’autres, ils chantaient l’hymne national pour exprimer leur révolte. Mais d’autres, bien d’autres ont perdu la vie. Ce n’est pas à cause de Ping ou de l’Union nationale qu’ils sont morts, (il n’y a que les imbéciles heureux pour penser ça), ce n’est pas que les gens sont maintenant prêts à mourir en désordre pour enlever Ali, non oh! Ils sont morts parce qu’on leur a tiré dessus, parce que des gens en uniformes et cagoulés ont eu l’ordre de tirer sur les récalcitrants. Et si tu veux comprendre pourquoi ils se sont permis de faire une chose pareille, dans un pays «dit» de paix, c’est parce qu’ils ont des armes et qu’ils sont les seuls à en avoir.
Maintenant par extension on pourrait dire que c’est parce qu’on nous a appris à vivre égoïstement, on nous a fait oublier le sens de la communauté, on nous a fait renoncé à l’esprit du village, celui qui nous enseignait que l’enfant de ton frère est ton enfant, que l’enfant de la voisine est ton enfant, que l’enfant du pays est ton enfant. Mais l’ardent désir de changement a recousu l’ethos communautaire. C’est cela qui fait qu’aujourd’hui, nos larmes ne coulent pas seulement que lorsqu’il s’agit d’un parent proche. Nos larmes surgissent pour ces inconnus dont la mort est injustifiable, ces inconnus, ces enfants du pays.
Le peuple s’est réveillé, il ne dort plus. Certes, il ne peut plus crier à voix haute, les espions sont partout, il a été sauvagement muselé, mais il murmure, et dans ses murmures plaintifs et vindicatifs, on ressent l’esprit du village. Ce que les occidentaux appellent «l’esprit patriotique». On n’a jamais été aussi fier de porter le vert-jaune-bleu et oui, ce n’est plus juste pour les matchs de soccer, ce n’est plus juste pour le 17 août qu’on affiche nos couleurs. On n’a jamais été aussi fier de découvrir le vrai sens de notre hymne national et convaincus qu’il a été écrit pour nous, surtout en ce moment, comme un hymne prophétique voire même mystique dont on ne ressent la transe que lorsqu’on le chante à l’unisson.
Le peuple a décidé de chasser les sorciers par les urnes. Un beau matin même ceux qui n’étaient jamais allé voter, même ceux qui avaient cessé de voter depuis Ogoulinguende, depuis Agondjo Okawé, depuis Mba Abessolo et depuis Mamboundou (avouons que le nom de Mba Abessolo fait tâche dans ce chapitre), mais c’est une réalité, même ceux qui avaient renoncé à leurs voix depuis kala-kala, sont allés dire à Ali Bongo et sa cour, que les beaux jours sont révolus et que nous voulons récupérer notre pays.
C’est un entrainement intensif, on va puiser très loin, notre force, notre résistance, notre espoir de conserver nos rêves. Ces gens n’ont pas l’intention d’aider le peuple à émerger, l’émergence dont ils parlent depuis est caduque, épineuse, seule la famille Bongo et tous ceux qui leur ont juré allégeance ou se courbent hypocritement sur leur passage, vivent la pseudo-émergence dont ils parlent. Car, ils ont acheté les consciences de beaucoup de personnes. On peut bien être tristes mais on doit se réjouir de tous les masques qui tombent.
Et quand on entend dire que l’actuel ministre fictif de la santé du gouvernement fictif d’Ali Bongo se serait fait dérober 38 000 euros en espèces, on ne se demande pas qui a volé, mon ami. On se demande comment il a pu passer les douanes avec une telle somme ou bien c’est juste nous les Makaya qui sommes soumis à une limite d’argent en espèce. Il faut qu’il vienne nous expliquer comment il fait pour être encore ministre d’un pays quand on vient de te kanguer en plein blanchiment d’argent !!! Ah pardon, on sait, que tu restes ministre parce que tu n’es qu’un ministre fictif, un nom sur un siège, une signature sur un papier, un genre d’imbécile heureux assis au milieu du gang d’imbéciles heureux qui constituent, sans nul doute, le gouvernement fictif d’Ali. Parce qu’il faut être imbécile et heureux pour ne pas se rendre compte qu’on se situe du mauvais côté de l’histoire. On vous parle d’une histoire d’adultes immatures qui ne se rendent pas compte qu’Ali n’est toujours pas, malgré sa mascarade, le président «élu» du Gabon.
Quand on entend dire que l’actuel ministre fictif de l’Education nationale a longuement réfléchi à la question du taux élevé de redoublement et que la seule solution qu’il aurait trouvé pour résoudre le problème serait de réduire les coefficients en maths et en français, on a une juste envie de le talocher à tour de rôle, tellement l’idée est d’un ridicule qui tue le ridicule.
Mon ami, c’est comment ? Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Lui-là, il a tué son intelligence au moment où il a vendu son âme à Ali ou bien on l’a mis là parce qu’on le savait prompte à créer un buzz bête. Il n’a quand même pas pensé une seconde que son initiative serait accueillie comme une consolation pour les parents et les élèves.
Non mais, sérieusement, se serait-il dit qu’en annonçant ça à un peuple qui se demande encore où est passé l’argent des enseignants, on se dirait: «Cool nos enfants auront moins d’efforts à faire que nous, même s’ils fréquentent des écoles insalubres et privées d’infrastructures adéquates, même s’ils sont des centaines entassés dans des classes, même si la qualité de l’enseignement laisse à désirer, au moins ils auront moins d’efforts à fournir et le taux de redoublement va baisser quand on aura voté la loi qui dit que C’EST LA FAUTE AUX COEFFICIENTS !!!»
Le réveil du peuple gabonais s’est fait de manière insidieuse, malgré le fait qu’ils se sont arrangés pour que leurs enfants aillent dans les meilleures écoles pour venir diriger nos enfants à leurs tours. Ils ls se sont rendus compte que nous aussi on a appris, malgré eux, à réussir à la sueur de notre front. On a dû travailler plus fort, dormir moins, se priver de tout quelque fois, on a manqué de nourriture, on a dormi dans des bicoques en planches, semi-bois, semi-dur, semi-tôle (pour la plupart d’entre nous), on a pris les taxi-bus, on connait nos bas-fonds et pire encore pour eux : on a conservé l’Esprit du village, celui qui nous enseignait que l’enfant de ton frère est ton enfant, que l’enfant de la voisine est ton enfant, que l’enfant du pays est ton enfant.
Pour tous les enfants du pays qui ne sont pas morts cadeau, pour tous ceux qui sont emprisonnés, pour tous ceux qu’on torture, pour tous ceux dont on brime l’intelligence, pour tous ceux qu’ils ont sacrifié sur l’autel de leurs ambitions personnelles…