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Crise post-électorale 2016 : l’ébouriffante restriction de l’Internet
Publié le mercredi 7 septembre 2016  |  Gabon Review
Vue
© Autre presse par DR
Vue aérienne de la ville de Libreville
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Près d’une semaine après la réélection contestée d’Ali Bongo Ondimba, les Gabonais sont littéralement privés d’Internet, alors que les pouvoirs publics avaient promis que le pays n’en serait pas sevré. Combien aura coûté cette opération somme toute contournée par ceux qui le voulaient bien ? TAZ, dirait Hakim Bey.

Cinq jours après la proclamation des résultats officiels provisoires de la toute dernière élection présidentielle au Gabon, les mesures d’isolement et de censure prises par les autorités et nullement expliquées, ont partiellement été levées. En effet, alors que le soleil se couchait, le 31 août dernier, sur les manifestations ayant suivi l’annonce de la réélection d’Ali Bongo, l’Internet a été coupé dans l’espace territorial gabonais, sans explication officielle. Tout le monde n’en a cependant pas été privé, l’Agence nationale des infrastructures numérique (Aninf) ayant distribué des clés USB Internet à certaines autorités et à quelques privilégiés qui peuvent continuer à surfer sur la toile mondiale pendant la restriction.

Le retour de la connexion Internet a été noté le lundi 5 septembre, après une rumeur indiquant que Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’Onu, s’en était indigné auprès des autorités gabonaises. Revenue avec une très faible bande passante, la connexion reste cependant limitée aux ordinateurs, les terminaux tels que les tablettes et les smartphones ne recevant pas le signal. Ainsi, à l’impossibilité d’échanger par SMS, est venue s’ajouter la privation des réseaux sociaux, notamment Facebook et Twitter. Ce qui a laissé courir l’idée selon laquelle les émeutes post-électorales ont fait bien plus de morts qu’il n’en est officiellement déclaré et que les autorités gabonaises craignent la publication des photos et vidéos amateurs qui viendraient les contredire en montrant les horreurs de la répression armée.

Fuites d’informations… tout de même

Il se trouve, en effet, que ceux des Gabonais ayant réussi à contourner le blocage de l’Internet grâce aux applications de masquage des VPN, ont constaté sur la page Facebook du groupe Info Kinguelé, que des internautes avaient posté des dizaines de photos de blessés. A l’instar du post d’un certain Jeffrey, daté du 2 septembre dernier, qui présente une personne morte d’une balle à la tête ainsi que des photographies montrant les traces sur un corps des sévices subis par des personnes qui étaient détenues, avant d’être libérées, de la Direction générale de la documentation et de l’immigration (DGDI) dans la matinée du 5 septembre courant. Info Kinguelé montre également des douilles de balles à blanc, des douilles de balles réelles, des percuteurs de petites bombes. Les réseaux sociaux n’auraient-ils pas été bloqués qu’on aurait eu, vraisemblablement, plus de détails et de témoignages sur les dégâts de la répression des manifestations post-électorales.

Que tiennent donc tant à cacher les autorités gabonaises ? Y réussissent-elles vraiment ? On pourrait admettre qu’elles sont parvenues à bloquer l’Internet pour le plus grand nombre, pour la plèbe. Mais les autres, les élites, n’ont pas tardé à s’installer dans la TAZ (Zone autonome temporaire) en utilisant des moyens parallèles pour se connecter à la toile mondiale. Ainsi, la clé USB Internet de l’Aninf est sortie de sa zone de prédilection pour se retrouver ailleurs, parfois même dans certains états-majors de l’opposition tandis que de nombreux usagers du Net sont passés à d’autres solutions (marqueurs de VPN, brouillage d’adresse proxy, etc.). Car, même en Chine un certain nombre de personnes parviennent à contourner la restriction de l’Internet grâce à des astuces de pirate (Freegate, réseau Tor, Psiphon, Freenet, anonymizers, etc.).

TAZ et facture de l’opération

L’Internet aura toujours son pendant parallèle, quelque peu pirate, ainsi que l’a théorisé le philosophe anarchiste Hakim Bey qui le comparait aux cachettes et réseaux interlopes d’information des pirates et corsaires du XVIIIe siècle. «La TAZ est un moment d’espace libéré où les rapports de domination doivent être abolis. Ces instants font entrevoir que quelque chose d’autre que la fatalité quotidienne est possible même si il est vrai que ces moments où tout semble s’écrouler sont en décalage avec la réalité, qui rappelle en général vite à l’ordre», écrit Hakim Bey avant d’ajouter : «Si la TAZ est un campement nomade, alors le Web est le pourvoyeur des chants épiques, des généalogies et des légendes de la tribu ; il a en mémoire les routes secrètes des caravanes et les chemins d’embuscade qui assurent la fluidité de l’économie tribale ; il contient même certaines des routes à suivre et certains rêves qui seront vécus comme autant de signes et d’augures.»

La coupure complète d’Internet est un exemple de censure extrême, perpétrée par des États qui généralement se contrefichent des libertés individuelles. Il reste qu’une telle rupture des communications, aussi bien domestiques qu’internationales, coûte énormément d’argent, puisque l’opération requiert un travail intense, avec la nécessité de couper non seulement les protocoles qui connectent le pays au réseau international, mais aussi les protocoles qui connectent les FAI entre eux et avec leurs abonnés. Combien cette opération a-t-elle donc coûté au contribuable gabonais ?
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