Le budget de l’Etat repose en grande partie sur les recettes douanières, qui proviennent de différentes taxes imposées sur les marchandises importées ou exportées. Cependant, malgré la réglementation en vigueur, les douaniers s’illustrent par des pratiques peu orthodoxes. Des arrangements d’arrière-boutique avec les opérateurs économiques et autres importateurs qui causent un énorme manque à gagner au Trésor public. Une vraie gangrène difficilement extirpable dans ce corps très convoité.
Difficile aujourd’hui d’évaluer le préjudice que causent les agents de la douane aux caisses de l’Etat. Mais au regard de l’ampleur des pratiques délictueuses, ils se chiffrent probablement à des centaines de millions de francs CFA par mois. Voire des milliards, si l’on s’en tient à l’importance du trafic enregistré au niveau des frontières gabonaises, aussi bien maritimes, terrestres, qu’aériennes.
Appelés à contrôler l’entrée et la sortie des marchandises du territoire national, les douaniers postés aux différentes portes du pays veillent à ce que les taxes douanières imposées sur les marchandises soient payées. Mais pour éviter les détournements de ces taxes, les services du Trésor public assistent ceux des douanes pour percevoir les différents impôts. Mieux, pour une meilleure sécurisation des recettes, des quittances de payement devraient être délivrées à ceux qui s’acquittent de leurs droits.
Pourtant, malgré toutes ces mesures, les agents de la douane trouvent toujours le moyen de détourner les recettes générées à leur propre profit, au détriment des caisses de l’Etat. A l’aéroport par exemple, des réseaux se sont constitués entre les transitaires et les douaniers. Ainsi, des marchandises qui devraient normalement payer des droits de douane sortent de cette enceinte de manière clandestine. Soit en sous-évaluant la valeur, ou en l’exonérant des frais de douanes.
Mais derrière, ce sont les douaniers qui se sucrent. C’est le cas de ces ordinateurs dont les frais de douane s’élèvent normalement à 2.800.000, mais qui sont curieusement passés à la douane après qu’un agent a empoché 1.000.000 FCFA. D’autres marchandises sortent clandestinement de l’aéroport sans être déclarées officiellement à la douane, avec la complicité des douaniers qui reçoivent en contrepartie des pots-de-vin et autres bonus. Selon une source anonyme, l’Etat perdrait à l’aéroport de Libreville pas moins de 15.000.000 FCFA par jour, du fait des frais de douane détournés.
Au niveau des frontières terrestres, l’hémorragie est encore plus grave. Au poste de douane d’Eboro par exemple, les frais de douanes sont prélevés à la tête du client, souvent sans délivrer une quittance de payement. Ainsi, un camion de type canter chargé des produits vivriers en provenance du Cameroun s’acquitte à ce poste d’une somme de 25.000 FCFA. Les camions de 10 roues payent 50.000 FCFA. Pour les bœufs importés, les frais s’élèvent à 10.000 CFA par tête.
Or, selon le code douanier de la CEMAC, les produits vivriers en provenance des pays de cette zone sont exonérés de taxes douanières. Pour un jeune qui aide les douaniers dans la fouille des véhicules à ce poste, les taxes journalières atteignent souvent 500.000 FCFA. Des fonds qui ne sont pas versés dans les caisses du Trésor public. Et c’est presque les mêmes pratiques aussi bien au poste de Meyo-Kyé qu’à celui d’Assock-Medzeng à la frontière avec la Guinée équatoriale.
Au port d’Owendo règne aussi une haute mafia. Les multiples exonérations profitent aux douaniers qui soutiennent les différents dossiers. Ainsi, pour un véhicule qui devrait payer 6.000.000 de frais de douane, la moitié ou les deux tiers seront directement remis à l’agent de douane. C’est le même procédé dans les abattements. L’on peut aussi ajouter à ce triste tableau la complicité de certains douaniers dans les fausses déclarations. Dans le but de sous-évaluer les taxes à payer.
La douane peut considérablement améliorer ses recettes si et seulement si toutes les taxes prélevées prenaient la direction du Trésor public. Malheureusement, les agents de la douane s’accaparent eux-mêmes la plus grande partie. Sinon, comment comprendre que dans certains bureaux régionaux de douane, les objectifs que leur assigne leur tutelle pour une année soient atteints au bout seulement d’un semestre ?
Ce qui laisse penser que les agents travaillent plus pour eux-mêmes que pour l’Etat. D’où le train de vie que la majorité d’entre eux mènent, que leurs salaires ne sauraient justifier.