En dépit des appels à sa démission et au désaveu que lui a récemment infligé la Cour constitutionnelle, le président de Commission nationale électorale autonome et permanente du Gabon (Cenap) feint la sérénité, fondant ses explications sur des omissions volontaires.
Très critiqué depuis la validation de la candidature d’Ali Bongo, le président de la Commission nationale électorale autonome et permanente (Cenap) se dit serein, en dépit des appels à la démission qui lui sont adressées. «Il est parfois difficile de ne pas tenir compte de ce qui se dit et de l’appréciation des gens. Mais nous restons concentrés sur les exigences de notre mission. C’est-à-dire, veiller à ce que la loi électorale soit respectée», a-t-il déclaré dans une interview à Jeune Afrique. «Nous comprenons qu’il s’agit du jeu politique, qui veut que les gens adoptent des postures. C’est de bonne guerre. Mais en ce qui me concerne, j’essaie de ne pas perdre de vue mon rôle : amener les Gabonais à exercer leurs droits civiques dans les meilleures conditions possibles», a-t-il ajouté.
Amené à se prononcer sur le scrutin prévu dans quelques jours, René Aboghe Ella a assuré que «le chronogramme de travail est bien respecté, ce qui augure de la tenue à la bonne date de l’élection. Rien ne devrait s’y opposer». Selon lui, 2 580 bureaux de vote seront repartis sur l’ensemble du territoire national et dans les missions diplomatiques. «Le collège électoral, annoncé par le ministère de l’Intérieur, sera de 628 124 électeurs», a-t-il précisé, s’expliquant sur cette réduction subite. «En 2009, notre liste électorale n’était pas biométrique et sa fiabilité était régulièrement mise en cause. Elle comportait, semble-t-il, un certain nombre de doublons», a-t-il reconnu, contredisant ses affirmations d’il y a sept ans et lançant une pierre dans le jardin de Jean-François Ndongou, le ministre de l’Intérieur d’alors. «C’est ce manque de fiabilité qui explique que le Gabon soit passé en 2013 à la biométrie pour satisfaire une exigence récurrente des acteurs politiques. En 2013, lors de la refonte de la liste, nous avions un effectif d’environ 580 000 électeurs. Aujourd’hui, la dernière révision de cette liste nous amène à ce chiffre de 628 124, qui est conforme à la réalité», a-t-il renchéri, donnant implicitement raison à ceux qui, dans le passé, doutaient de la fiabilité du fichier électoral.
Le président de la Cenap a aussi abordé la supervision du scrutin. «Les acteurs politiques ont la possibilité d’observer et même de participer à la gestion du processus électoral à tous les niveaux. Nous avons l’obligation de faire des formations à destination des observateurs désignés par tous les camps», a-t-il expliqué. «Nous les appelons donc à exploiter au maximum les possibilités qui leur sont offertes par la loi pour prendre part, participer et observer le déroulement de l’élection car des places leur sont faites à tous les stades», a-t-il ajouté, feignant de déplorer que l’opposition ne soit pas suffisamment représentée. «Évidement, s’ils n’y prennent pas part, ils ont beau jeu de dire que les résultats ne sont pas fiables», a lancé René Aboghe Ella, comme pour se dédouaner à l’avance et à peu de frais, avant de réfuter toute collusion avec le Parti démocratique gabonais (PDG). «Il suffit de lire la loi : en plus des représentants de l’administration, les principaux camps politiques sont représentés de façon équitable, à parité dans les instances électorales. La Cenap ne serait pas neutre ? Certains s’attendent peut-être à ce qu’elle se fasse le relais des messages de l’opposition ? La commission électorale ne peut pas se faire le relais des thèses d’un camp politique», a-t-il lâché. «La Cenap ne fait pas la loi électorale, elle doit l’appliquer. La classe politique gabonaise, a conçu une loi électorale qui est la nôtre aujourd’hui et que nous devons simplement appliquer», a-t-il dit, omettant qu’il s’est récemment octroyé le droit de modifier la liste des pièces constitutives des dossiers de candidature, avant d’être désavoué par la Cour constitutionnelle.