Rues désertes bien avant la nuit, forces de sécurité aux aguets, nouvelles proclamations et autres invectives...: les Gabonais se sont calfeutrés chez eux par crainte de violences, mardi, bien avant une nuit de longues délibérations sur le vainqueur de la présidentielle.
Nouveau septennat pour le président sortant Ali Bongo Ondimba, ou fin de la dynastie de sa famille avec l'ex-patron de l'Union africaine (UA) Jean Ping, vainqueur auto-proclamé du scrutin de samedi ? Sans attendre le verdict officiel qui pourrait tomber tard dans la nuit, les rues de Libreville et Port-Gentil se sont vidées dès le début de l'après-midi.
En matinée, de nombreux Librevillois avaient envahi supermarchés et épiceries pour faire des provisions.
Les forces de police anti-émeute se sont progressivement déployées aux points stratégiques de la capitale d'environ 650.000 habitants. Plusieurs véhicules blindés légers patrouillaient sur le bord de mer, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Habitués à la paix civile, les Gabonais n'ont pas oublié qu'en 2009 des violences post-électorales avaient éclaté à Port-Gentil, la capitale économique (morts, pillages, couvre-feu, consulat de France incendié...).
Sur son site, l'ambassade de France a "demandé aux ressortissants français d'éviter tout déplacement ce mardi 30 août à compter de 14h00".
Le dénouement de la présidentielle à un tour se faisait toujours attendre: alors que l'assemblée plénière de la Commission électorale nationale (Cénap) devait se réunir à partir de 19H00 (18H00 GMT), elle n'avait pas encore commencé ses travaux à 22H00.
Les débats, qui s'annonçaient "houleux" entre délégués de la majorité et de l'opposition, pourraient durer "des heures", selon des sources proches de la Cénap.
Le ministre de l'Intérieur doit venir ensuite y lire les résultats.
Mardi en milieu de soirée, M. Ping a appelé les quelques milliers de partisans rassemblés dans une ambiance festive à son quartier général, à "rester mobilisés" et à ne pas descendre manifester dans la rue.
Ex-baron du régime du président Omar Bongo, opposant tardif après l'élection de son fils Ali en 2009, Jean Ping, 73 ans, prétend renverser la famille au pouvoir depuis 1967 dans cette partie de l'Afrique où l'alternance politique est exceptionnelle.
Mardi, son équipe de campagne a de nouveau revendiqué la victoire en assurant que Jean Ping possédait une avance de 60.000 voix sur Ali Bongo impossible à rattraper sauf fraude massive.
- Ban Ki-moon appelle Bongo et Ping -
L'entourage du président Bongo évoquait également une "avance" qui lui garantirait la victoire.
Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a appelé les deux candidats pour leur transmettre "sa préoccupation concernant des déclarations prématurées sur l?issue des élections".
Les invectives ont cependant continué à pleuvoir.
Le porte-parole du gouvernement, Alain-Claude Bilie-By-Nze, a dénoncé "des ingérences multiples" au bénéfice de M. Ping, visant la France et un présumé proche du président ivoirien Alassane Ouattara.
M. Bilie-By-Nze a nommé l'avocat parisien de M. Ping, Eric Moutet, qui a annoncé que son client saisirait la Cour constitutionnelle en cas de défaite.
Réclamant "l'alternance", des électeurs pro-Ping énumèrent des doléances sans fin dans ce petit pays pétrolier de 1,8 million d'habitants frappé par la chute des cours du baril: "pas d'emplois pour les jeunes", "accès difficiles aux médicaments", "routes à moitié construites", coupures d'eau et d'électricité...
Ali Bongo, 57 ans, a défendu son bilan avec des "investissements sans précédent" et la diversification de l'économie, en promettant "l'égalité des chances" et de faire mieux pour le logement.