Au lendemain de la présidentielle du 27 août, le Gabon est confronté à une crise post-électorale. Jean Ping a demandé jeudi 29 septembre à la communauté internationale de « prendre des sanctions ciblées » contre les responsables de ce qu’il appelle un « coup d’Etat militaro-électoral », réaffirmant qu’il ne « reconnaîtrait pas le pouvoir d’Ali Bongo ». Jean Ping sort de son silence. Est-il « KO debout » ? A-t-il cru réellement pouvoir accéder au fauteuil suprême ? Quel va être sa stratégie désormais ? Quelles initiatives va-t-il prendre ? A toutes ces questions, Jean Ping répond ce matin.
RFI : Certains vous disent KO, sonné. Dans quel état d’esprit êtes-vous ? KO ou combatif ?
Jean Ping : Je ne peux pas être KO. On ne peut pas être KO quand on sait qu’on a le peuple avec soi, le droit avec soi et la communauté internationale avec soi. On ne peut pas être KO.
Vous appelez chacun à la résistance active, c’est-à-dire ? Des grèves nationales ? Des journées « ville morte » ? Des marches ? Qu’est-ce que cela veut dire ?
Ça veut dire, tout simplement, que nous avons en face de nous quelqu’un qui a usurpé les résultats des élections, qui a fait un coup d’Etat militaro-électoral, qui a pris le pouvoir, qui veut le conserver encore sept ans. Ça veut dire 57 ans de pouvoir. Et ils utilisent tous les moyens pour y arriver. Et je crois que, cette fois-ci, le peuple ne veut plus de ça.
Le nouveau Premier ministre Issoze-Ngondet a annoncé la formation d’un gouvernement d’ouverture, en direction des partis et de la société civile. Ne craignez-vous pas qu’il débauche certains qui vous ont rallié ?
Oh, mais c’est certain, c’est certain ! Ça se passe toujours comme ça, ici comme chez vous ! Ça se passe toujours comme ça. Il va à la pêche, il va « pêcher » les gens. Nous le savions depuis le départ. Il n’y a rien d’étonnant à cela.
Aujourd’hui, vous dites quoi ? « Je suis le président, le mandat d’Ali Bongo va s’achever » ? Ne placez-vous pas ainsi le Gabon dans une impasse totale ?
Non. Moi, je ne place pas le Gabon dans une impasse totale. C’est lui qui place le Gabon dans une impasse totale. Il n’a pas gagné les élections, il le sait. Il procède à un « hold-up » militaro-électoral, il cherche à se faire légitimer par tous les moyens, voilà.
Vous annoncez organiser un dialogue inclusif. Avec qui ? C’est-à-dire ?
C’est simple : le dialogue est quelque chose qu’on ne peut pas négliger. Surtout lorsque le pays traverse une crise aussi grave. Je pense simplement que le dialogue doit être organisé par celui qui a gagné les élections, avec tous les Gabonais. Pas par celui qui n’a pas gagné et qui cherche un dialogue juste pour se faire légitimer ! Et de surcroît, il vous appelle au dialogue revolver sur la tempe, les Mirage qui terrorisent les populations à basse altitude, les hélicoptères d’attaque, les emprisonnements, les tueries... Est-ce un dialogue, ça ? Ce n’est pas un dialogue !
Diriez-vous qu’Ali Bongo ne tient pas compte de vos 47 % de voix ?
Ali Bongo ne tient pas compte de ma victoire ! Quels 47 % des voix ? Les 47 % des voix qu’il a annoncés et préfabriqués ? Vous connaissez la vérité ! Donc, ne nous dites pas des choses qui sont contraires à la vérité.
Ecartez-vous toute violence, M. Jean Ping ?
La violence est pratiquée par Ali, pas par nous ! Vous étiez ici à Libreville. Les avions à réaction qui volent à basse altitude, c’est contre qui ? Les hélicoptères d’attaque, c’est contre qui ? Les arrestations arbitraires, c’est contre qui ? Les morts qui ne cessent de s’accumuler, c’est contre qui ? Il y a une volée de violence disproportionnée de l’Etat. Nous, nous n’avons tué personne, nous n’avons pas d’armes.
Aviez-vous pensé sincèrement, à un moment donné, pouvoir gagner l’élection et qu’Ali Bongo quitterait le pouvoir ?
Bon, nous l’avons réellement pensé. Nous avons pensé que, pour une fois, il pourrait céder à la volonté populaire unanime. Mais nous connaissons l’homme. Il a voulu en 1985 se faire proclamer prince héritier, faire passer le président Bongo pour un roi. Et il est dans cette posture. Il pense qu’il va régner à perpétuité sur le Gabon et, après lui, ce sera son fils. Mais on n’entre pas au XXIe siècle à reculons. Tous ceux qui ont tenté de jouer à ce jeu-là ont fini par perdre. Qu’ils s’appellent Idi Amin Dada ou tout ce que vous voulez.... suite de l'article sur RFI