En estimant la candidature d’Ali Bongo «pas encore opposable aux gabonais», le président de l’Union du peuple gabonais (UPG) loyaliste se dit d’une détermination inébranlable pour prouver que ses saisines, aussi bien devant la Commission électorale, la Cour constitutionnelle, la Cour d’appel judiciaire de Libreville, que le Tribunal administratif de Libreville, rendent inéligible le candidat du parti au pouvoir pour l’élection présidentielle du 27 août prochain.
Jean de Dieu Moukagni Iwangou a dressé, le 5 août dernier à Libreville, un tableau rétrospectif des saisines introduites auprès des juridictions compétentes en vue non seulement de disqualifier Ali Bongo de la course à la présidentielle, mais aussi de le radier de la liste électorale. Encore pendantes, toutes ces démarches feraient que, de l’avis du leader de l’UPG-Loyaliste, la candidature d’Ali Bongo ne soit pas encore opposable aux Gabonais, et peut-être qu’elle ne sera jamais.
En venant d’abord à la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap), Moukagni Iwangou estime que la candidature d’Ali Bongo n’est pas opposable aux Gabonais en ceci que les saisines de 3000 Gabonais, en contestation de son dossier, n’ont pas été examinés et que l’article 66 de la loi n°7/96 du 12 mars 1996 portant dispositions communes à toutes les élections politiques au Gabon leur confère le droit de contester une ou plusieurs candidatures devant la commission électorale. Parallélisme de forme oblige, c’est par une trace écrite à chaque citoyen que devait être adressée une réponse motivée et actée, de sorte à instruire chaque citoyen du bienfondé de la parole publique, pense le président de l’UPG-Loyaliste. Pas encore en possession de ce support opposable, Moukagni Iwangou et les autres Gabonais attendent de connaitre la délibération de la Cenap sur les fins de leurs saisines. Conclusion : la Cenap n’a pas encore vidé sa saisine vis-à-vis des Gabonais.
«Dans ce sens, j’invite ces Gabonaises et Gabonais à me rejoindre, pour que, preuve de la réception de leur saisine de la Cenap à l’appui, nous puissions rencontrer la mission d’observation de l’UE, ainsi que la représentation du National démocratic institute (NDI) et attester à la face du monde que la candidature d’Ali Bongo ne peut être opposable aux Gabonais», a-t-il lancé.
Concernant la Cour constitutionnelle, la candidature d’Ali Bongo ne serait également pas opposable aux Gabonais. Car, en publiant dans le journal L’Union la décision de validation de la candidature d’Ali Bongo, elle a violé «de la manière la plus caractéristique sa propre procédure, et neutralisant sur le coup sa propre décision, en ce qu’elle est prévue aux articles 3 de la loi organique qui l’institue, et 37 du règlement de procédure que la Cour a pourtant écrit elle-même», a fait observer l’UPGiste en chef, notant que «les décisions intervenant en matière électorale devant la Cour constitutionnelle doivent être prononcées en audiences publiques, et faire l’objet d’une publication au journal officiel ou dans un journal d’annonces légales.»
«A titre tout à fait surabondant, il est bien de savoir que même si cette décision avait été viable en droit, et qu’elle serait donc assortie de l’autorité de la chose jugée, les extraits publiés indiquent clairement que l’examen des juges n’a rien jugé du contentieux de la nationalité, qui ne relève pas des compétences de la Cour constitutionnelle», a-t-il souligné.
Il a par ailleurs précisé qu’avant que la Cour constitutionnelle n’ait à se prononcer, donc fixer la jurisprudence et à dire le droit en dernier ressort, à la suite d’une question largement débattue devant les juges du fond, on laisse le soin aux parties d’articuler leurs arguments devant les juridictions compétentes, «en principal, à titre accessoire, de manière additionnelle et même à titre reconventionnel.» Pour lui, cette question est loin d’être close. Elle s’ouvre plutôt, confie-t-il, relevant que «la justice expéditive et le fait accompli ont été érigés en mode de gouvernance judiciaire». La précipitation de la Cour constitutionnelle à se prononcer parasite par ce fait les procédures pendantes devant les juridictions inférieures.
Devant la Cour d’appel judiciaire de Libreville, Moukagni Iwangou a tenu à établir qu’Ali Bongo a acquis la nationalité, non pas de contester sa nationalité Gabonaise. Toute chose qui place le candidat de la Majorité sous la sanction de l’article 10 alinéa 3 de la Constitution. Le président de l’UPG-Loyaliste a dit avoir demandé à la Cenap de surseoir à statuer, persuadé de l’incidence que devait avoir le litige ouvert devant la Cour d’appel. Sa saisine n’a même pas été examinée, mentionne-t-il.
Face à cet état de choses, Moukagni Iwangou interpelle l’UE et le NDI sur la crispation qui se fait jour dans le traitement du contentieux. Il a rappelé que le Gabon est signataire de toutes les conventions internationales qui reconnaissent aux parties le droit d’être jugées par un juge indépendant et impartial, dans le cadre d’un procès équitable.
De ce fait, ne s’étant pas abstenue devant la juridiction qu’elle dirige, Mme le premier président de la Cour d’appel judiciaire a obligé Moukagni Iwangou à soulever sa récusation. Laquelle l’a renvoyé «curieusement» devant à une chambre de récusation, non prévue par ailleurs dans le code de procédure civile dont l’approche est prévue dans l’article 333. «Enfermé dans un délai de huit (8) jours, qui seront largement dépassés à l’échéance du 8 août 2016 par le fait de Mme le président de la Cour d’appel, la récusation renvoie à la Cour d’appel elle-même, qui doit se prononcer hors la présence du juge récusé, par un arrêt non susceptible de recours.», a-t-il argumenté.
L’éthique et la morale étant soulevées dans cette affaire, la position du juge et partie est simplement la provocation de trop, le régime étant parvenu à instrumentaliser les juges, relève Moukagni Iwangou. Ainsi, le contentieux sur la supposée nationalité acquise d’Ali Bongo, amène à s’appuyer le fondement de l’article 45 de la loi électorale qui dispose que «les Gabonais nés à l’extérieur s’inscrivent sur les listes électorales, sur présentation d’un acte de naissance établi par l’autorité consulaire habilitée ou par un acte de naissance retranscrit à la mairie du 1er arrondissement de la ville de Libreville». « Notoirement connu comme détenteur d’un acte de naissance établi à la Mairie du 3e arrondissement de Libreville, il coule de source que M. Ali Bongo est inscrit sur la liste électorale, en violation flagrante de la loi», a signifié Moukagni Iwangou.
Le président de l’UPG a rappelé qu’il a saisi le tribunal administratif de Libreville, à la suite du silence affiché quant à sa saisine préalablement introduite le 1er février 2016 et à la Commission de révision et au ministre de l’Intérieur. Mais cette juridiction, indique-t-il, a choisi de l’opposer à l’État Gabonais, en évitant Ali Bongo qu’il avait bien identifié dans ses écrits. Le tribunal administratif l’a débouté pour recours précoce, indique le président de l’UPG-Loyaliste.
Il a terminé son propos par un appel à l’endroit des magistrats, à qui il demande de la retenue au moment où ils disposent dans leurs mains de la responsabilité d’installer fortement l’avenir du pays dans le sens du droit.
L’audience du mercredi 3 août dernier a révélé une chose, selon le leader politique : la fébrilité de la Cour d’appel à dire le droit sur la récusation de Madame Paulette Ayo Mba, soulevée par Moukagni Iwangou et Bengone Nsi. Attendu à l’audience de ce jour-là, le délibéré a été renvoyé par voie d’affichage à ce lundi 8 août, alors que la prorogation, la mesure par laquelle une juridiction ajourne une décision, doit toujours être prononcée en audience publique, indique l’ancien magistrat.