Parée des oripeaux sécuritaires, Libreville attend avec angoisse la décision de la Cour constitutionnelle sur la présidentielle du 27 aout 2016.
La capitale gabonaise a fait l’effort considérable de sortir de son lit en cette journée du 23 septembre. Un effort d’autant plus difficile que la veille, beaucoup prédisaient, ce jour, une atmosphère de ville morte à Libreville. Ce 23 septembre est, en effet, le jour arrêté par la Cour constitutionnelle pour rendre son verdict sur le scrutin présidentiel du 27 août dernier. De fait, une certaine psychose, frôlant l’angoisse digne d’un thriller, règne actuellement dans la ville en attendant le moment fatidique.
Jusqu’à 8 heures ce matin, l’ambiance de la ville était très loin de celle des grands jours. Et depuis, la situation ne s’est guère améliorée. Bien au contraire. La circulation s’est considérablement réduite avec une raréfaction des taxis et un déploiement d’éléments des forces de l’ordre par endroits, dans la ville.
Libreville est plongée dans la peur des conséquences du résultat définitif que devrait rendre la Cour constitutionnelle dans les heures qui viennent. Une angoisse tout aussi perceptible au niveau des magasins, dont les portes, ces derniers jours, se referment systématiquement aux alentours de 15 heures.
Echaudés par les émeutes du 31 août dernier, après l’annonce des résultats provisoires, la majorité des commerçants ne vend que sur ce créneau horaire. Et dans le même temps, les étals des magasins ne sont pas toujours ravitaillés, l’angoisse ambiante obligeant. Une démarche dictée par les énormes pertes en marchandises enregistrées pendant les violences qui ont éclaté le 31 août dernier, au cours desquelles plusieurs commerces ont littéralement été pillés, à défaut d’être saccagés. «A Cocotiers, la boutique d’un frère a été vidée de tous ses produits. Soit des pertes de plusieurs millions de francs CFA. C’est pour éviter pareille situation que j’ai préféré vider ma boutique de moitié et placer ma marchandise en lieu sûr», a confié un boutiquier du quartier Nkembo.
Dans ce contexte, le commun des Gabonais estime que «le verdict sera difficile à accepter autant par l’un comme par l’autre camp, selon qu’il sera en sa faveur ou sa défaveur».
La présidente de la Cour constitutionnelle est ainsi au centre de toutes les attentions. Marie-Madeleine Mbourantsouo est attendue, ce 23 septembre, pour «libérer les Gabonais», selon l’expression d’un jeune habitant le quartier Ancien Sobraga. De la décision qu’elle et son institution prendront, dépendra «la survie du Gabon». «Une lourde responsabilité», a déclaré pour sa part un journaliste.
En gros, l’attente de ce verdict a mis la population dans une profonde psychose. Les habitants de Libreville, se souviennent, en effet, de la soirée du 31 août 2016. «Nous ne voulons plus vivre un jour comme celui-là», a déclaré Hélène N., ancien agent de la Fonction publique.
Ces dernières 48 heures, à la tombée de la nuit, les rues se vident à la vitesse grand «V» et la ville s’engonce dans son manteau de peur et de psychose. Si la furie des émeutes du 31 août continue de faire froid au dos, le dispositif de sécurité mis en place par les autorités a de quoi dissuader les plus téméraires. C’est du moins l’objectif recherché.
A chaque carrefour, il y a des camions de policiers, voire de militaires. Il y a également des engins roulants anti-émeutes et même à certains endroits des chars d’assaut. Des barrages quadrillent complètement la ville avec à l’appui des fouilles de véhicules et des contrôles d’identité. Dans la journée, des véhicules des hommes de troupe font la ronde pour marquer davantage la présence des forces de l’ordre.
Dans les quartiers où les émeutes ont été à l’origine des pillages et des actes de vandalismes, les propriétaires des commerces ont décidé de les vider. «On ne veut pas vivre la même chose que la dernière fois», a lancé un boutiquier mauritanien en train de vider les marchandises des étals de son magasin. Comme lui, la plupart des tenanciers des commerces des zones durement touchées par ces casses déménagent leurs produits pour prévenir de nouveaux actes de vandalisme et de pillage. «Les gens s’en prennent à nos affaires et pourtant, nous n’avons rien à voir avec ce qui se passe», se lamente Koulibaly, un ressortissant malien se demandant «qui va payer la note des précédentes casses».
Si les commerçants de grandes surfaces et autres boutiques les vident pour prévenir d’éventuels casses et pillages, la population elle-même s’est ruée sur les produits de première nécessité pour faire des provisions. «On ne sait pas ce qui peut se passer après l’annonce de la Cour constitutionnelle. On se prépare donc au cas où on assistera encore à un autre 31 août», a indiqué Gertrude, femme au foyer ayant fait des provisions pour sa famille. Désormais, les regards sont tournés vers la Cour constitutionnelle dont le verdict est vivement attendu, aussi bien à Libreville qu’en province. Des doutes planent cependant sur le maintien de la date du verdict qui, selon certaines sources, pourrait être prolongée de 48 heures.