Le pouvoir semble tout mettre en œuvre pour compromettre Jean Ping dans le dossier CMEC-Bélinga. Mercredi soir, soit vingt-quatre heures après la désignation de Jean Ping comme candidat de l’opposition, Ntéra Etoua, membre de l’entourage d’Ali Bongo, et surtout Richard Auguste Onouviet, ancien ministre des Mines, sont passés respectivement sur Urban FM Radio (relayée par TéléAfrica) et sur la chaîne publique Gabon 24, pour dénoncer le rôle qu’aurait joué Jean Ping lors de la signature de la convention entre l’Etat Gabonais et la société chinoise CMEC, pour l’exploitation du fer de Bélinga.
«Des hommes tenus par le devoir de réserve s’en affranchissent. Est-ce pour sauver le Soldat Ali ?», s’interroge un ancien ministre d’Etat ayant demandé à ne pas être cité. «Le problème, poursuit-il, est que la signature de l’ancien Vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, n’apparaît nulle part ni dans l’accord-cadre, ni dans la Convention, mais ils l’attaquent, l’accusent de tout». L’actuel président de l’Assemblée nationale, ministre des Mines au moment des faits, affirme que des négociations avec la CMEC et les autres entreprises (brésilienne, australienne, sud-africaine et Comilog, notamment) se tenaient bien au ministère des Mines autour de lui, mais «les vraies négociations se tenaient en réalité au ministère des Affaires étrangères» sous la houlette de celui qui était alors vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères. Richard Auguste Onouviet a affirmé que lui n’avait signé que l’accord-cadre de 2004, tandis que «Casimir Oyé Mba (qui lui avait succédé au ministère des Mines) a signé la Convention, le 24 mai 2008». Il n’y est donc pour rien, le dossier relatif au gisement de fer de Bélinga étant celui du Premier ministre de l’époque, Jean Eyéghé Ndong, de son successeur au ministère des Mines, Casimir Oyé Mba, et du vice-Premier ministre Jean Ping.
Jean Eyeghé Ndong, Casimir Oyé Mba, Jean Ping et pas moi
Avec moult détails, tout en affirmant qu’il est tenu par le devoir de réserve, Richard Auguste Onouviet a déclaré que «sur le document signé à la présidence de la République entre l’Etat Gabonais et le consortium chinois CMEC, j’ai refusé d’apposer ma signature, n’ayant pas suivi les négociations malgré ma position de ministre des Mines. Je l’ai expliqué au président de la République, Omar Bongo Ondimba». Et d’ajouter que «lors d’une des négociations à la présidence de la République devant le chef de l’État, et alors que les responsables de la société brésilienne CVRD présentaient leur offre, le vice-Premier ministre chargé des Affaires étrangères interrompait régulièrement nos interlocuteurs, et je ne comprenais pas pourquoi». Onouviet souligne que le choix des techniciens de son ministère portait plutôt sur la société brésilienne CVRD, car c’était une vraie entreprise minière, alors que la CMEC ne devait servir que porteur des financements. Il dit ne pas avoir compris comment la CMEC a finalement obtenu l’ensemble des opérations. Pour de nombreux observateurs, de telles déclarations pourraient créer «un incident diplomatique» avec la Chine si l’on n’y prend garde. Pour «descendre» un adversaire politique, doit-on sortir de la réserve qu’impose l’exercice de hautes responsabilités, a interrogé, dans un café de Libreville, un fonctionnaire à la retraite, avant de faire remarquer : «Tout s’est donc passé comme si Omar Bongo ne contrôlait rien et Ping était plus fort que lui. Pourquoi Onouviet n’a-t-il pas indiqué ses craintes au président de la République ? Dire que Omar Bongo Ondimba avait placé Bélinga au centre de son septennat, entamé en janvier 2006, et qu’il l’avait qualifié «projet du siècle».»