En proie à un manque criard de financement, doublé de tensions au sein de son conseil d’administration, la mythique structure hospitalière du «Grand blanc de Lambaréné» est menacée de fermeture.
Fondé en 1913 par Albert Schweitzer et sa femme, la structure hospitalière du même nom est très mal en point. Situé à Lambaréné, dans la province du Moyen-Ogooué, l’hôpital qui a fait de son fondateur un Prix Nobel de la Paix, est en proie à une grave crise de financement, son principal bailleur de fonds (l’état gabonais) ne parvenant plus à honorer ses engagements. Si rien n’est fait, l’établissement pourrait carrément fermer boutique.
«Il est assez courant que l’argent arrive tard», a confié le Président du conseil d’administration (PCA) de l’hôpital à Ruth Maclean, journaliste du quotidien d’information britannique The Guardian de passage au Gabon en septembre dernier. «Mais là, cela fait déjà plus de six mois. Jusqu’à présent, nous avons été en mesure de payer les salaires, sans plus. La situation est devenue très compliquée», a poursuivi Daniel Stoffel. Selon un ancien directeur de l’hôpital Albert Schweitzer, par ailleurs seul gabonais à avoir occupé ce poste, la fermeture de la structure serait loin d’être une surprise. Le docteur Antoine Nziengui a estimé que cette situation est triste. «Il y a du néocolonialisme à l’hôpital Albert Schweitzer. Et il y a de fortes chances qu’il ferme. Si au 21e siècle vous ne faites pas les choses convenablement, c’est l’échec assuré», a-t-il déclaré, lui qui avait été poussé vers la sortie. «Je ne peux que penser que du temps de Schweitzer jusqu’en 2011, l’hôpital a toujours été géré par les occidentaux, et que le conseil d’administration voulait qu’il en soit toujours ainsi», a-t-il confié.
Ainsi, selon certaines indiscrétions, cette situation résulte en grande partie de la guéguerre gabono-européenne au sein du conseil d’administration. Les administrateurs européens accusent, en effet, leurs homologues gabonais de détournements de fonds. Inversement, les administrateurs gabonais traitent leurs collègues européens de «racistes et colonialistes». «Le multiculturalisme a toujours été dans l’ADN de l’hôpital», a souligné Antoine Nziengui. «Je ne pense pas que le problème se situe au niveau de la nationalité du responsable de la structure, mais de savoir si elle continuera à s’occuper des couches les plus défavorisés. Ce qui a toujours été sa marque de fabrique», a ajouté le médecin.
La guerre larvée au sein du conseil d’administration a notamment débouché sur des protestations du personnel contre des anciens directeurs européens, taxés d’oppresseurs. Autres faits marquants, l’actuel directeur de l’hôpital a passé une semaine en prison suite à des allégations du personnel. Tandis qu’un autre ancien directeur, avait lui aussi été détenu plusieurs jours durant, avant de quitter définitivement le Gabon. Une situation qui semble tout expliquer, d’autant que la connexion entre l’Europe et la structure hospitalière a toujours guidé le fonctionnement de celle-ci.
La structure hospitalière souffre par ailleurs de la qualité de son personnel qui a littéralement changé depuis l’époque d’Albert Schweitzer. L’un des reproches faits au présent personnel se situe au niveau de ses lacunes en matière de formation. Certes l’hôpital a conservé sa tradition d’accueil de médecins volontaires en provenance de l’Europe, pour des séjours plus ou moins long ; mais dans les faits la quasi-totalité du personnel est gabonais, à l’exception du directeur d’origine française.
«Ce serait une tragédie si l’hôpital devait fermer après plusieurs décennies de travail acharné. Et J’espère sincèrement que cela ne se produira pas», a déclaré un ancien président du conseil d’administration de l’hôpital. «La tragédie serait d’autant plus grande qu’elle irait à l’encontre des valeurs défendues par le Dr Schweitzer», a conclu Lachlan Forrow.