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Gabon: ce que pense l’AJEV sur l’éducation
Publié le mardi 1 novembre 2016  |  Infos Gabon
Brice
© Autre presse par DR
Brice Laccruche ALihanga, président du Mouvement l’AJEV
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Libreville – Dans une Tribune libre publié ce lundi 31 octobre 2016, jour de la rentrée scolaire au Gabon, Brice Laccruche Alihanga, Citoyen engagé et Président de la plateforme associative AJEV, a livré sa vision de l’éducation. Pourquoi l’Ecole doit revenir au coeur de la République ? L’AJEV livre sa vision.

Il n’y a pas d’égalité des chances, sans éducation. Pour réussir l’égalité des chances au Gabon – comme partout ailleurs en Afrique –, il faut donc d’abord réussir dans le domaine de l’éducation, qui doit être la priorité absolue des pouvoirs publics, mais aussi l’affaire de tous les citoyens.

Or, il y a urgence. Dans l’idéal, l’école devrait être le creuset de l’excellence républicaine et de la promotion sociale. Mais en réalité, c’est l’inverse. L’école remplit imparfaitement sa mission d’éducation et amplifie fortement les inégalités sociales. Elle souffre aujourd’hui d’un mal profond dont voici deux symptômes parmi de nombreux autres. Les grèves, qui entraînent la suspension des cours, sont devenues récurrentes chaque année, pénalisant ainsi des cohortes d’élèves. Quant au culte des statistiques, il entraine une baisse de l’exigence académique. L’important n’est ainsi plus d’éduquer et de former mais d’afficher des chiffres flatteurs. Quand le Ministre de l’Education Nationale et de l’Enseignement Technique, déclare dans un entretien que « pour minimiser le redoublement et le décrochage scolaire, [il est envisagé] de revoir les coefficients très élevés en français et en mathématiques », il y a de quoi être au minimum sceptique !

L’école remplit imparfaitement sa mission d’éducation et amplifie fortement les inégalités sociales

Corollaire de ce mal-être de l’école gabonaise : la crise de l’exemplarité et de l’incivisme. Le respect et la considération que les élèves avaient jadis pour leurs enseignants a disparu, laissant place à un manque total de respect quand il ne s’agit pas d’indiscipline caractérisée. Il faut combattre vigoureusement et punir sévèrement ces comportements déviants qui minent l’autorité. Il faut dire aussi qu’en multipliant les grèves et les revendications, le corps enseignant brouille son propre message et perd toute crédibilité aux yeux des élèves qui voient en leurs professeurs des activistes permanents. Comment enseigner aux enfants l’assiduité et le sérieux quand, à chaque rentrée et plusieurs fois dans l’année, les enseignants eux-mêmes font l’école buissonnière et organisent des sit-in bruyants dans le seul but d’obtenir des primes de performance qu’ils n’ont à l’évidence pas réalisées à en juger par les résultats aux examens nationaux.

Dans la relance de la machine éducative et de l’ascenseur social, l’Etat devrait en bonne logique jouer un rôle prépondérant. Or, en dépit de quelques initiatives louables, il ne remplit plus sa fonction. Il semble à la fois paralysé et débordé. Quelques chiffres suffisent à résumer le malaise scolaire au Gabon. En 2016, le taux de réussite au 1er tour du baccalauréat était d’à peine 14,61 % dans l’enseignement général et de 15,12 % seulement dans l’enseignement technique. Des chiffres nettement en deçà de la moyenne générale enregistrée ailleurs en Afrique francophone et très loin derrière le Rwanda, qui fait figure de bon élève avec un taux d’admis en 2016 de 86,5 % dans les sections générales et de 77,2 % dans les filières technologiques.

Une thérapie de choc s’impose. Mais les réformes qui pourraient lui redonner vigueur ne sont toujours pas mises en œuvre. Ainsi en va-t-il de l’établissement d’une véritable carte scolaire pour éviter aux enfants et aux parents de quitter leur domicile souvent à 5 heures du matin pour se rendre dans des établissements parfois situés à l’autre bout de la ville. C’est le cas également de la nécessaire sanctuarisation du budget de l’éducation raboté chaque année, de l’implantation de l’enseignement technique dans tous les lycées du pays ou de la création de filières techniques d’excellence afin d’assurer une meilleure adéquation entre l’offre de formation et les besoins réels sur le marché de l’emploi.

En matière d’éducation, l’Etat ne peut pas tout. La société, au sens large, doit s’y impliquer

L’éducation de nos enfants est un sujet trop important pour céder au fatalisme. Ne baissons pas les bras, retroussons-nous les manches. Plusieurs initiatives fortes devraient ainsi rapidement être prises. Entre autres priorités, l’Etat devrait favoriser la création et la réfection d’établissements du primaire et du secondaire. A cette fin, un investissement de 100 milliards de F CFA par an durant cinq ans, financé principalement mais pas exclusivement par la réduction du train de vie de l’Etat, serait opportun. Ce ne sont pas quelques tables-bancs achetés à la veille de la rentrée qui permettront de lutter contre la surpopulation scolaire que connaissent les grandes agglomérations gabonaises. Dans le même temps, cessons d’acheter chaque année un nouveau 4×4 rutilant aux pontes de notre administration. Nous ferions ainsi de substantielles économies à réinjecter en priorité dans nos établissements scolaires. Autre proposition : en vue de revaloriser le statut d’enseignant sur l’ensemble du territoire, pourquoi ne pas investir 10 milliards de F CFA par an pendant 5 ans dans la réfection des logements des enseignants en province afin de lutter contre les déserts scolaires, fuis par les professeurs ? A l’évidence, un véritable plan Marshall pour l’Education nationale, qui impliquerait une mobilisation sans précédent de moyens, de ressources humaines et matérielles, est indispensable au Gabon.

Mais en matière d’éducation comme ailleurs, l’Etat, même remis sur la bonne voie, ne peut pas tout. La société doit donc venir en renfort. Et vite. Car il y a urgence à agir collectivement pour sauver l’école républicaine, universelle et obligatoire. La société gabonaise ne doit plus être le spectateur résigné du dialogue de sourd entre les syndicats – et leurs sempiternelles doléances – et le gouvernement – qui monopolisent le débat sur la question scolaire. L’implication de tous les acteurs est indispensable afin de créer un choc de confiance et enrayer la spirale de l’échec à l’œuvre depuis vingt ans.

A commencer par les élus locaux qui doivent y jouer un rôle prépondérant et en faire l’une de leur priorité, au même titre que la propreté ou l’état des routes. L’école est en effet l’institution de proximité par excellence. Les maires d’arrondissement devraient ainsi disposer de pouvoirs étendus en la matière, d’un budget suffisant et dédié un conseiller municipal à ce sujet exclusif.

L’école a besoin d’un plan Marshall et d’un nouveau contrat social entre les pouvoirs publics et les acteurs-citoyens de terrain

A leurs côtés, la société civile y a elle aussi toute sa place. Qu’il s’agisse des parents, des entreprises, des confessions religieuses et des « simples » citoyens, regroupés ou non en associations. C’est cette prise de conscience qui a motivé le lancement par l’AJEV des « Volontaires de l’Education ». Ce programme consiste pour un étudiant bénévole à accompagner, à raison de 10 heures par mois, un jeune pour l’aider à reprendre confiance en lui, éviter qu’il ne sombre dans la spirale de l’échec et le guider tout au long de son parcours scolaire. L’objectif de l’AJEV est d’accompagner 500 enfants dès cette année scolaire. D’autres initiatives seront prises en parallèle car, pour notre plateforme associative, il n’y a pas d’égalité des chances sans une école qui remplit pleinement son rôle : celui de former – parfaitement et équitablement – les élèves, mais aussi les futurs citoyens et acteurs du développement du Gabon. Pour l’AJEV, égalité des chances doit donc rimer avec excellence. Le nivellement doit se faire par le haut.

L’école est l’affaire de tous. Au Gabon, elle a besoin d’un plan Marshall mais aussi d’un nouveau contrat social qui doit être conclu entre l’école, les pouvoirs publics et les acteurs de terrain sur la base d’un projet éducatif et citoyen. Localement, chaque problématique scolaire est différente. Pour être efficace, la réponse éducative doit donc être différenciée selon les provinces, les arrondissements, les villages. En revanche, l’exigence doit être la même partout : permettre à tous les jeunes Gabonais d’accéder à la citoyenneté et à l’emploi.

En faisant de l’éducation une priorité absolue pour l’Etat et pour la société, en réaffirmant un haut niveau d’exigence académique, en donnant à tous les enfants une chance égale de réussite, nous garantirons un avenir digne et prospère non seulement à chacun, mais aussi à tous en tant que Nation. Un principe qui vaut au Gabon comme presque partout ailleurs en Afrique, où la problématique se pose avec une égale acuité.
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