La coalition des candidats autour de Jean Ping a adressé une «lettre à tous les Gabonais, ci-après publiée in extenso.
Lettre à tous les Gabonais
Très chers compatriotes,
Nous, Guy Nzouba Ndama, Casimir Oye Mba et Jean Ping, avons fait acte de candidature à la présidence de la République. Chacun de nous avait présenté un projet soutenu par de nombreuses forces politiques et sociales. Mais, vous nous avez demandé de nous unir. Avec insistance, vous avez exigé de nous une candidature unique. Du 13 au 16 août 2016, trois jours et trois nuits durant, en toute liberté et en toute responsabilité, nous nous sommes retrouvés pour fondre nos projets politiques autour d’une ambition unique : la libération du Gabon, notre pays. Avec l’aide d’autres compatriotes, nous avons pris la décision historique de désigner Jean Ping comme candidat unique de l’opposition.
Le 27 août prochain, vous irez voter. Nous irons tous voter. En toute conscience, vous déciderez du chemin que notre pays empruntera durant les prochaines années. A quelques jours de ce moment si important pour chacun d’entre nous, il nous parait utile de nous adresser à vous pour vous parler de ce qui nous unit, de ce bien si précieux que nous avons en commun : le Gabon, notre pays. Vous connaissez chacun d’entre nous. Vous savez que nous avons servi notre pays à des niveaux élevés. Dans nos fonctions antérieures, nous avons été témoins et souvent partenaires de toutes vos luttes. Dans cet engagement en faveur du Gabon, nous avons notre part de réussite, d’échec mais aussi de regrets.
Nous pouvons donc légitimement nous permettre de vous dire que le septennat qui s’achève est un échec cuisant. Aucune promesse n’a été tenue. L’Etat de droit a cédé la place à la loi du plus fort. L’économie a été placée au service exclusif de quelques amis. La précarité et le chômage ont gagné du terrain. Les repères moraux et culturels ont été brouillés. Malgré les 21.000 milliards de francs de ressources publiques engrangés en sept ans, les Gabonais, c’est-à-dire vous et nous, vivons plus mal aujourd’hui qu’en 2009. Nous ne le disons pas par démagogie ou mauvaise foi. Nous l’affirmons parce que nous avons conscience de vos peines, souffrances et inquiétudes de tous les jours. Nous ne pouvons laisser les choses continuer à leur rythme actuel. Après 50 ans de règne, le pouvoir Bongo-PDG ne peut plus changer. Il est trop usé pour comprendre les attentes de notre jeunesse. Il est trop ankylosé pour avoir la vivacité qu’exige un monde en perpétuel changement. Définitivement, le PDG et son candidat, Ali Bongo, ne peuvent plus incarner l’avenir.
Parce que le Gabon nous a tout donné, il est de notre responsabilité de le libérer de ce régime oppresseur. Comment admettre que le régime Bongo-PDG ait favorisé le développement des crimes rituels ? Comment tolérer que les décès de Mboulou Beka et Béranger Obame Ntoutoume soient restés impunis ? Comment accepter que la police ait pu dénuder et balader à travers la ville des commerçantes qui ne demandaient qu’à nourrir dignement leurs enfants ? Comment supporter que des Gabonais aient vu leurs habitations, construites au prix de leurs efforts, détruites de façon arbitraire et sans compensation ? Comment se résigner à voir la police brutaliser et emprisonner des enfants qui manifestaient pour réclamer leur droit légitime d’aller à l’école ? C’est au Gabon, entre 2009 et aujourd’hui, que tout cela s’est passé. A chacun d’entre vous d’y réfléchir. A chacun d’entre vous de se dire que ça pourrait aussi lui arriver demain.
En 50 ans de présence à la tête de notre pays, le régime Bongo-PDG a eu le temps de vous montrer de quoi il est capable. En sept ans, Ali Bongo vous a administré la preuve de son incapacité à gérer le pays. Il vous a promis 37.500 logements, 3.320 kilomètres de routes bitumées, six barrages hydroélectriques, ainsi qu’un investissement massif dans l’éducation et la santé. Des centaines de maquettes ont été conçues et diffusées par tous les canaux possibles et imaginables. Que reste-t-il aujourd’hui de toutes ces promesses ? Rien, si ce n’est un énorme gâchis financier, du temps perdu et, finalement, une profonde frustration. C’est pourquoi, nous vous disons : «Trop c’est trop ! 50 ans ça suffit !». Nous le disons parce que nous savons ce que nous devons à notre pays et à son peuple, c’est-à-dire à chacun d’entre vous. Nous le disons parce que, tous ensemble, nous devons libérer notre pays de l’imposture, de la cupidité, de l’amateurisme et de l’incompétence. Samedi 27 août prochain, nous devons nous débarrasser d’Ali Bongo et son gang. Par votre vote et avec votre détermination, nous allons y arriver.
Madame, Monsieur, Cher jeune
Malgré les doutes qui entourent son état-civil et la suspicion légitime quant à la constitutionnalité de sa candidature, Ali Bongo brigue de nouveau la présidence de la République. Et pourtant, pas moins de quatre actes ou déclarations de naissance en son nom sont en circulation. Au terme de plusieurs procédures et requêtes, la justice, la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) et la Cour constitutionnelle ont estimé que sa situation administrative était un détail. Nous pouvons dire aujourd’hui que vos véritables adversaires, les ennemis de la liberté et du progrès du peuple gabonais sont désormais connus. Chacun d’entre vous peut aisément les identifier. Parce qu’ils vivent avec nous, au milieu de vous, parce que ce sont vos amis, parents et connaissances, vous avez le devoir de les interpeller individuellement, de les inviter à un sursaut patriotique et républicain.
Il nous reste moins d’une semaine pour enfanter de l’alternance et du changement. Durant cette période, vous devez tout mettre en œuvre pour convaincre ceux qui peuvent et doivent l’être encore. Comme nous, vous avez appris qu’Ali Bongo et son gang ont l’intention de renouveler l’imposture, qu’ils préparent un nouveau passage en force. Les compagnies de téléphonie se mettent en condition de couper toutes les communications. La Cenap est disposée à modifier le résultat des urnes. Le ministre de l’Intérieur est prêt à diffuser des chiffres concoctés dans les officines de la présidence de la République. La Cour constitutionnelle se prépare à donner à ce hold-up annoncé un vernis de légalité. Sans la moindre retenue, l’armée est mise en ordre de bataille pour faire plier le peuple. Avec leur détachement habituel, les observateurs internationaux s’apprêtent à affirmer que «les irrégularités constatées ne sont pas de nature à fausser la sincérité du scrutin». Allons-nous accepter une mascarade d’une telle envergure ? Nous disons : Non ! Nous vous invitons à vous tenir prêts à défendre votre vote. Quoi qu’il nous en coûte, individuellement et collectivement, nous ne devons pas reculer. Et nous ne reculerons pas !
Vous devez donc avoir conscience de ce que votre avenir dépend de vous-mêmes et de vous seuls. Vous ne pouvez plus continuer à parler du Gabon, comme s’il ne s’agissait pas de votre pays. Vous ne pouvez plus vous contenter des discours ou de regarder le jeu politique comme un film ou un match de football. Vous devez vous engager. Vous devez agir, en tout lieu et en toute circonstance, jusqu’à la chute d’Ali Bongo et son gang. Vous avez le devoir de vous demander ce qu’il adviendra de chacun d’entre nous et de notre pays si, par extraordinaire, Ali Bongo rééditait son passage en force. Vous savez que certains d’entre nous sont déjà promis au goulag, d’autres au «polonium à la gabonaise». Vous êtes conscients que vos conditions de vie vont se dégrader et que vous pourrez vous retrouver condamnés à l’expatriation si ce n’est à l’exil. Devez-vous vous laisser faire ?
On pourrait nous accuser de cultiver la peur si nous n’avions vécu les sept dernières années. On pourrait nous accuser de fantasmer si nous n’avions été témoins de cette histoire sombre de l’Afrique. Que les plus jeunes se demandent dans quelles conditions s’est créée la diaspora de Guinée Conakry. Qu’ils cherchent à comprendre pourquoi de brillants médecins, avocats ont dû quitter leur pays pour se réfugier au Gabon ou ailleurs. Si Ali Bongo entend réserver aux Gabonais le destin que Sékou Touré a imposé à son peuple, nous ne sommes pas prêts à voir nos enfants aller chercher ailleurs une terre d’accueil. Pour nous, le Gabon doit continuer à faire rêver ses enfants, à vous offrir un horizon.
Envers et contre tout, nous vous appelons à la mobilisation, à la prise de conscience des défis et enjeux de cette élection. A ceux d’entre vous qui sont tentés de soutenir Ali Bongo, nous demandons de ne pas oublier qu’il incarne un système vieux de 50 ans. Au nom de l’intérêt général et du Gabon éternel, nous vous invitons à comprendre qu’il est temps de tourner la page, de passer à autre chose. Notre combat vise à placer l’union, le travail et la justice au cœur de notre vivre ensemble. L’élection du 27 août prochain doit être le point de départ d’un changement profond dans notre société. Elle doit nous permettre de faire entrer notre pays dans la modernité.
Rassemblons-nous. Mobilisons-nous pour changer notre présent et construire notre futur. Décidons du pays que nous voulons pour nos enfants et petits-enfants. Retrouvons le temps heureux rêvé par nos ancêtres. Bâtissons le Gabon nouveau digne d’envie. Pour que 2016 ne soit pas 2009, changeons ensemble de président !