La Cour constitutionnelle saisie par l'opposant Jean Ping qui conteste la victoire du président sortant, Ali Bongo Ondimba à l'élection présidentielle du 27 août dernier n'a plus que quelques heures pour rendre sa décision et la population qui craint une nouvelle flambée de violences est plongée dans une profonde psychose.
Selon la constitution gabonaise, la Cour constitutionnelle a 15 jours à compter de la date du dépôt des recours pour rendre sa décision. Le recours de Jean Ping a été déposé le 8 septembre dernier. Ce vendredi 23 septembre marque la fin de ce délai. Le compte à rebours est donc lancé. L'approche de cette échéance plonge les Gabonais dans la peur. L'atmosphère dans le pays est lourde. Le cauchemar du 31 août dernier continue à hanter les esprits.
Ce jour-là, alors que le ministre de l'Intérieur venait d'annoncer la victoire électorale du président sortant, des milliers des Gabonais étaient descendus dans les rues de Libreville, Port-Gentil et Lambaréné, les principales villes du pays. Le bilan est lourd. Quatre morts dont un policier, selon le gouvernement. Cinquante à cent morts, selon Jean Ping. Les dégâts matériels sont aussi importants. Assemblée nationale incendiée à Libreville, aéroport de Lambaréné et sièges de la mairie du 2ème arrondissement de cette ville brûlés. Dans ces trois villes, les commerces et magasins privés saccagés, pillés et brulés.
Les discours politiques de ces derniers jours ne sont pas apaisants. "Nous constatons aujourd'hui que ce processus démocratique tente de se transformer en insurrection militaire", s'est désolé mercredi le ministre de la Défense nationale, Mathias Otounga Ossibadjouo qui soutient que l'armée est obligée d'agir pour contrer les jeunes à qui on a appris "à fabriquer des explosif".
"C'est une situation de ni paix ni guerre", a décrit pour sa part, l'ancien président de l'Assemblée nationale, Guy Nzouba Ndama, candidat qui s'est retiré pour soutenir Jean Ping.
"Il n'y aura pas de couvre-feu ce vendredi mais le dispositif de sécurité sera renforcé", a prévenu mercredi le ministre de l'Intérieur, Pacôme Moubelet Boubeya.
Face à ce climat délétère, plusieurs Gabonais continuent de quitter la capitale. Les vols internationaux au départ de Libreville affichent complets, les gares routières ne désemplissent pas alors qu'en temps normal, les vacanciers devaient déjà être de retour à Libreville pour la rentrée scolaire dont la date n'a pas encore été communiquée.
Les librevillois qui ne veulent pas quitter la capitale s'affolent dans les magasins pour renforcer les réserves de nourriture. Riz, lait, eau minérale et surtout boite de conserve font recette. Les librevillois redoutent une coupure d'eau et de courant qui compliquerait la conservation des aliments.
Vérité des urnes
Les partisans de Jean Ping réclament des neuf juges de la Cour constitutionnelle la vérité des urnes. Dans son recours Jean Ping conteste les résultats d'Ali Bongo Ondimba dans son fief du Haut Ogooué (sud-est) où il a obtenu 95% des voix pour un taux de participation de 99,8% alors que la moyenne nationale est de 57%. Jean Ping estime que les résultats de cette province ont été manipulés, truqués en faveur de son adversaire. Il exige un recomptage des voix, en présence d'observateurs indépendants, pour plus de transparence
Après avoir rejeté la présence des observateurs parce que non prévue par la loi gabonaise, la Cour constitutionnelle a fini par accepter la présence des observateurs de l'Union africaine arrivés dans la capitale.
Ce jeudi, les avocats de Jean Ping et d'Ali Bongo Ondimba présenteront leurs arguments lors d'une audience publique radio diffusée et télévisée. Le juge rapporteur dressera un rapport puis les neuf membres de la Cour constitutionnelle se retireront à huis clos pour décider de valider ou pas la victoire d'Ali Bongo Ondimba.
Selon la constitution gabonaise, les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont pas contestables ni attaquables. Elles s'appliquent à tous. D'où la forte passion entre les partisans d'Ali Bongo Ondimba et de Jean Ping, qui fait peser le risque d'explosion tant redouté.