Depuis deux ans, le pays vit une situation financière difficile. Par-delà les conjectures, la conjoncture économique est défavorable, et impose des mesures d’urgence qui prémunissent contre des atteintes à l’intégrité financière du pays, recadrent l’action du gouvernement en période de morosité et encadrent et orientent de manière efficace, les interventions de l’Etat dans un contexte de rareté des ressources. Une rareté qui a le don d’occasionner un assèchement des exonérations et abattements fiscalo-douaniers, d’abaisser les crédits dédiés à l’investissement public, alors que le train de vie de l’Etat est loin d’être réduit.
La loi des finances 2016 portait déjà en elle, les germes d’un changement de paradigme impulsé par l’Etat depuis quelques années. Quelques zones d’ombres ainsi que des curiosités n’ont pas manqué de défrayer la chronique à l’hémicycle du palais Léon Mba lors de son adoption ; celles-ci ont eu le mérite de recadrer l’action du gouvernement, de consolider et d’affirmer les normes prudentielles en matière de programmation et de gestion budgétaire.
Pour 2017, le pays pour la deuxième fois consécutive, abaisse ses prévisions budgétaires. Parti de 2626 milliards de Fcfa en 2016, l’enveloppe budgétaire du prochain exercice est en diminution de plus de 148 milliards de Fcfa. Ce qui témoigne du tour de vis supplémentaire opéré au niveau des ressources de l’Etat. Du coup, ce budget 2017, préfigure l’entrée du pays dans une zone de turbulences qui, si l’on n’y prend garde, conduira le Gabon en situation d’austérité, synonyme d’intervention des institutions de Bretton Woods, notamment le Fonds monétaire international qui n’hésitera pas à placer le pays sous ajustement structurel.
Dans un contexte marqué par un repli accentué de la production pétrolière (10,5 millions de barils prévus pour 2016 soit une baisse de 3,7% et -0,9% selon les directives de l’Opep en vue d’agir sur les prix de vente du baril), la poursuite du plongeon des cours du baril de pétrole nonobstant une légère remontée des cours ces dernières semaines, le gouvernement a fixé les objectifs du prochain exercice, en termes de recettes et de dépenses, à 2 477,5 milliards de Fcfa. L’option de cette réduction, au regard des faits qui précèdent, mis bout à bout, procède des choix stratégiques dictés par la conjoncture économique contrariante que vit le pays depuis un peu plus de deux ans.
L’Etat pondère ses ressources propres à 1 858,4 milliards de Fcfa. L’enveloppe se décompose de 478,6 milliards de Fcfa de recettes pétrolières, et de1 379, 8 milliards de Fcfa de recettes hors-pétrole. En comparaison à l’exercice 2016, ces deux postes de recettes affichent une baisse de plus de 185,5 milliards de Fcfa. Soit respectivement 63,4 milliards de Fcfa pour les ressources attendues des différents services de l’assiette, et 122,1 milliards de Fcfa pour les ventes de pétrole. Dans la loi des finances 2016 en effet, l’Etat avait pondéré les recettes pétrolières à plus de 600 milliards de Fcfa avec un prix du baril projeté à 40 dollars.
Les autorités expliquent le recul des recettes pétrolières par une régression volontaire de la production en volume (dernière réunion de l’Opep), malgré une légère remontée des prix sur le marché international. L’argument de la quasi-stagnation des performances de l’activité économique nationale (4,5% en 2017 contre 4,6% dans la Loi de Finances 2016) invoquée pour justifier la baisser de 63 milliards de Fcfa des recettes d’impôts et taxes, apparaît faible au regard des défis à relever pour l’amélioration des conditions de vie des populations, l’atteinte de l’émergence, la réalisation des projets structurants, ou encore la mise en œuvre de l’égalité des chances.
Depuis que la crise pétrolière est survenue, l’Etat a fait preuve d’anticipation et d’une capacité de résilience jusqu’ici indéboulonnable. Seulement, le fait que l’Etat batte en retraite sur le terrain fiscal, notamment à la porte, risque d’avoir un effet d’éviction sur les dépenses d’investissement. A titre d’illustration, dans la loi des Finances 2016, les salaires plafonnent à 732,7 milliards de Fcfa, ce qui représente 52% du total des recettes fiscales attendues. Cette année, l’on sera à près de 60%.
Les évènements post-électoraux, l’affairisme des agents de la douane suivi de l’incivisme de certains contribuables ne feront pas l’affaire des régies financières pourtant attendues dans le renforcement de la collecte des taxes et impôts sur le terrain. Difficile du coup, de comprendre l’ajustement des recettes fiscales pourtant passées de 1293, 2 milliards de Fcfa en 2015 à 1443 milliards de Fcfa en 2016, soit une augmentation globale de 150 milliards de Fcfa en un exercice et de 171, 678 milliards de Fcfa uniquement pour les impôts.
L’on se serait attendu à un relèvement des recettes fiscales dans un contexte de mévente des ressources minières et pétrolières. Un sacrifice lourd sur le long terme à assumer du fait des engagements financiers de plus en plus conséquents auxquels doit faire face l’Etat.
Au-delà, la poursuite de la construction des infrastructures énergétiques, routières, de télécommunications, socio-éducatives et sanitaires, la mise en œuvre du Plan stratégique Gabon émergent dont la phase de pose des piliers se parachève progressivement et les investissements publics, constituent une contrainte à laquelle le gouvernement ne peut se soustraire s’il veut tenir ses engagements de transformation du Gabon en moins d’une génération.
Pour y parvenir, l’on devrait maîtriser les dépenses fiscales généreuses accordées de manière fantaisiste par certaines administrations aux opérateurs économiques, souvent au mépris des engagements de l’Etat. Véritables primes à têtes chercheuses, celles-ci, par leur volume, causent une véritable saignée dans les caisses de l’Etat et obèrent les ambitions de développement du pays.
Pour donner du sens au resserrement des vis, peut-être est-il temps d’actionner les mesures énoncées dans la loi des finances 2016. Celles-ci concernaient alors l’audit des effectifs des agents de la main d’œuvre non permanente, la suspension systématique des traitements des agents ayant atteint l’âge de mise à la retraite. Ceci pour garantir la maîtrise de la masse salariale. En plus, il y avait le non-renouvellement des contrats des agents contractuels hors catégorie, la lutte contre le cumul des salaires, le remplacement numérique à la fonction publique, la réactivation et l’accélération du programme de départ volontaire à la retraite et l’ouverture des concours dans les écoles de formation publiques, uniquement pour les formations horizontales en fonction des besoins de l’administration.