Gaffes à répétition, menaces, propos injurieux contre les adversaires politiques, insinuations malveillantes à l’égard de puissances étrangères – c’est le spectacle auquel se livre, assez régulièrement, le porte-parole de la présidence de la République. Celui que le Père Paul Mba Abessole a implicitement appelé, face à Daniel Ona Ondo le 10 mars dernier à l’Assemblée nationale, «le symbole des jeunes qui manquent de respect aux aînés» manque-t-il à ce point d’arguments pour dévisser littéralement dès qu’une question l’embarrasse ? Est-il devenu un porte-parole à problèmes pour Ali Bongo ?
Ministre délégué dans l’un des derniers gouvernements Omar Bongo pendant une vingtaine de mois, entre janvier 2006 et décembre 2007, ancien leader de syndicat étudiant au tout début des «années de braise» (1990), Alain-Claude Billie By Nzé, 47 ans, est généralement présenté comme un personnage qui sent le soufre. Dans sa dernière livraison, l’hebdomadaire La Lowé le présente comme un personnage sans scrupules. Est-ce à cause de son «vagabondage» politique (RPG, RDP, PDG – trois partis politiques en quinze années de carrière politique) ? Est-ce à cause de son passé trouble (la prison en 2008 pour des faits liés à ce qu’on peut appeler pudiquement des écritures comptables non conformes) ? Est-ce à cause de son côté moralisateur, voire un brin arrogant ? Est-ce à cause des propos qu’il a tenus sur Jean Ping ou sur des opposants tels que Jean Eyéghé Ndong ? Est-ce à cause des propos peu courtois qu’il a tenus il y a quelques mois sur le Premier ministre de l’époque, Raymond Ndong Sima ? L’hebdomadaire La Loupe s’était alors demandé s’il revenait à un conseiller du président de la République, fut-il Porte-parole, de dire : «Monsieur le Premier ministre, si vous voulez partir, allez-y, personne ne vous retient». Est-ce encore à cause de ses prises de position lors des émissions télévisées auxquels il aime si bien participer ? En tout cas, jamais porte-parole de la présidence de la République -que ce soit Jean Ovono Essono, Robert Orango Berre ou Guy-Bertrand Mapangou, voire Clémence Mezui-me-Mboulou)- n’avait été aussi décrié par l’opinion en général, et par la presse en particulier.
«Il ne fait que son boulot», disent ses amis
Pourtant Alain-Claude Billie By Nzé trouve grâce auprès de ses proches. Pour ceux-ci, il ne fait que son boulot. Ils soulignent que le rôle du porte-parole est celui d’être un porte-flingues. «Il doit protéger le président, réagir au coup par coup et réagir aux coups par des coups», estime un chargé de mission du palais du Bord de mer. Pour un autre, «son rôle consiste à dire ses quatre vérités à ceux qui titillent le président, et le président le soutient». Il reste à savoir si le président de la République l’a aussi soutenu lorsqu’il a demandé au directeur général de la Caistab d’appliquer le décret présidentiel des nominations de septembre 2013 dans cet établissement public. A ce jour, les personnes révoquées sont toujours à leur poste, et les personnes nommées n’ont jamais pris leurs fonctions. Le président de la République l’a-t-il aussi soutenu lorsqu’en mars 2013, il a été à l’origine d’un incident diplomatique entre le Royaume du Maroc et la République Gabonaise, pour avoir annoncé précipitamment la visite du Roi Mohammed VI à Libreville. On se rappelle que l’Ambassadeur du Maroc s’était alors rendu au ministère des Affaires étrangères dire, les yeux dans les yeux, à Emmanuel Issozet Ngondet ce qu’il pensait de cette gaffe émanant du porte-parole de la présidence de la République. Le président de la République l’a-t-il soutenu lorsqu’il a indexé un journaliste travaillant pour RFI qui lui posait une question sur le redressement fiscal auquel est soumise la compagnie Total ?
Emotion et courroux dans la corporation
Sa réaction, ce jour-là, a suscité un courroux et une forte émotion dans la corporation. Le journal La Lowé, par exemple, se demande à demi-mot, cette semaine, si le porte-parole du Palais du Bord de mer est toujours lucide à chaque fois qu’il se présente face aux hommes et femmes des médias, s’il n’ingurgite pas auparavant du kaï-kaï, et dit combien sont insipides les conférences de presse hebdomadaires du porte-parole de la présidence de la République. En fait, selon un journaliste présent sur les lieux, «Alain-Claude Billie By Nzé avait surajouté ce jour-là». «Là où il faut être sobre et tacticien, lui il surajoute», conclut-il. Le rédacteur en chef d’un autre hebdomadaire librevillois estime pour sa part qu’«en voulant se poser comme un paravent imparable pour le chef de l’Etat, Billie By Nzé en fait trop ; il est excessif dans ses réponses, dans son regard aux autres, dans son attitude face à ceux qui viennent l’interviewer chaque semaine malgré la poignée de mains, on peut être un porte-parole présidentiel et être courtois et policé, être respectueux et rigoureux dans son comportement».