Créée dans des conditions troubles et pour des raisons jusque-là mal définies, la commune d’Akanda n’a pas fini de faire parler d’elle. Si l’annonce du projet de sa création avait déjà suscité craintes et suspicions de la part des premiers habitants de cette zone, depuis quelques temps, l’on dénonce une forte spéculation des titres fonciers, en plus des menaces de déguerpissement des populations.
«Si cette liste venait à se voir confier la direction de la commune d’Akanda, nous assisterons au plus grand scandale écologique et foncier de notre pays. Ce que vise le pouvoir […] à Akanda, ce sont les terres pour faire de la spéculation immobilière et rien d’autre», avait prédit André Mba Obame dans une interview parue le 12 décembre dans le journal Echos du Nord. En effet, dès l’annonce du projet de création de la commune d’Akanda, suspicions et craintes s’étaient fait entendre auprès l’ensemble des populations vivant sur les lieux depuis une cinquantaine d’années mais aussi de quelques observateurs de la vie économique et politique du Gabon. Et depuis la matérialisation du projet, les choses semblent être passées du procès d’intention à la réalité des faits : des anciens habitants de la nouvelle commune d’Akanda disent être victimes d’intimidations de la part d’investisseurs privés, en témoigne la dernière sortie, au début du mois en cours, des populations vivant dans la zone dénommée «Premier campement».
En effet, menacés de déguerpissement, les terres de ces populations seraient désormais sujettes à une forte spéculation foncière entretenue par des visites inopinées d’huissiers de justice mandatés par des promoteurs immobiliers dont la plupart prétendent être propriétaires ou simplement réservataires de lotissements dans la zone ; le tout orchestré par de supposés agents «véreux» de l’Agence nationale de l’urbanisme, des travaux topographiques et du cadastre (ANUTTC).
Pourtant, avant la création de cette «commune bling-bling», dont la liste aux dernières élections locales était essentiellement composée de hauts fonctionnaires de l’administration publique ou parapublique du Gabon, Akanda n’était pas autant sous le feu des projeteurs ; le Premier campement encore moins. Pour cause : «Le Premier campement est un village dont la création remonte à plus de 50 ans. Les terres de cette partie du Gabon ont été rendues exploitables par l’effort des villageois. A ce jour, il n’existe plus ou pas de terrain inoccupé dans cette zone», déclare le collectif des habitants de cette zone fortement convoitée.
Pour Dieudonné Moupékou, le porte-parole dudit collectif, «il convient de rappeler aux pouvoirs publics qu’il est nécessaire de s’assurer, au préalable, de l’espace libre pour tout investissement». Or, le Premier campement n’étant pas libre, les riverains disent tenir mordicus à conserver leurs terres, au risque de nouvelles poursuites judiciaires. En effet, il y a quelques temps, «la SCI Kabi a traîné en justice plusieurs habitants, au motif de que ces derniers ont fait opposition à sa procédure d’immatriculation», ont-ils rapporté, soulevant à nouveau la question de la délimitation de cette commune dite «urbaine», mais aussi celle du droit du premier occupant. Si ce droit quoique plus réel que celui du plus fort, ne devient un vrai droit qu’après l’établissement de celui de propriété, on ne saurait occulter la prescription acquisitive, autrement appelée usucapion.
«La prescription acquisitive est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception tirée de sa mauvaise foi», raconte un conseiller juridique auprès d’un promoteur immobilier de Libreville, avant d’expliquer que le fait d’occuper un bien immobilier ou une terre pendant une certaine durée en donne des droits : «la prescription acquisitive joue au bout de trente ans dans l’hypothèse où une personne s’est emparé d’une façon exclusive de l’usage et de la jouissance d’un bien, sans obtenir l’assentiment exprès du véritable propriétaire. La prescription acquisitive résulte d’une possession continue, réelle, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire». Ceux habitent donc à Akanda depuis 50 ans devraient donc avoir certains droits. «Les squatters aussi ont des droits», souligne notre juriste.
«Nous disons non aux modifications du plan cadastral de la ville de Libreville, qui a pour conséquence la création de la confusion entre les terres des populations déjà installées et celles demandées en attribution par les promoteurs immobiliers privés», ont lancé les habitants du Premier campement d’Akanda, dénonçant la volonté des «riches» de s’imposer sur les terres des «pauvres». Après tout, c’est peut-être là tout le sens de la création de cette commune qui n’en fini pas de faire parler d’elle, ses fondements administratifs à peine posés.