En prélude à la Cop 22 qui se tient au Maroc, le ministre de l’Agriculture, de l’élevage en charge de la mise en œuvre du programme Graine, livre son sentiment sur cette grand’ messe ainsi que ses attendus, sans oublier les défis auxquels doit faire face le secteur agricole.
Quels sont aujourd’hui les défis du secteur agricole au Gabon ?
Nous avons cinq défis à relever au niveau du ministère de l’Agriculture. Le premier défi consiste à relever la forte dépendance de l’économie au pétrole. Le pétrole représente 50% des recettes propres, 80% des exportations et 35% du PIB, donc de la création de la richesse. Le deuxième défi c’est la non-autosuffisance alimentaire. Lorsqu’on regarde aujourd’hui notre pays, nous nous alimentons presqu’à l’extérieur puisque la facture des importations s’élèvent à plus de 300 milliards de Fcfa et d’année en année, cette facture augmente d’au moins 10%. Le troisième défi c’est le taux élevé de chômage. Le chômage étant élevé, d’après les estimations de nos partenaires au développement à savoir le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, en 2015 nous étions à un taux de 28%, aujourd’hui en 2016 nous sommes à 29%. Avec une forte croissance démographique, il y a lieu de s’interroger parce que demain nous risquerons d’avoir une bombe sociale si et seulement si nous n’anticipons pas sur la création des opportunités d’emploi.
Les impacts des changements climatiques ne constituent-ils pas un sixième défi pour l’agriculture ?
Parler de l’impact des changements climatiques sur l’agriculture revient tout simplement à dire que l’agriculture continue de subir les effets liés à l’émission des gaz à effet de serre. Cela s’explique par quatre choses. D’abord l’utilisation du protoxyde d’azote provenant de la fertilisation ; deuxièmement, l’utilisation du méthane pour ce qui est de l’élevage ; troisièmement on utilise le dioxyde de carbone pour tout ce qui est mécanisation dans l’agriculture et quatrièmement la déforestation ou l’incinération totale ou partielle des parcelles traditionnelles des cultures. Mais, face à cette situation, nous pensons promouvoir désormais un nouveau concept : c’est une agriculture climato-intelligente. Cette agriculture climato intelligente n’est rien d’autre qu’une agriculture qui utilise plus d’engrais organiques que d’engrais chimiques. Tout ça pour tenir compte de la biodiversité.
Est-ce cela la contribution du Gabon parmi les engament pris au niveau des accords de Paris ?
Les mesures étaient de trois ordres : l’une était l’adaptation du cadre normatif qui régit l’utilisation de plus d’engrais organiques pour moins détériorer les sols ; l’utilisation des pesticides parce que les pesticides détruisent non seulement les sols, mais nuisent aussi à la santé publique. L’autre mesure importante lors de la Cop 21 en ce qui est du secteur agricole, concernait le zonage. On entend par zonage, le plan national d’affectation des terres (Pnat) qui permet ici d’identifier quels sont les aménagements hydroagricoles qu’il va falloir mener pour répondre efficacement aux besoins d’investissements du secteur. Et la troisième et dernière concerne les équipements pour construire l’agro-météorologie. On entend par Pnat, le Plan national d’affectation des terres qui permet de déterminer quels sont les aménagements qu’il faudra élaborer pour répondre efficacement aux besoins d’investissements dans le secteur agricole. Le troisième aspect ce sont les équipements ou instruments agro-météorologiques qui devraient aider au renforcement des capacités.
Ceci nécessite évidemment beaucoup d’argent. Le secteur agricole n’est pas exempt de cette question du financement par ce fonds vert Climat.
Au sortir des assises de Paris, il a été indiqué que la mise en œuvre des accords devrait obéir à trois priorités parmi lesquelles le financement climat à travers le Fonds Vert. La première priorité est le renforcement des capacités opérationnelles des pays les plus vulnérables, la mobilisation des financements, et le transfert de technologies. Et en ce qui concerne ce point, la position du Gabon est que, pour un secteur comme l’agriculture, il faut penser à un rééquilibrage de la répartition des fonds. La proposition qui a été faite lors de la Cop21 est que l’on puisse accorder 20% du financement à l’adaptation et 80% à l’atténuation. Mais, nous voyons un rééquilibrage de ce financement. Notre pays, qui dispose d’un écosystème forestier couvert à environ 85%, ne devrait pas bénéficier des mêmes dotations que d’autres pays où il y a une forte présence du désert par exemple.
A quel rééquilibrage pensez-vous ?
Nous pensons qu’une répartition à 50% de chacune des composantes «atténuation» et «adaptation» devrait aider à ce que nous puissions disposer de ressources pour financer des travaux.
S’agissant du programme Graine qui vient s’ajouter aux missions régaliennes de votre département ministériel, peut-être un plus dans la mise en œuvre de ces accords de Paris?
Justement ! Le programme Graine vient à point nommé. C’est l’une des solutions pour résoudre le problème de la dépendance alimentaire. Le gouvernement a fait un bon choix en lançant ce vaste programme. Il a deux composantes : le volet domestique ne concerne que le développement des cultures telles que la banane-plantain, le manioc, la tomate et le piment. Ce sont ces cultures que le programme Graine a déjà commencé à mettre en œuvre puisque les premières récoltes se feront en cette fin d’année 2016. Le second volet concerne l’export avec le domaine de l’agro-industrie. Il y a quelques temps, nous avons annoncé dans nos communications les premières exportations d’huile végétale vers le Cameroun et la Belgique. Et cette semaine, il y a eu une autre exportation de 600 tonnes d’huile de palme vers le Bénin. Nous pensons donc que le programme Graine est l’une des solutions aux défis de développement économique du secteur agricole. L’agriculture est le nouveau pétrole du Gabon.
Vous participez à quelques à la Cop 22 au Maroc. Qu’entendez-vous en tirez ?
A cette grande rencontre, nous souhaitons capter le maximum de financements. Nous pensons que les financements en termes d’adaptation et d’atténuation doivent s’appuyer sur des projets bancables permettant de financer un certain nombre de projets en tenant compte des changements climatiques. Nous allons aussi insister sur le transfert de technologies. Pour rendre notre agriculture intelligente, il faut le transfert de technologies pour adapter nos instruments à la biodiversité.
Et pour revenir au Plan national d’affectation des terres ?
C’est un aspect primordial pour le développement de notre agriculture. Pour pouvoir répondre avec efficacité à la mise en œuvre des accords de Paris, il faudrait que notre pays finalise ce plan. C’est à travers ce plan qu’on peut avoir une carte agro pédologie et une carte agropastorale. Et sans ces instruments, quels investissements directs étrangers, quels partenariats publics-privés pourrions-nous capter dans le secteur agricole ? Il faut donc au départ identifier les espaces dédiés. Il faut également identifier quels sont types de cultures à développer dans ces différents espaces, de sorte que des partenaires viennent financer cette agriculture, que nous voulons désormais comme acteur principal du développement économique de notre pays.