Exfiltré du pays, Guy-Pierre Bitéghé est actuellement hors du Gabon, en conséquence des menaces de mort proférées à son encontre, après la publication de l’interview d’un officier de la Garde présidentielle sur les émeutes postélectorales. Il s’en explique.
Gabonreview : Pourquoi êtes-vous parti du Gabon ?
Guy-Pierre Bitéghé : Tout part de la publication d’une interview où un colonel de la Garde présidentielle nous confie qu’il y a eu 212 morts lors des émeutes postélectorales. Après des menaces proférées contre moi, il y a eu des tentatives d’enlèvement. Des amis bien introduits au sein du régime m’ont demandé de me faire oublier un temps, de quitter Libreville. Je suis alors parti de Libreville pour me réfugier chez moi à Lambaréné, le temps de me faire oublier un peu. Quelques temps après, les mêmes contacts me rappellent pour me dire que j’ai bafoué les règles, qu’on pouvait me faire la peau là où j’étais, il fallait donc que je parte de là. C’est ainsi qu’ils ont organisé mon exfiltration de Lambaréné jusqu’à l’endroit où je me trouve en ce moment.
Gabonreview : Pendant combien de temps comptez-vous rester hors du Gabon ?
GPB : J’ai quand même laissé de la famille au Gabon. Donc, ce n’est pas de gaieté de cœur que j’ai dû quitter le pays avec ce que ça me coûte comme risques de vivre à l’étranger. J’ai dû utiliser également les quelques fonds qui étaient en Banque, je les ai mobilisés pour essayer de survivre.
Gabonreview : Selon vous les journalistes ne sont pas libres au Gabon ?
GPB : Vous en avez la preuve, car je ne suis pas parti de là de moi-même. Si vous avez des gens qui ont un peu d’estime pour vous, qui mobilisent leurs moyens, leur personnel et leur argent pour protéger votre tête, vous comprenez que c’est grave. Je dois vous rappeler que ce ne sont pas des opposants qui m’ont fait partir de Libreville, ce sont les gens du pouvoir. J’ai même l’impression que ce n’est pas la joie pour les journalistes au Gabon en ce moment. Pourtant au lendemain de la publication de cette interview, j’avais été convoqué par le Conseil national de la communication (CNC) qui m’a auditionné sur les faits contenus dans cette interview. Le CNC avait jugé que compte tenu du climat politique postélectoral, cette interview était de nature à envenimer les choses. L’organe de régulation m’a condamné à une interdiction de parution du journal sur une période d’un mois. Malgré cette sanction qui en principe devait clore cette affaire, certains ont estimé qu’il fallait attenter à ma vie. Le problème ne se situe pas au niveau de l’organe de régulation mais au niveau politique.
Gabonreview : Le journal réapparaitra-t-il à la fin de cette sanction ?
GPB : Nous avons l’intention de le faire, parce que c’est quand même toute une équipe qui est restée sur place. Nous sommes allés demander les formalités de reprise à Multipress, l’imprimerie qui assure l’impression de notre journal pour payer l’impression. Mais, ils nous ont fait savoir qu’il fallait au préalable une autorisation du CNC qui confirme que la sanction est levée. Il reste à savoir si le CNC nous donnera cette autorisation, sinon nous sommes prêts à réapparaitre dès le mardi prochain. Mais en principe le CNC a toujours délivré ce type d’autorisation une fois que la sanction est purgée.
Gabonreview : Comptez-vous demander un statut d’exilé politique ?
GPB : Ce n’est pas de gaieté de cœur que je suis contraint de partir. J’ai entrepris les démarches dans ce sens. Je prie Dieu pour que cela aboutisse pour sauver ma vie. De même, je vous conseille de prier Dieu pour que vous ayez beaucoup de courage, vous qui êtes restés au pays. Vous savez que le pays n’est pas sécurisé en ce moment. Tant que le pouvoir en place n’est pas sûr que son autorité n’est pas assise, tout ce qui le concerne se fera en insécurité. Que Dieu nous protège et protège notre pays.