Le Gabon traverse une période de transition au plan économique, avec le repli des cours du pétrole qui assurait 70 % de ses recettes d’exportation. Dans un contexte de rareté financière, les investissements productifs doivent tous être mobilisés vers une diversification multisectorielle plus efficiente. Le pays dispose d’atouts humains, géologiques, géographiques, financiers et culturels qu’il convient de mettre en valeur. Le Gabon demeure une terre sur laquelle le ROI (Return On Investment) est toujours attractif malgré la crise. Explications.
Le Gabon enregistre depuis une décennie un taux moyen de croissance de 4,1 %, l’un des plus dynamiques en Afrique subsaharienne. Néanmoins, croissance n’équivaut pas au développement. Une meilleure redistribution des richesses, la construction d’infrastructures ou un accès plus aisé à l’éducation restent, entres autres, des préalables pour un véritable dé- collage économique. Ces dysfonctionnements, paradoxalement, nous permettent d’aborder notre mutation économique différemment, en brûlant parfois certaines étapes. La vitalité de la banque digitale mobile – dans un pays bancarisé à 20% - est un bon témoin de cette nouvelle économie. Le Gabon doit penser et trouver son modèle pour s'affirmer comme un acteur majeur au niveau régional, voire africain, en se basant sur 10 points de référence qui recèlent un fort potentiel.
Point 1: le secteur financier et les assurances
L’inclusion financière est encore hors d’atteinte. Le secteur financier peu mature, se caractérise surtout par des levées de fonds du secteur privé à la BRVM (Bourse des Valeurs Régionales de Libreville) et l’absence de cotations boursières effectives. La mise en place d’un circuit financier est donc un défi pour mobiliser l’épargne en faveur des PME, créatrices de la richesse nationale ou de s’orienter vers le private equity (capital-investissement).
A contrario, le secteur bancaire, qualifié de «sur liquide» (situation de trésorerie nette largement excédentaire) par les analystes, est concurrentiel et ouvert. La faible bancarisation (20 %) laisse une belle marge de manœuvre en revenus d’intermédiation à de nouveaux entrants. Prudence toutefois pour les mois à venir. En effet, le résultat net des banques en 2016 est déficitairede1,8 Mds de FCFA, en raison « d’une importante évolution des frais généraux et d’un risque de contrepartie insuffisamment maîtrisé », selon la COBAC (Commission bancaire d’Afrique centrale). Le marché des assurances est en plein essor également. Le montant des primes encaisséespour2014est estimé à 120 milliards de FCFA (85 % émission non vie et 15 % d'assurance vie et capitalisation). Avec moinsde1%depersonnes assurées en zone CIMA (Conférence interafricaine des marchés d’assurances), les opportunités de rentabilité sont concrètes.
Point 2 : les ressources humaines
Avec l’arrivée d’établissements privés d’enseignement supérieur, une nouvelle génération de cadres émergent surtout taillés pour répondre aux besoins locaux dans les services. En outre, des Gabonais formés à l’étranger reviennent et peuvent fournir, en partie, aux multinationales, des compétences adaptées aux standards internationaux. Le secteur primaire et l’industrie manquent encore d’une main-d’œuvre spécialisée. Prime aux institutions d’enseignement qui miseront sur ces segments ou tout ou presque est à faire.
Point 3: les ressources naturelles
Doté de richesses diverses (halieutiques, diamant, fer, or…) très peu exploitées, d’immenses possibilités s’offrent dans l’industrie d’extraction. La baisse des cours mondiaux des principales matières premières est conjoncturelle et cyclique. La reprise sera effective, probablement, d’ici 2018-2019 avec une prime pour les investisseurs ayant pris des risques. Le pétrole, principale ressource d’exportation, est une chance ou une hypothèque selon la tendance du Brent. Avec un cours endessousdes50dollars US, la viabilité de l’exploitation dans le Golfe de Guinée (dont le Gabon fait partie) n’est pas assurée comme c’est le cas actuellement. Reprise attendue dans le secteur d’ici 2018 selon les spécialistes.
Point 4:l’environnement des affaires
«Des efforts, encore des efforts» pourrait résumer le chemin qui reste à parcourir pour améliorer la pratique des affaires au Gabon. De la création en 2005 de l’APIP (Agence de promotion des investissements privés) à la mise en œuvre plus récente du guichet unique, certains aspects de la réglementation des affaires se sont nettement simplifiés. Dans le Doing Business 2016, qui évalue les conditions dans lesquelles les entreprises peuvent lancer leur activité, avoir accès à l’électricité, au crédit ou payer leurs taxes, le Gabon figure à la 163ème place sur 189 pays dans le monde en recul de 6 places par rapport à 2015. En cause principalement, 4 facteurs : la faible intermédiation financière, la longueur de la procédure d’enregistrement des titres de propriété, celle afférentes aux procédures légales relatives au droit de propriété et au droit des contrats et enfin rigidité du marché du travail. La volonté politique devrait pouvoir changer pallier ces dysfonctionnements à l’instar de ce qui se fait dans la Zone économique spéciale de Nkok où les démarches sont facilitées au maximum aux investisseurs avec le succès que l’on entrevoit clairement aujourd’hui. Autre point d’achoppement aux niveaux micro et méso, la difficulté de créer une entreprise (quel que soit le statut, SA, SARL..). La démarche bien que d’un coût financier abordable (50 000 FCFA pour un gabonais et 200000FCFApourunétranger sans frais du greffe commercial et les statuts juridiques) s’avère trop longue (minimum 15 jours à 3 semaines).
Point 5 : l’économie numérique
L’écosystème numérique tarde à se mettre en branle, notamment du fait de la difficulté de mobilisation de financements locaux et internationaux. Néanmoins, la révolution digitale est en marche avec les projets déployés à travers le «Gabon numérique » (« E-Gabon, Villages numériques..). Côté infrastructures, le pays dispose d’un backbone national qui facilite les échanges un niveau national et d’un point d’interconnexion (Gabon internet exchange) qui réduit le coût des communications régionales. Point faible tout de même, une faible main-d’œuvre douée de bonnes compétences. Le câble ACE 7 fournit un débit moyen de 1,5 térabits. Avec un taux de pénétration de l’internet de 73% fin mars 2016, la volonté est désormais de vulgariser le haut débit (17 % des abonnés) et de faire un saut qualitatif pour fournir les biens et services de demain. En 2014, les télécoms et internet représentaient un volume global de 293 milliards FCFA soit 5% du PIB. S’installer au Gabon, et y investir dans un hub pour la région de l’Afrique centrale est un pari sur l’avenir mais surement pas un risque.
Point 6 : un consommateur «bankable» (fort pouvoir d’achat)
Tous les analystes le confirment : le Gabon est un pays en Afrique subsaharienne où la notion de ROI (retour sur investissement) prend tout son sens. En dépit d’une faible population, le revenu par habitant s’établissait à21000dollarsUS en2014.Les marges d’intermédiation et les différentiels y sont parmi les plus élevés et les pressions concurrentielles limitées. L’ARPU (revenu moyen par consommateur) est jugé bon, voire plus dans la banque, la téléphonie, les assurances... Investir au Gabon, reste une bonne affaire. Le gabonais achète, s’endette et vit dans le consumérisme. Selon l’ARDI (African Retail Development Index) du cabinet A.T. Kearney, c’est l’un des 3 pays africains en 2015, les plus propices à l’investissement direct des acteurs de la grande distribution.
Point 7: la dette
Elle fait l’objet de débat entre les agences de notation qui viennent de dégrader la note souveraine du Gabon à BB- (conseil de ne pas investir ou avec prudence) et la direction générale de la Dette (DGD). Motif du désaccord, le taux d’endettement du pays. La dette publique (Dette extérieure + dette intérieure) afficheraituntauxde43%selonles agences contre 37 % pour la DGD. Le pays connait un contexte de rareté financière dans la dépense publique notamment à cause du repli des cours du pétrole. La vraie question est la « soutenabilité, ou encore la liquidité de la dette publique »qui peut se traduire par la capacité de l’Etat à assurer le règlement de ses échéances à court terme. Elle repose sur2ratios : Service de la dette /Recettes budgétaires =25%+ Intérêts de la dette / Recettes budgétaires = 10 %. Ces ratios combinés dépassent désormais le seuil stratégique d’endettement de 35 % mais demeurent inférieur au plafond d’endettement de 70 % fixé dans les critères de convergence de la CEMAC. Le Gabon n’a enregistré d’incident de paiement depuis longtemps et le risque d’impayés à court terme demeure faible. La « signature du Gabon » reste crédible auprès des bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux. Reste toutefois, à reprendre le service de la dette intérieure (300 Mds FCFA) afin d’alimenter les canaux de financements pour les PME.
Point 8 : les infrastructures
La mise en œuvre de programmes structurants (énergie, eau, éducation, établissements de santé..) est un aspect important pour pallier aux insuffisances actuelles. Cela permettra également d’accroitre la part de l’industrie et des services dans l’économie. Les besoins d’investissements jusqu’en 2025 atteindraient 18 à 20 milliards US. Des partenariats publics-privés sont à privilégier sous la forme BOT (Build – Operate - Transfert).
Point 9 : l’agrobusiness
L’agriculture gabonaise reste encore artisanale avec des rendements peu élevés et un éventail de produits limités. Avec d’immenses étendues de terres arables et une main d’œuvre non qualifiée, l’objectif de créer une véritable industrie, « l’agrobusiness» devient une priorité. La dépendance alimentaire coûte chaque année300 Mds FCFA en devises. C’est là, un chantier majeur qui mérite de véritables investissements multilatéraux. La diversification du Gabon et le décollage de son économie ne se fera pas sans la maîtrise des points sus mentionnés. Ces faisceaux convergents qui handicapent les agrégats économiques actuels sont des opportunités d’investissements rentables à moyen et long terme.